Jusqu’en octobre, l’Exposition universelle d’Osaka accueille 160 pays autour du thème « Concevoir la société du futur ». Les pavillons internationaux rivalisent d’ingéniosité pour montrer un avenir meilleur axé sur les préoccupations environnementales.
Le Japon saura-t-il capitaliser sur la nippomania ambiante ? Nouvelle pierre à l’édifice du soft power japonais, l’Exposition universelle s’est ouverte à Osaka le 13 avril pour une durée de six mois. S’il est encore trop tôt pour juger du succès de l’événement, une chose est sûre : le flot de visiteurs n’est pas près de se tarir dans un pays qui a déjà comptabilisé une année touristique record en 2024 (36,8 millions de visiteurs). « Osaka 2025 » vise à attirer 28,2 millions de touristes surtout internationaux, et conjurer le souvenir malheureux des Jeux olympiques de Tokyo en pleine crise du Covid-19. Le pays est un habitué de la manifestation, puisque c’est la troisième fois en soixante ans qu’il l’accueille : en 1970, véritable succès avec ses 64,2 millions de visiteurs, « Osaka 1970 » avait été la vitrine d’un Japon entré dans une nouvelle ère de prospérité et de progrès technologiques. En 2005, une seconde édition restée plus discrètement dans les mémoires s’était tenue près de Nagoya. Plus de 150 ans après la première Exposition universelle londonienne de 1873, le modèle semble bel et bien perdurer, et continue de catalyser l’énergie du pays organisateur comme celle des participants. Cette année, 161 pays et 9 organisations internationales sont représentés unis par la thématique « Designing Future Society for Our Lives » [Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain]. Au centre du jeu, le développement durable et notamment « l’importance d’intégrer les technologies avancées dans tous les aspects de la vie pour relever les défis mondiaux et créer un environnement plus sûr et plus confortable pour la société moderne », indiquent les organisateurs. C’est une mission que la mascotte officielle, intitulée « Myaku-Myaku » entend incarner : personnage ludique bleu et rouge composé de cellules humaines et d’eau, sa palette de couleurs représente le flux des artères et des veines, tandis que son nom, qui signifie « pouls » en japonais, symbolise la continuité de la vie.
Le site sélectionné pour l’Exposition universelle est singulier : l’île artificielle de Yumeshima, grande de 1,5 km2, située à l’extrémité ouest de la ville portuaire, dans la baie d’Osaka. « L’île de rêve » – en traduction littérale – a été construite sur un ancien dépôt de déchets. Pour devenir la terre d’accueil du projet, Yumeshima a fait l’objet, depuis 2021, d’importants travaux de sécurisation, d’assainissement et d’aménagement notamment pour dépolluer et stabiliser les sols, afin de mieux raccorder l’île aux services de la ville (en eau, électricité et transports). Un projet d’envergure dont le budget a atteint près de 80 milliards de yens [500 M€], en partie supporté par la Ville d’Osaka qui a argué de la transformation du site à des fins pérennes. À l’horizon 2030, Yumeshima devrait accueillir un complexe touristique comprenant un circuit automobile ainsi qu’un parc aquatique et un casino ; il devrait garder quelques éléments d’« Osaka 2025 ». Si l’aspect environnemental – et notamment le questionnement sur la « durabilité » du projet ultérieur – a pu susciter du scepticisme, voire des critiques, la logistique de l’événement – dont les nombreux retards dans la construction des pavillons et la hausse drastique des coûts engendrée par le manque de main-d’œuvre et de matériaux – a également représenté un défi de taille pour les organisateurs.
Installée dans la baie d’Osaka, l’Exposition universelle 2025, répartie en trois zones, intègre logiquement l’élément marin avec un « Water world » (un plan d’eau) qui cohabite avec le « Green world » et le « Pavillon world ». Si les pavillons thématiques ou nationaux rivalisent d’inventivité au niveau technique et esthétique, c’est sans nul doute l’œuvre de Sou Fujimoto, l’architecte désigné de l’Exposition [lire encadré p. 55] qui restera la signature de cette édition. Servant à la fois de porte d’entrée pour les visiteurs et ceinturant l’espace central du site, cette monumentale structure circulaire en bois de 60 000 m2 baptisée « Ring » est large de près de 700 m. Le toit de la structure, transformé en promenade panoramique longue de deux kilomètres, est accessible aux visiteurs. « Le Ring est une porte symbolique qui accueille les visiteurs du monde entier et incarne leur désir de vivre la philosophie de la conception du site de l’Expo, à savoir “l’unité dans la diversité” », explique Sou Fujimoto. Édifié entièrement en bois selon la technique traditionnelle d’assemblage sans clous ni vis, dite « nuki », utilisée notamment pour les temples et sanctuaires, l’ouvrage s’affirme comme une interprétation contemporaine de la construction traditionnelle japonaise en bois, « matériau d’avenir » pour sa neutralité carbone. Pour exemple, le plus ancien bâtiment en bois du monde, le temple Horyu-ji, près de Nara à quelques kilomètres d’Osaka, a été construit avec cette technique. Sous ces auspices, l’Exposition universelle d’Osaka entend célébrer l’innovation dans le respect des traditions, une mission que le Japon aime à perpétuer.
