Restitutions

Un nouveau rapport suggère de déposer les MNR au Musée d’art et d’histoire du judaïsme

Par Philippe Sprang · lejournaldesarts.fr

Le 29 mars 2018 - 755 mots

PARIS

Commandé par Audrey Azoulay, le rapport « Zivie » sur les œuvres d’art spoliées pendant la Deuxième Guerre mondiale formule 30 propositions.

La cour de l'hôtel de Saint-Aignan, qui abrite le Musée d'art et d'histoire du judaïsme.
La cour de l'hôtel de Saint-Aignan, qui abrite le Musée d'art et d'histoire du judaïsme (Mahj).
© Christophe Fouin

Les ministres de la Culture se suivent et avec eux les rapports sur les spoliations de biens culturels pendant l’Occupation. Françoise Nyssen a reçu le 19 mars dernier le dernier d’entre eux par David Zivie, chargé de mission auprès du Secrétaire général du ministère de la Culture. 

Un solide rapport que Le Journal des Arts a pu consulter, intitulé « Biens culturels spoliés pendant la Seconde Guerre mondiale : une ambition pour rechercher, retrouver, restituer et expliquer ».  Avec comme axes : volonté politique, nouvelle organisation et moyens de recherche. 

S’agissant des 2 100 œuvres provenant de la récupération et mis en dépôt dans les musées  nationaux sous l’appellation de Musées Nationaux Récupération (MNR), il reprend les conclusions du rapport remis en mars 2017 ( démarche proactive depuis 2013 et augmentation notable des restitutions ) et relève « l’existence d’obstacles tant techniques que juridiques » liés à « l’organisation peu optimale dont s’est doté l’Etat »  avec « des forces peu nombreuses et dispersées ».
 
Il constate que le stock de MNR diminue peu : 25 restitutions en six ans et toujours 2 008 biens dont les propriétaires n’ont pas été identifiés et « il en reste 1 770 à examiner. » David Zivie souligne « l’absence de coordination » et parmi la trentaine de propositions du rapport il suggère une « nouvelle démarche, rapide, encadrée par des échéances et des moyens supplémentaires (…) au sein d’un service nouveau de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) ». Il s’agit de « rassembler les forces et donner de la visibilité. » 

La CIVS ne serait plus cantonnée à l’indemnisation. Ce serait « un nouveau lieu de pilotage et d’animation de la recherche sur les œuvres spoliées » qui pourrait bénéficier du transfert d’une partie des forces existantes.  Le rapport propose ainsi d’élargir les compétences de la CIVS en « l’autorisant à s’autosaisir sur les biens culturels. » Cette possibilité était esquissée dans le rapport de mars 2017.  Une nouvelle CIVS qui serait épaulée par un conseil d’experts « venus de tous horizons » comme des représentants du marché de l’art, des avocats, des journalistes, des historiens de l’art, universitaires, conservateurs, représentants des familles spoliées… 

Il rappelle que les livres aussi sont concernés. Près de 17 000 livres soigneusement oubliés, comme les peintures hier, dans les rayonnages de nombreuses bibliothèques publiques françaises dont la BNF. Des livres dont on se demande encore comment ils ont pu être oublié dans le processus tant par les conservateurs que par la mission Mattéoli. Pour ceux-ci, il propose la création d’une structure de recherche. Tout comme il appelle de ses vœux la constitution d’une association ou d’un regroupement de familles spoliées. 

Par ailleurs, il suggère d’affecter les MNR au Musée d’art et d’histoire du judaïsme. Une mesure qui pourrait faire débat. Il s’interroge sur le fait qu’il faille intégrer les œuvres MNR non spoliées aux collections nationales.   

Il constate la faible présence de la France sur la scène internationale et relève que « les principaux lieux de réflexion et d’animation sur les biens spoliés sont américains, allemands et anglais » et plaide pour l’organisation d’expositions sur la thématique des spoliations et restitutions.

Par ailleurs, il invite les musées à se pencher sur les acquisitions depuis le milieu des années 1930 à aujourd’hui afin de déterminer si des œuvres d’art spoliées à des familles juives, à l’étranger puis en France, ne sont pas retrouvées dans les collections nationales. Dans ce domaine, les musées français sont à la traîne au regard de ce que nombre d’entre eux ont entrepris en Allemagne, au Royaume-Uni, au Canada ou aux Etats-Unis. Resterait tout de même à franchir l’Everest juridique que constituerait la sortie d’œuvres des collections publiques.  

David Zivie administre enfin un cinglant rappel à l’ordre aux institutions en guise de conclusion de ce qui aurait pu être une introduction à son rapport : « Quel que soit la bonne volonté de l’Etat et ses efforts, son action serait-elle condamnée à n’être pas comprise, à ne pas être jugée crédible ? L’Etat et les musées nationaux en particulier, "paient" en effet l’inaction de 40 années. C’est pourquoi l’action actuelle est insuffisante, en raison de son manque de coordination, de pilotage et de visibilité. Ce que l’on peut reprocher à l’organisation actuelle, c’est précisément un relatif manque d’organisation et une trop faible ambition. »  

Françoise Nyssen fera-t-elle mieux que ses prédécesseurs ?

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