Ukraine

Les bombardements dans le Donbass frappent aussi le patrimoine ukrainien

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 3 juin 2022 - 645 mots

UKRAINE

L’Ukraine prend la mesure des destructions dans l’est du pays.

Incendie du musée Grigori Skovoroda à Skovorodynivka, visé par un tir de roquette dans la nuit du 7 mai 2022. © State Emergency Service of Ukraine
Incendie du musée Grigori Skovoroda à Skovorodynivka, visé par un tir de roquette dans la nuit du 7 mai 2022.
© State Emergency Service of Ukraine

Donbass (Ukraine). Alors que Marioupol vient de se rendre, le ministère ukrainien de la Culture a recensé les dernières destructions. En avril dernier, le maire de la ville estimait que 90 % des infrastructures étaient détruits, dont de nombreux lieux culturels. Outre le théâtre et des dizaines de bâtiments, le Musée des traditions locales a été touché fin avril. Des témoins rapportent en outre que les troupes russes auraient « emporté une partie des collections entreposées dans les sous-sols ». Des photographies prises sur place montrent des toiles du XIXe siècle accrochées sur des plans de murs à moitié effondrés, et le sol est jonché de céramiques brisées. L’ensemble du bâtiment construit en 1920 porte des traces d’incendie et des monceaux de gravats encombrent les salles d’exposition.

De nombreux sites patrimoniaux liés au complexe de sidérurgie d’Azovstal ont également été endommagés par les combats violents dans cette zone. Azovstal constitue une ville dans la ville, et dans les années 1950 le site comptait un hôpital, des cinémas, un théâtre, son propre stade et plusieurs maisons de la culture. Le stade construit en 1954 a été détruit. Du palais de la Culture et de la Jeunesse de style néo-classique, datant de 1887, ne subsistent désormais que des murs incendiés et partiellement effondrés. Plusieurs bâtiments publics autour du site ont souffert des bombardements, en particulier les immeubles modernistes des années 1950 construits lorsque l’activité sidérurgique était à son apogée. Comme dans les autres grandes villes ukrainiennes, ce sont les bombardements d’artillerie lourde qui ont causé le plus de dommages.

« Le patrimoine culturel délibérément détruit »

Le Donbass concentre l’essentiel des attaques russes ces dernières semaines, et à Kramatorsk, par exemple, les bombardements ont touché plusieurs églises du XIXe siècle, et l’ex-Maison de la culture, un bâtiment emblématique du style constructiviste soviétique des années 1920. À Melitopol, plusieurs témoins rapportent le pillage du Musée des traditions locales, qui abritait un ensemble de pièces archéologiques scythes exceptionnel. De nombreux sites mémoriels ou religieux ont également été endommagés en avril et mai, dont le musée consacré à Grigori Skovoroda près de Kharkiv au nord-ouest du Donbass [voir ill.]. Ce philosophe et théologien du XVIIIe siècle est une figure historique très appréciée en Ukraine, et la destruction de son musée a suscité des réactions jusqu’au sommet de l’État, puisque Volodymyr Zelenski a déclaré être resté « sans voix » en apprenant la nouvelle.

Dans la région de Soumy, un cimetière juif, dont certaines tombes remontaient à 1822, a été bombardé en mai. Cette attaque en rappelle d’autres et laisse planer le doute sur les intentions de l’armée russe. Le 18 avril Josep Borrell, secrétaire général de l’ONU, déclarait que « le patrimoine culturel est délibérément détruit dans la guerre que mène la Russie en Ukraine », accréditant l’hypothèse que les bombardements visent volontairement des sites culturels. Plus nuancée, la délégation britannique à l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) notait début mai que « la Russie mène la guerre sans distinction entre cibles militaires et cibles civiles, sans égard pour l’histoire et la culture ukrainiennes ».

Enfin, il faut citer certains sites archéologiques, notamment dans la région de Kherson, endommagés par l’installation de postes d’artillerie destinés à bombarder la ville. Dans la région de Zaporije, la colline de Kamiana Mohyla a été défigurée par la pose de mines antipersonnel, selon le ministère de la Culture. Ce site est célèbre pour les dizaines de pétroglyphes du Néolithique et de l’âge du Bronze qui ornent ses grottes, raison pour laquelle il figure depuis 2006 sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco. Si l’Unesco se félicite qu’aucun site ukrainien classé n’ait été touché, le gouvernement a pris les devants et vient de déclarer la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev « zone démilitarisée » : cela témoigne de l’inquiétude des autorités sur la protection des monuments classés dans l’optique d’un conflit amené à durer.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : Les bombardements dans le Donbass frappent aussi le patrimoine ukrainien

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