Restitutions

Biens spoliés, un rapport en demi-teinte

Le groupe de travail sur les MNR a pu identifier l’origine de 72 œuvres parmi les 251 étudiés

PARIS - Dans un rapport remis au mois de mars à la ministre de la Culture et de la communication Audrey Azoulay, le groupe de travail chargé des « Musées nationaux récupération » (MNR) dresse un bilan de ses recherches depuis sa création en 2013.

Initiée par Audrey Filippetti, la mission était chargée de redonner de l’élan aux recherches de provenance sur les quelque 2 000 œuvres (peintures, dessins, objets d’art) possiblement spoliées pendant la guerre, estampillées MNR et encore conservées dans les musées de France (lire JdA no 472, février 2017). Après quelques mois de travail, la mission avait été pérennisée en groupe de travail par Fleur Pellerin, en novembre 2014.

Rattaché à la Commission d’indemnisation des victimes de la Shoah (CIVS), ce groupe de travail a mobilisé trente-six personnes à temps partiel en trois ans : conservateurs, archivistes de la CIVS et chargés de missions ont cherché déterminer, pièce par pièce, lesquelles avaient appartenu avant-guerre à des propriétaires ayant été victimes de spoliations et, le cas échéant, si l’existence d’ayants droit pouvait permettre d’envisager une restitution. À cet égard, le rapport rappelle que le partenariat avec les Généalogistes de France a permis de retrouver plusieurs ayants droit.

Vingt-six œuvres attribuées et quarante-six « assurément non spoliées »
Sur les 251 MNR étudiés, le bilan se décompose comme suit : pour vingt-six d’entre eux, les propriétaires originels ont pu être déterminés. Il s’agit en grande majorité de biens d’une même collection ayant appartenu à la famille Rothschild. Parmi ces vingt-six biens, on trouve les deux restitutions venant d’avoir lieu : un dessin du Parmesan rendu en avril aux héritiers de Jules et Marie-Louise Strauss, et un dessin de Tiepolo restitué en mars à ceux de Gentili di Giuseppe.

Quarante-six œuvres ont pu, à l’inverse, être identifiées comme « assurément non spoliés » : des commandes passées par les musées allemands aux manufactures françaises (céramiques), des tirages en bronzes réalisés pour eux (Maillol), ou des ventes non forcées à des collectionneurs allemands et autrichiens (des œuvres de Rubens, Géricault, Corot, Degas ou Cézanne y figurent). Le rapport indique qu’une « liste révisée des MNR » serait à publier prochainement. Pour quarante et un biens, l’historique a été partiellement complété et demande des recherches supplémentaires. Enfin, pour 138 autres, les recherches n’ont pas permis d’avancée significative.

En conclusion, le rapport indique que « les recherches ne devraient plus guère connaître, à l’avenir, d’avancée aussi notables que celles des dernières années ». Il laisse entendre que la pérennité à donner au groupe de travail doit être discutée à l’automne prochain, soit pour fixer une date de fin des recherches, soit pour explorer de nouvelles pistes, en fonction des outils à disposition (à commencer par de nouveaux fonds d’archives, notamment privés) et des moyens donnés au groupe.

Si le travail accompli par rapport aux années précédentes est indiscutable, le satisfecit peut néanmoins sembler un peu rapide, si l’on considère la proportion de MNR effectivement étudiés et le faible empressement des musées à livrer tous les éléments permettant d’avancer : « L’instruction ministérielle du 16 octobre 2015 a rappelé l’ardente nécessité de transmettre au Service des musées de France une couverture photographique exhaustive des “MNR”. Compte tenu des échos variables que cette instruction a reçus, notamment sur le plan de la documentation photographique, une note technique (…) a été adressée aux musées concernés. »

Malgré la bonne volonté soulignée de certains, le groupe de travail MNR n’a donc pas mobilisé les musées autant qu’attendu. La question de la poursuite des recherches est maintenant soumise à la volonté politique : l’intérêt scientifique et artistique des MNR restants et les moyens nécessaires à l’avancée des recherches doivent-ils mobiliser de nouvelles ressources, soixante-dix ans après les faits ? Pour certains, le devoir de mémoire impose la nécessité de continuer un travail finalement peu coûteux, tandis que d’autres espèrent une vente aux enchères des MNR restants dont le produit serait reversé à la CIVS, pour clore ce lourd et long dossier. Pour d’autres encore, le débat est simplement prématuré, tant l’ouverture des archives privées et le progrès technologique (numérisation et indexation des catalogues de vente) pourraient accélérer le mouvement de façon décisive.

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Attribué au Parmesan, Les noces d'Alexandre et Roxane, papier collé en plein, plume, encre brune et lavis brun. © Photo : RMN (Musée du Louvre)/Michel Urtado.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : Biens spoliés, un rapport en demi-teinte

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