Musique

Salles de concert

Lever de rideau pour la nouvelle Seine Musicale

La Seine Musicale, le paquebot solitaire de l’Île Seguin

La cité musicale, qui ouvre ses portes le 22 avril prochain, est le premier équipement à sortir enfin de terre sur l’île Seguin après des années d’atermoiements et de projets abandonnés. Le Conseil général des Hauts-de-Seine inaugure une cité de la musique aussi séduisante qu’imposante. L’équipement ne donnera sa pleine mesure qu’avec la fin des autres chantiers et l’avancée du Grand Paris.

PARIS - Ce n’est pas L’Arlésienne de Bizet, mais Mozart et Beethoven qui retentiront le 22 avril pour le premier lever de rideau de l’auditorium de l’Île Seguin. Pourtant, c’est peu dire que ce jour est attendu par une ville, Boulogne, par un département, les Hauts-de-Seine, et par tous ceux, depuis la création de l’Association pour la mutation de l’île Seguin (AMIS) créée par Jean nouvel en 1999, qui désespéraient de voir ce lieu historique de l’industrie française retrouver une forme et une vocation dans le paysage de l’Ouest parisien.

Lieu de promenade et de pêche, puis siège de blanchisseries au XIXe siècle, l’Île Seguin a longtemps attiré les Parisiens. Quand Renault y construit sa première usine en 1929, l’île s’urbanise et les loisirs laissent peu à peu la place à une cité ouvrière. L’aventure automobile dure 63 ans. Dès avant la fermeture du site, en 1992, des projets imaginent la réhabilitation des 11 hectares en aval de Paris, au carrefour de Boulogne, Saint-Cloud, Sèvres et Meudon. Vingt ans s’écoulent entre le projet de cité scientifique élaboré sous Michel Rocard en 1990 et le plan directeur de Jean Nouvel de 2010, qui fige la vocation culturelle du lieu (arts visuels en amont de la Seine, musique en aval), et les zones d’implantation des futurs équipements.

En amont, la Ville de Boulogne tente de rattraper l’échec du projet de fondation Pinault en 2005, par la construction d’un grand centre d’art contemporain sur la parcelle dite du R4. L’homme d’affaires Yves Bouvier veut y installer des bureaux, galeries et réserves, jusqu’à ce que ses ennuis judiciaires le forcent à passer la main, en septembre dernier, au groupe Emerige, dont le projet reste consacré à l’art contemporain.

En aval, le conseil général des Hauts-de-Seine rachète le terrain pour un euro symbolique en 2010, et décide d’y édifier un grand pôle musical, alors que son pendant oriental, la Philharmonie de la porte de Pantin, n’est pas encore sortie de terre.

Un équipement à 170 millions d’euros
En 2013, l’architecte japonais Shigeru Ban et son associé français Jean de Gastines, le duo auteur du Centre Pompidou-Metz, remporte le concours architectural. Le groupe Bouygues complète le trio. En trois ans et 170 millions d’euros investis via un partenariat public-privé, la Seine musicale prend forme.

L’ensemble de 36 500 mètres carrés comporte deux équipements principaux : un auditorium et une salle de musiques actuelles (type zénith). Dans cette dernière, la jauge varie de 2 200 à 6 200 places grâce aux gradins rétractables. La scène, aussi large que longue (plus de 35 mètres), qui accueillera Bob Dylan pour sa première, le 21 avril, est entièrement montée sur Spiralifts, sortes de vérins hydrauliques permettant d’ajuster la hauteur de la scène à la présence d’un orchestre (pour les comédies musicales ou les ballets). En empruntant la rue intérieure de 230 mètres qui longe les futurs restaurants et studios de répétition, on rejoint l’auditorium : ce dôme de verre et de bois, emblème de la Seine musicale dominant le fleuve, est protégé par une voile mobile montée sur rails, recouvertes de panneaux photovoltaïques : comme des tournesols, ils suivront chaque jour la course du soleil d’est en ouest. À l’intérieur, l’acoustique signée par Nagata acoustics et Jean Paul Lamoureux s’inscrit dans la lignée des prouesses des Philharmonies de la porte de Pantin ou de Hanovre : le bois tressé en trois techniques différentes selon les coursives entoure les 1 150 sièges d’épais tissu, le tout dans une rare proximité de la scène – le fauteuil le plus lointain n’en est qu’à 19 mètres.

Transport et stationnement pour le moment insuffisants
Reste à faire vivre ce lieu. C’est le rôle de Tempo-Île Seguin, groupement associant, aux côtés de Bouygues, Ofi InfraVia, Renault et Sodexo. Le Conseil départemental  lui a confié la gestion du lieu jusqu’en 2043. Il fonctionnera avec un budget de démarrage entre 5 et 7 millions d’euros annuellement.

Si la programmation éclectique (lire encadré ci-dessous) doit favoriser une large fréquentation, la question du transport est problématique, du moins à court terme. Il faut au minimum dix minutes à pied pour rejoindre le métro Pont de Sèvres, le long de quais à fort trafic automobile. Le tramway, à 5 minutes, sur l’autre rive, suffira aux habitants des kilomètres alentours. Mais eu égard au rayonnement régional et national visé par la Seine musicale, l’accès est encore un frein. Aucun parking n’existe sur l’île et les stationnements des berges nord seront sans doute saturés au premier soir de concerts simultanés des deux salles.

Ce point pourrait jeter une ombre – temporaire – au tableau. À terme, l’arrivée de la ligne 15 du métro du Grand Paris (entre 2022 et 2025) facilitera l’accès au lieu, tout comme l’aménagement possible d’une ligne de bateaux, qui mettrait l’opéra Bastille à 20 minutes (Sodexho, l’un des partenaires, possède notamment les Bateaux parisiens). Mais d’ici là, la moitié sud de l’île reste couverte de bulldozers et il faudra attendre aussi la fin des chantiers et la pousse du jardin sur le toit pour qu’un peu de verdure redonne au lieu un caractère plus hospitalier que le seul béton, certes finement poli, de Shigeru Ban.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : Lever de rideau pour la nouvelle Seine Musicale

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