Art contemporain

Un pas avant, deux en arrière

Le Journal des Arts

Le 2 mars 2010 - 783 mots

La double nomination de Vittorio Sgarbi aux commandes du pavillon italien de la prochaine Biennale de Venise et à la tête des acquisitions du Maxxi ne fait pas l’unanimité

ROME - La nomination de Vittorio Sgarbi à la fois comme commissaire du pavillon italien pour la Biennale de Venise en 2011, et comme responsable des acquisitions du Maxxi, le nouveau Musée national des arts du XXIe siècle, à Rome, divise le monde de l’art italien. Car cette vedette italienne de la critique d’art, volontiers polémiste sur les plateaux de télévision, est réputée pour son dédain de l’art contemporain. Après un bref passage au poste de sous-secrétaire à la Culture dans le gouvernement de Silvio Berlusconi (2001-2002), Vittorio Sgarbi avait fondé le parti de la beauté, en 2004, pour contrer la construction de nouveaux bâtiments dans le pays. Deux ans plus tard, il changeait son fusil d’épaule et militait pour le parti centre gauche de la Liste du consommateur, avant d’être élu maire du village sicilien de Salemi en 2008. Sa nomination vénitienne est d’autant plus controversée que le pays célèbre le 150e anniversaire de son unification en 2011. Le ministre des Biens et des Activités culturels, Sandro Bondi, a justifié son choix, insistant sur le fait que Sgarbi avait « une connaissance très pointue du patrimoine italien ».

Commissaire de la Biennale du Whitney Museum, à New York en 2010, et directeur artistique à Venise en 2003, Francesco Bonami a violemment critiqué cette nomination et l’attitude du gouvernement italien envers l’art contemporain. « Hélas, nous méritons Sgarbi. Il est à l’art contemporain ce que Ben Laden est aux États-Unis. De temps à autre, Sgarbi, comme Ben Laden, fulmine contre son ennemi. Je dois dire que cette double nomination se rapproche d’un attentat suicide contre la dignité de l’Italie », a-t-il confié. Pour ce qui est du pavillon, Sgarbi a donné quelques pistes de réflexion : « J’ai en tête un pavillon vide, contenant juste un annuaire des artistes italiens. Ou alors je n’inclurais qu’un seul artiste, comme Saturnino Gatti, un maître du XVe siècle effacé de l’histoire de l’art, pour le rendre vraiment contemporain. Mais, dans mon pavillon idéal, j’aimerais n’installer qu’une seule œuvre, le Christ mort de Mantegna à côté d’une photographie de Che Guevara sur son lit de mort. »

Inquiétudes
Sgarbi a également donné les grandes lignes de son programme d’acquisition pour le Maxxi, qui doit ouvrir ses portes en mai. Il n’exclut pas une sélection d’artistes de l’Arte povera, mais « en parallèle, dans une sorte de collection nationale, nous devrions acquérir des œuvres de Carol Rama, Giuseppe Pinot-Gallizio, Sergio Saroni et Ottavio Mazzonis. Et si nous avons Maurizio Cattelan et Vanessa Beecroft, nous devrions aussi avoir Domenico Gnoli, Fabrizio Clerici et Carlo Guarienti. » Il ajoute : « Je crois que le Maxxi devrait se concentrer sur la génération des cinquantenaires. Le critère ne devrait pas être la tradition ; j’aimerais avoir Antonio López García et Lucian Freud dans la collection. Ce qui importe est que nous sommes en Italie, et notre musée devrait être différent des musées de Londres et New York. » Or, Bonami s’inquiète également à ce sujet : « Depuis 1999, il n’y a personne pour diriger la politique d’acquisition du Maxxi. La collection est une accumulation médiocre d’œuvres de la fin du XXe siècle. L’exposition inaugurale, conçue par Achille Bonito Oliva, se concentrera sur Gino De Dominicis, on ne peut plus XXe siècle. Ils avancent à reculons. Je ne comprends pas comment le président de la Fondation Maxxi [Pio Baldi] et les conservateurs peuvent garder la tête haute. Ils ont mal géré le Maxxi, et Sgarbi en est la conséquence naturelle. »

Cependant, une porte-parole du musée souligne que Sgarbi a été nommé à titre de conseiller. « Sgarbi n’achètera pas directement les œuvres. Les directrices des deux musées – Anna Mattirolo, directrice de Maxxi Arte, et Margherita Guccione, directrice de Maxxi Architecture – soumettront toutes les propositions d’acquisition. » Elle précise également que « De Dominicis » est l’une des cinq expositions prévues pour l’inauguration. L’institution a jusqu’ici acquis plus de 300 œuvres d’artistes italiens, tels Alighiero Boetti, Mario Merz et Giuseppe Penone, mais aussi d’Anish Kapoor, Gerhard Richter et Andy Warhol. Mais Sgarbi estime que ces « œuvres ont été acquises à des prix en décalage avec les tarifs d’acquisition [habituels] pour les musées. Il ne fait aucun doute que ces prix ont été gonflés. » Il a également critiqué les nominations de Baldi, Mattirolo et Guccione, les accusant d’avoir été des candidats assurés d’être élus. Et la porte-parole de rétorquer : « Ce trio a travaillé avec conviction sur le projet du Maxxi depuis sa conception, ce avec d’excellents résultats. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°320 du 5 mars 2010, avec le titre suivant : Un pas avant, deux en arrière

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