Italie - Police

Trafic d’art

Un bras armé au service de la culture

Par Estelle Bories · Le Journal des Arts

Le 27 septembre 2016 - 586 mots

ITALIE

Le Comando Carabinieri, créé en 1969, intervient de manière exemplaire dans la lutte contre le trafic international d’œuvres d’art. Une exposition au Palais Barberini à Rome présente ses activités.

ROME - Le Palais Barberini, Musée national d’art ancien de Rome, accueille, jusqu’au 30 octobre, une exposition intitulée « L’Armée pour l’art et la légalité ». Derrière la tonalité martiale du titre se cache la volonté d’évoquer l’importance du rôle joué par la section des carabiniers affectée à la défense du patrimoine culturel : le « Comando Carabinieri per la Tutela del Patrimonio Artistico ». Modèle unique par son fonctionnement, cette force policière à caractère militaire s’est révélée pionnière dans le démantèlement du trafic de biens culturels.

Une histoire singulière
Les officiers, sous-officiers et policiers qui composent le Comando TPC, créé en 1969, dépendent à la fois du ministère italien de la Défense et de celui des Biens et Activités culturels. Le succès de ses missions est pour une bonne part dû à la création, en 1980, d’une base de données. Baptisée « Leonardo », elle est constituée de 170 000 fiches et de 6 millions de documents relatifs à des œuvres volées. En lien avec Interpol, l’Icom (Conseil international des musées) ou l’Unidroit (Institut international pour l’unification du droit privé), le Comando est intervenu sur des zones d’opérations militaires (au Kosovo, en Irak). Pilier de la force armée d’intervention pour la préservation du patrimoine culturel mise en place par l’ONU, il revendique pleinement son rôle de modèle et de précurseur.

En prenant pour point de départ les différentes opérations ayant abouti à la restitution d’œuvres, l’exposition romaine impressionne par la richesse des pièces présentées : vases étrusques, fresques du site de Pompéi, tableaux de maîtres, reliquaires. En dehors des enjeux esthétiques, l’objectif  reste de sensibiliser sur les pratiques crapuleuses d’un marché de l’art parallèle qui s’appuie largement sur des intermédiaires locaux. La Suisse, la Russie et les États-Unis – malgré la collaboration de certaines institutions américaines – sont les pays le plus souvent impliqués dans le trafic d’art. Un exemple éloquent : en 1981, un sarcophage présentant une Ariane endormie, provenant de fouilles illégales pratiquées dans les années 1930, s’est retrouvé dans une galerie américaine et a été vendu à un collectionneur japonais. La diffusion par l’Usice, le service américain spécialisé dans l’immigration et les douanes, d’une photographie de la « belle endormie » (nom choisi pour cette mission) a permis le retour de l’œuvre sur le sol italien.

Le Comando intervient également dans la lutte contre le vol d’œuvres dans les musées. La disparition, avec la complicité d’un gardien, de deux Van Gogh et d’un Cézanne à la Galerie nationale d’art moderne et contemporain de Rome ont révélé les dysfonctionnements des systèmes de surveillance de certaines institutions italiennes.

Enfin, si le Comando TPC affiche son rôle de pionnier, il envisage son destin dans le droit-fil des missions américaines (« Monuments Men ») menées pendant la Seconde Guerre mondiale pour lutter contre les spoliations allemandes. En 2014, le Comando a retrouvé un panneau siennois du XIVe siècle spolié en 1944. Preuve de l’efficacité des techniques avant-gardistes élaborées pour faciliter les recherches, son système d’étude des transactions par Internet a permis de localiser l’œuvre.

Dans une période où l’Italie affiche son désir de renouveler sa politique culturelle, proposer une exposition sur un Comando gardien du patrimoine présente un intérêt indéniable. Pour le ministre des Biens culturels, Dario Franceschini, l’Italie, après avoir été l’objet de nombreux pillages, veut devenir une référence en matière de préservation des biens culturels.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°464 du 30 septembre 2016, avec le titre suivant : Un bras armé au service de la culture

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