États-Unis - Musée

Smithsonian Institution, une institution très politique

Attentive à la diversité de la société américaine jusque dans ses recrutements, la Smithsonian Institution s’évertue à inclure toutes les minorités et annonce la création de deux musées consacrés à l’histoire des Latino-Américains et à celle des femmes américaines.

C’est ce qui fait sa singularité : la Smithsonian Institution fait fonctionnellement et juridiquement partie du gouvernement fédéral des États-Unis. Plus des deux tiers de ses 6 300 employés sont des fonctionnaires et le collège de dix-sept membres qui la dirige, les « régents », compte la vice-présidente des États-Unis, le président de la Cour suprême, trois membres nommés par le président de la Chambre, trois par le président du Sénat et neuf par une résolution du Congrès. Autant dire que l’institution est un objet politique de premier ordre.

Que sa mission consiste essentiellement à façonner le grand récit national n’a rien d’anodin. En un peu plus d’un an, l’institution a recruté cinq nouveaux directeurs pour cinq de ses musées, sous la surveillance étroite de l’administration Biden. Cette nouvelle génération doit pouvoir contribuer au virage que souhaite prendre l’institution : « Nous voulons nous assurer qu’ils s’engagent sur les questions de diversité, qu’ils soient conscients de la nécessité d’une équipe inclusive, d’un contenu inclusif », détaille Kevin Gover, qui supervise les dix-neuf musées de la Smithsonian.

Depuis 2019, l’institution a pour « secrétaire » – l’équivalent d’un président –, l’historien afro-américain Lonnie G. Bunch III. C’est lui qui a coordonné le projet du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines avant de le diriger pendant quinze ans : il veut à présent que les autres musées qui composent la Smithsonian soient aussi « centrés sur les communautés » que celui qu’il a contribué à fonder. « Son regard sur la transformation nécessaire des musées rend la mission excitante », commente Ngaire Blankenberg, consultante indépendante originaire d’Afrique du Sud, nommée en juillet dernier à la tête du Musée national d’art africain. Elle se dit « honorée de travailler à la nouvelle direction que veut prendre cette grande institution ».

Manque de place

Les questions de diversité ne se matérialisent pas seulement dans les recrutements et les accrochages, mais aussi dans l’espace urbain. Il faut maintenant trouver de la place, sur un « National Mall » déjà bien plein, pour deux nouveaux musées qui devraient ouvrir d’ici dix ans : le Musée national des Latino-Américains et le Musée national de l’histoire des femmes américaines. Le Congrès a approuvé leur création fin 2020 et donné deux ans aux régents pour trouver les sites adéquats. Pour les soutiens des deux projets, la question ne se pose pas : ceux-ci doivent figurer dans le prolongement de tous les autres. « Si nous ne figurons pas sur le Mall, c’est comme si nous étions des citoyens de seconde zone », commente l’acteur John Leguizamo, qui fait partie du conseil d’administration des Amis du Musée des Latino-Américains.

Problème, l’espace est très contraint et parmi les vingt-quatre sites potentiels retenus par l’Institution pour le Musée national des Latino-Américains, seuls trois sont sur le Mall et ne semblent pas emporter les faveurs des régents. Mais avec sa brillante architecture, sis au bout du Mall, au pied de l’obélisque du Washington Monument et à deux pas de la Maison Blanche, le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines a créé un périlleux précédent. Le Congrès a déjà fait observer qu’il ne se satisferait pas de sites éloignés du Mall pour les nouveaux musées, par peur d’établir une sorte de hiérarchie entre communautés : il faudra trouver.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Une institution très politique

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque