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Nan Goldin s’attaque à Sackler et ses opiacés

NEW YORK / ETATS-UNIS

Le laboratoire qui commercialise un puissant antidouleur provoquant la mort de milliers d’Américains est un philanthrope de la culture.

Nan Goldin, 64 ans (2018)
Nan Goldin, 64 ans (2018)
Photo Max Cramer

New York. Quel est le lien entre l’aile du Louvre consacrée aux Antiquités orientales et la crise des médicaments opiacés aux États-Unis ? Les Sackler. Cette famille de philanthropes qui arrose les musées américains (et au-delà, donc) de ses largesses, est également propriétaire du groupe qui commercialise l’OxyContin, un de ces puissants antidouleurs qui tuent chaque jour 174 Américains d’une overdose.

L’artiste Nan Goldin, elle-même rescapée de ces drogues, veut pointer cette relation étroite entre l’une des plus riches familles des États-Unis et le monde de l’art. La photographe a lancé une pétition le 12 janvier sur le site Change.org afin de « tenir pour responsables la famille Sackler et Purdue Pharma ».

La photographe et son groupe PAIN (« Prescription Addition Intervention Now », ou pain, « douleur ») engagé contre les ravages de la drogue prévoient de « mettre la pression sur les musées et les espaces d’art […] pour qu’ils refusent les dons à venir des Sackler », dont la fortune est estimée à 13 milliards de dollars (10,6 milliards d’euros). La pétition exhorte la famille à « utiliser son argent pour la santé et l’éducation », en investissant notamment dans des centres de désintoxication et des dispensaires de Narcan, considéré comme l’antidote des opiacés.

Quelque 2,4 millions d’Américains sont dépendants aux médicaments analgésiques délivrés sur ordonnance, tels l’OxyContin. Une crise qui explose aux États-Unis, où les 63 600 morts d’overdose en 2016 ont poussé le président Donald Trump à déclarer l’« urgence de santé publique ». « Nous sommes profondément perturbés par la crise liée à l’abus d’opiacés » et « nous voulons faire partie de la solution », a réagi Purdue Pharma, société fondée par les frères Arthur, Mortimer et Raymond Sackler, trois médecins aujourd’hui décédés qui, à force de dons, ont leur nom apposé sur une myriade d’institutions prestigieuses. « Depuis plus de quinze ans, cette entreprise a un long passif pour ce qui est de s’attaquer » à ces abus, poursuit le groupe, rappelant ses initiatives de prévention auprès des adolescents.

Dans une longue enquête publiée fin octobre 2017, le New Yorker affirmait : « L’implacable commercialisation des antidouleurs par la dynastie Sackler a généré des milliards de dollars – et des millions de toxicomanes. » Mais dans un pays où l’art reste sous perfusion philanthropique, l’initiative de Nan Goldin pourrait se heurter au pragmatisme économique.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°493 du 19 janvier 2018, avec le titre suivant : Nan Goldin s’attaque à Sackler et ses opiacés

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