Photographie

POLITIQUE CULTURELLE MUNICIPALE

Un Château d’eau sous tension

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 30 janvier 2019 - 863 mots

TOULOUSE

Le pôle photographique de Toulouse va repasser sous régie municipale, dans l’attente d’un nouveau mode de relation avec la municipalité, mécontente de sa gestion.

Château d'eau
Le Château d'eau, pôle photographique de Toulouse
© Photo : Le Château d'eau

Toulouse. Quelle que soit la suite des événements, l’avenir du Château d’eau, le pôle photographique de Toulouse, ne ressemblera pas à son passé. Après des débats houleux, le conseil municipal de Toulouse a rejeté le 7 décembre dernier la délibération de Francis Grass, adjoint au maire délégué à la culture, qui souhaitait lancer une procédure de délégation de service public pour sa gestion. L’adoption de ce texte aurait signifié une mise en concurrence de projets pour la reprise des lieux, avec une possible sortie de l’association Pace, et donc la fin de l’histoire du Château d’eau, sous sa forme actuelle du moins. Finalement, c’est un scénario d’attente qui prévaut.

Les débats sont à la mesure de l’importance des lieux. Le Château d’eau est en effet une institution photo emblématique de la ville rose, et plus largement de l’histoire de la valorisation de la photographie en France. Le photographe Jean Dieuzaide (1921-2003) y créa en 1974 la première galerie photo municipale, devenue au fil du temps un acteur important dans le soutien à la profession – la richesse aujourd’hui de la collection, qui recense plus de 5 000 tirages, et du centre de documentation en témoignent.

En 1981, la municipalité dirigée par Pierre Baudis en confia la gestion à l’association des amis du Château d’eau rebaptisée « Pace » (Photographie Au Château d’eau), en contrepartie d’une subvention annuelle pour son fonctionnement. Mais de l’eau a coulé sous les ponts de la Garonne et la gestion du Château d’eau est dans le collimateur de la Mairie depuis quelques années. Le désengagement de l’État et de la Région Midi-Pyrénées à la fin des années 1990 et la faiblesse des ressources propres ont contraint la municipalité à financer en grande partie l’institution : une situation à laquelle la Ville voudrait mettre fin.

De son côté, Jean-Marc Lacabe, le directeur de l’association et de la galerie du Château d’eau, pointe la diminution des subventions municipales depuis 2015, alors que dans le même temps la Ville soutient de nouveaux acteurs intervenant dans le champ de la photographie tels que le Festival Map et la Résidence 1+2. Bref un climat pesant pour tout le monde. Il est vrai que les subventions de la Ville ont connu une baisse régulière à partir de l’élection de Jean-Luc Moudenc (LR) à la Mairie de Toulouse en 2014, passant de 538 000 euros à 415 706 euros aujourd’hui. Une situation à laquelle sont confrontées d’autres associations. « Elle est la conséquence des baisses à partir d’avril 2014 de la dotation versée par l’État aux collectivités locales », rappelle Francis Grass.

C’est pour mettre fin à cette situation inconfortable que ce dernier voulait confier les lieux à une structure capable de trouver d’autres sources de financement. Il justifie son projet de délégation de service public pour l’exploitation du Château d’eau par l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques selon laquelle aucune occupation du domaine public ne peut être accordée à durée indéterminée. Face à la levée de boucliers des élus écologistes, mais aussi devant les difficultés d’interprétation de la dite ordonnance, « décision a été prise de faire passer en régie directe le Château d’eau, le temps de réfléchir à une autre solution », explique Francis Grass. Ce transfert devra cependant être voté par le conseil municipal dès que la reprise du personnel (11 employés) « aura été engagée avec les comités paritaires, dans les six mois à venir », précise-t-il.

Des engagements non tenus par la Ville

Le passage en régie directe, même provisoire, redonnera à l’institution son statut d’avant 1981, la municipalité redevenant maître de la gestion du lieu. D’autant que Jean-Marc Lacabe doit partir à la retraite à la fin 2019. Outre le problème du financement, Francis Grass fait une critique à peine voilée du directeur. « Notre projet est de redonner au Château d’eau le rayonnement qu’il a perdu. La fréquentation est passée de 41 090 visiteurs en 2011 à 33 579 visiteurs en 2017 », lance-t-il.

Une diminution de la fréquentation n’est pas nécessairement synonyme d’une baisse de qualité de la programmation. Le Château d’eau demeure une référence dans le soutien à la création contemporaine. Après Vincent Fournier, André Mérian, Charlotte Mano exposés en 2018, Malgosia Magrys et Vincen Beeckman ouvrent l’année 2019. Par ailleurs, Pace reproche à la Ville de ne pas avoir tenu ses engagements. Les ambitions de la municipalité d’augmenter les surfaces dévolues aux expositions et de mettre aux normes les espaces ouverts au public en les étendant aux espaces souterrains du Pont-Neuf ne sont pas nouvelles. Les études de ce projet d’extension ne sont toujours pas finalisées. De même, le fonds de Jean Dieuzaide, acquis en 2016 par la Ville pour 450 000 euros et que la municipalité envisage de confier au Château d’eau, se trouve encore dans les réserves municipales.

Une situation qui devrait donner lieu à de nouvelles passes d’armes entre Pace et Francis Grass avant les élections municipales de 2020. Et dans ces passes d’armes la question de la propriété du fonds documentaire et des collections du Château d’eau ne manquera pas de ressortir.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°515 du 18 janvier 2019, avec le titre suivant : Un Château d’eau sous tension

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