Né sur l’île d’Hokkaido en 1971 et diplômé en 1994 de la faculté d’ingénierie de Tokyo,l’architecte dirige actuellement l’agence Sou Fujimoto Architects fondée en 2000 à Tokyo dont une filiale a été inaugurée à Paris en 2015. Remarqué dès 2006 en remportant le prestigieux AR-Architectural Review Awards dans la catégorie « Jeune architecte » pour son projet de réhabilitation d’un hôpital psychiatrique pour enfants, il remporte le Lion d’Or de la Biennale d’architecture de Venise en 2012. Auteur d’ouvrages salués par la critique, il a notamment conçu le Serpentine Pavillon en 2013 à Londres, le pavillon Naoshima au Japon en 2017 ou encore, en France, l’Arbre blanc (2015), spectaculaire immeuble d’habitation à Montpellier. S’inscrivant dans l’héritage de la culture japonaise et inspiré par l’expérience de la nature dans son pays natal, Sou Fujimoto nomme son style « l’avenir primitif ». Il réfléchit notamment à l’interaction entre nature et architecture, se plaisant à brouiller les frontières entre les espaces intérieurs et extérieurs, et se limite le plus souvent à l’usage d’un seul matériau par bâtiment pour plus de lisibilité du projet.
Les architectes Coldefy & Associés et le CRA-Carlo Ratti Associati ont conçu un « hymne à l’amour » architectural qui reprend le dispositif théâtral : derrière une façade imaginée à la manière d’une scène avec des rideaux suspendus, un spectacle continu mettant en avant savoir-faire, œuvres d’art et expériences immersives est présenté à l’intérieur du bâtiment. L’enveloppe extérieure, voiles et jardin, comme une double peau agit comme une protection du pavillon afin d’améliorer sa performance thermique.
Après l’Exposition universelle Osaka 2025, c’est en tant qu’école ou atelier en Ouzbékistan que ce pavillon national connaîtra une seconde vie. Conçu par l’Atelier Brückner de Stuttgart, il se présente comme un bâtiment de deux étages fait à partir d’éléments de bois recyclables. Surnommé le « Jardin du savoir », il se veut un symbole d’une nouvelle ère pour le pays, mettant en avant projets et idées pour une transformation de ce géant d’Asie centrale en une société moderne.
Sur trois étages, le pavillon dessiné par le studio MK27 de São Paulo aborde la thématique de l’eau comme source de vie par le biais des « Flying Rivers », ces nuages denses remplis d’eau qui survolent le territoire brésilien. À l’intérieur de ce qui se présente comme une canopée suspendue sur piliers, un vaste espace imprégné de vapeur fraîche se révèle derrière de longs rideaux métalliques et recrée l’ambiance amazonienne.
C’est l’architecte japonais Kengo Kuma qui a œuvré à ce pavillon (et à celui du Portugal) conçu en collaboration avec les musées du Qatar. Structure complexe en bois drapée d’un voile de tissu blanc, le pavillon entouré de bassins d’eau s’inspire de deux riches traditions culturelles : la construction de boutres (petit voilier) au Qatar et l’héritage japonais de la menuiserie. Fusion subtile de ces éléments, il rappelle visuellement les liens maritimes de longue date qui ont favorisé les relations entre le Qatar et le Japon.
Telles des bulles de savon, le pavillon suisse conçu par le bureau bâlois Manuel Herz, formé de quatre sphères interconnectées, se distingue par l’utilisation de matériaux de construction légers. L’ensemble ne pèse pas plus de 400 kg – soit seulement 1 % de l’enveloppe d’un bâtiment conventionnel – et peut être transporté à l’aide de trois vélos cargo. Visant à dégager « l’empreinte écologique la plus faible possible de l’Exposition 2025 », la surface des sphères est recouverte de plantes grimpantes.
Conçue par l’architecte japonaise Yuko Nagayama, la façade d’inspiration « kumiko » (art ancestral du bois japonais) s’est imposée comme la signature du pavillon du Japon à l’Exposition universelle de Dubaï en 2020. Elle orne cette année le pavillon des Femmes, sponsorisé par la marque de joaillerie Cartier, créant ainsi un lien entre les deux expositions universelles. L’artiste contemporaine britannique Es Devlin y a créé une expérience immersive.
L’artiste japonais Yoichi Ochiai présente une expérience immersive qui fusionne les mondes. Au cœur de ce pavillon se trouve le concept du corps-miroir : une infrastructure humaine numérique alimentée par la blockchain et l’intelligence artificielle, qui crée un alter ego numérique unique pour chaque visiteur. Grâce à des miroirs interactifs, les corps des visiteurs sont scannés et numérisés, ce qui leur permet de s’entretenir avec leur moi virtuel d’une nouvelle manière.
Reconnu pour être le spécialiste del’« architecture d’urgence » et le créateur d’hébergements temporaires à la suite de catastrophes naturelles à travers le monde, le Japonais Shigeru Ban a conçu ce pavillon au triple dôme sans l’aide de piles de béton eu égard à la qualité meuble du site. Son pavillon thématique grand de près de 2 000 mètres carrés, consacré à la protection de l’environnement, est construit grâce à trois matériaux – tubes de papier, bambous et plastique renforcé de fibres de carbone. Un défi structurel !
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L’avenir s’invente à l’Exposition universelle d’Osaka
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°785 du 1 mai 2025, avec le titre suivant : L’avenir s’invente à l’Exposition universelle d’Osaka