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Les « Casques bleus » italiens en Ukraine, mais après la guerre

ITALIE

L’unité de protection du patrimoine mis en place il y a six ans par l’Italie a fait ses preuves. Le gouvernement de Mario Draghi autorise ses « Casques bleus de la culture » à opérer à l’étranger à la demande directe de l’Unesco. L’Ukraine sera leur première mission, une fois le conflit terminé.

L’Italie n’enverra pas uniquement des armes pour aider l’Ukraine à contrer l’invasion russe ou des dollars pour soutenir sa reconstruction. Ses « Casques bleus de la culture » seront déployés pour permettre de sauvegarder son patrimoine mis en péril par le conflit.« L’Italie est une référence internationale en la matière et notre expertise est saluée dans le monde entier, s’enthousiasme Dario Franceschini en charge du ministère de la Culture italien, désormais, ils pourront opérer à l’étranger. » Le 31 mars dernier, à la veille de la conférence des ministres de la Culture du Conseil de l’Europe, le ministre italien a signé un décret permettant à son groupe de protection du patrimoine d’intervenir à l’étranger à la demande directe de l’Unesco. Cette prérogative était jusqu’alors réservée aux États membres.

Une aide concrète apportée à l’Ukraine

La première mission des monuments men transalpins pourrait être la reconstruction du théâtre de Marioupol. Un porte-parole du ministère de la Culture confirme l’offre qui avait été récemment faite par Dario Franceschini, ajoutant que les Casques bleus de la culture ne pourront être déployés qu’après la fin du conflit armé. « Tant que les bombes tomberont, nous n’entrerons pas physiquement en Ukraine, explique-t-il. Après, on pourrait certainement être là. » Devant une commission parlementaire, le ministre de la Culture a également confirmé que l’Italie apporterait son soutien aux autorités ukrainiennes pour la sauvegarde du centre-ville d’Odessa visé par les bombardements russes.

Dans le cadre du groupe récemment institué par l’Unesco pour aider les musées ukrainiens, les Offices de Florence et les musées civiques de Venise ont envoyé du matériel pour emballer environ 65 000 œuvres et plus de 2 000 sculptures. Elles ont été mises à l’abri en toute urgence dans des dépôts, mais souvent dans des conditions de conservation précaires. Dario Franceschini a enfin rappelé le versement de 100 000 euros à des fondations pour accueillir des artistes ukrainiens en résidence. Un dispositif qui sera renouvelé.

Une unité de bientôt cent personnes

L’Italie a été le premier pays à mettre en place, en 2016, une équipe pour sauver le patrimoine culturel en danger qu’il soit menacé par des conflits armés ou par des catastrophes naturelles. L’idée est née de la campagne « Unite4Heritage » [Unis pour le patrimoine] de l’Unesco lancée en 2015. L’année suivante, la conférence internationale d’Abou Dhabi se penchait sur la protection du patrimoine culturel en péril et, le 24 mars 2017, le Conseil de sécurité de l’ONU adoptait la résolution 2347. Elle est la première à être entièrement consacrée à la protection du patrimoine dans les zones de conflit, sans limitation géographique et pour tous types de menaces (destruction, vol et pillage, trafic). Le groupe des Casques bleus de la culture italiens comprend une soixantaine de personnes et sera bientôt renforcé par une quarantaine d’autres qui sont actuellement en formation. Il est composé d’agents du Comando Carabinieri per la Tutela del Patrimonio Culturale (TPC) et d’experts du ministère de la Culture, parmi lesquels des historiens de l’art, des restaurateurs et des universitaires. Ils ont été déployés la première fois en 2016 et 2017 à la suite des séismes qui ont dévasté le centre de l’Italie, ainsi qu’à Venise après les inondations historiques de 2019. À l’étranger, ils ont contribué à former plus de 1 000 experts irakiens du patrimoine culturel et ont opéré à Beyrouth après l’explosion de 2020 qui a ravagé le cœur de la capitale libanaise. Ils ont enfin soutenu les autorités mexicaines et croates après des tremblements de terre. Cela a permis de cataloguer et sécuriser les biens endommagés ou à risque pour les travaux de conservation et de restauration ultérieurs.

Une force pérennisée qui devra être internationalisée

Les Casques bleus de la culture ont été pérennisés en juillet dernier à Rome dans le cadre du G20 présidé par l’Italie. Une déclaration commune instituait la culture comme l’un des principaux leviers d’une relance socio-économique durable après la pandémie de Covid-19. L’ONU s’engageait également à inclure la question de la préservation du patrimoine dans ses missions de maintien de la paix. Cela implique la lutte contre le trafic des biens culturels et archéologiques, mais aussi la prise en considération des périls dus aux changements climatiques. Un défi qui concerne en premier lieu l’Italie. Entre 15 et 20 % de ses sites culturels sont menacés d’inondations et plus de dix sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco sont en danger en raison de l’élévation du niveau de la mer. Dario Franceschini réitère ses appels aux organisations internationales pour qu’elles suivent l’exemple donné par son pays et renforcent leur coopération. « Il est vital que l’Union européenne ou les Nations unies adoptent un instrument du type des Casques bleus de la culture italiens, a-t-il déclaré. Les pays ne doivent pas être contraints à agir seuls. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : Les « Casques bleus » italiens en Ukraine, mais après la guerre

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