Pierre Charpin - Designer en formes

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 23 août 2011 - 603 mots

Pierre Charpin n’a plus froid aux yeux. À 49 ans, il affiche même une étonnante liberté. Pour preuve, les deux expositions qu’il livre cette année et qui montrent toute l’étendue de son talent.

D’un côté, au Musée du Grand-Hornu Images, à Hornu, en Belgique, il exhibe actuellement une multitude de pièces, dont nombre de produits industriels, dans une scénographie des plus débridées, chatoyante à souhait. De l’autre, en juin à Bâle, lors de la Foire Art Basel, puis en septembre à la galerie Kréo, à Paris, il distille, à l’inverse, dans une présentation en noir et blanc, moins d’une dizaine de pièces à la plastique rigoureuse, sinon ultime. « Ces objets sont des présences, dit Charpin. La présence est peut-être cette chose qui se situe au-delà de la signification, certainement au-delà de toute justification. » L’ambiance est quasi métaphysique. L’homme est ainsi, oscillant minutieusement entre le produit de série et l’objet manifeste, entre le projet et la pensée.  

Un homme vase
C’est en 1990 qu’il a décidé de devenir designer, après avoir suivi des études de plasticien à l’École des beaux-arts de Bourges. Mais sa formation ne l’a jamais vraiment quitté. En témoignent l’ensemble de ses créations, en particulier lorsqu’elles sont exposées en nombre, comme c’est le cas aujourd’hui au Musée du Grand-Hornu Images. De son travail sourd un « vocabulaire » de formes récurrentes. Des formes parfois mystérieuses comme le vide-poches en lévitation Ufo ou la colonne Monolithe, aussi énigmatique que le mégalithe éponyme du film de Stanley Kubrick 2001, L’Odyssée de l’espace. Reste qu’elles évoquent aussi l’usage, ce qui en fait des objets, non des œuvres d’art. 

Une photographie résume la philosophie de Pierre Charpin : celle de L’Homme vase, ce cliché qui figurait sur le carton d’invitation de sa première exposition, en 1990, à la galerie Nestor Perkal, à Paris. Ledit homme vase n’est autre que Charpin lui-même, debout droit comme un « i », la tête renversée en arrière et la bouche emplie de fleurs. « Cette photo dit quelque chose sur le corps, il est la mesure pour dessiner les objets, explique-t-il. Leurs proportions sont toujours liées ou en rapport avec le corps humain. » 

Outre les objets et les meubles, le designer a, l’an passé, réalisé deux scénographies qui ont marqué les esprits : celle de « Quali Cose Siamo », vaste présentation de design transalpin, au Triennale Design Museum de Milan, et celle de « Mobiboom, l’explosion du design en France 1945-1975 » autour du mobilier des Trente Glorieuses, au Musée des arts décoratifs de Paris.  

Le laboratoire du dessin
Pierre Charpin dessine beaucoup. Admirablement. Il y a des esquisses, voire des croquis techniques de projets, qui aboutiront ou pas. Et puis des dessins « qui n’ont pas d’autre but que d’être des dessins ». « Ils sont les seuls endroits où je peux cerner la totalité d’une production, observe le designer, ils sont très différents du dessin de design pour lequel je dois entrer en relation avec des compétences diverses ». Ces esquisses émancipées de toute contrainte ont la fraîcheur des dessins d’enfants. D’une élémentarité extrême. « Simplifier, c’est pour moi proposer une suspension du sens, c’est proposer des formes qui ne soient pas exactement remplies, chargées de sens. Ainsi je reste silencieux. » À l’usager alors, et à lui seul, d’entamer sa propre conversation avec l’objet convoité.

Biographie

1962 Naissance à Saint Mandé (94).

1984 Diplôme de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Bourges.

1998-2008 Enseigne le design à l’École supérieure d’art et de design de Reims.

2005 Élu créateur de l’année par le Salon du meuble de Paris.

2011 Il vit et travaille à Ivry-sur-Seine.

« Pierre Charpin, 20 années de travail », jusqu’au 11 septembre, Grand-Hornu Images, 82, rue Sainte-Louise, 7301 Hornu (Belgique), www.grand-hornu-images.be

« Pierre Charpin, ignotus nomen », du 10 septembre au 10 octobre, à la galerie Kréo, 31, rue Dauphine, Paris-6e, tél. 01 53 10 23 00.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Pierre Charpin - Designer en formes

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