Politique

OPÉRATEUR CULTUREL

Le réquisitoire de la Cour des comptes contre le Mobilier national

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 17 février 2019 - 556 mots

PARIS

La Cour évoque explicitement le démembrement de ce service à compétence nationale qui regroupe entités et missions fonctionnant en vase clos.

La tombée de métier d'une tapisserie de Gérard Garouste à la manufacture des Gobelins. Frédéric Marigaux
La tombée de métier d'une tapisserie de Gérard Garouste à la manufacture des Gobelins
© Photo : Frédéric Marigaux

Paris. Même en connaissant le tropisme des magistrats de la Rue Cambon, celui qui consiste à voir le verre à moitié vide, on est un peu perplexe par la situation au Mobilier national décrite dans les annexes de leur rapport annuel. « Immobilisme », « à bout de souffle », « sclérosé », « laxisme », les qualificatifs sont particulièrement sévères à l’égard de cette institution pluricentenaire qui regroupe l’ancien garde-meuble de la Couronne, chargé de l’ameublement des lieux de pouvoir, et diverses manufactures (tapis, tapisserie..) installées à Paris et en régions (Beauvais, Alençon…).

La Cour pointe le désintérêt croissant des administrations dépositaires pour un mobilier démodé, souvent sans valeur (pour 30 % de celui-ci), mal entretenu et documenté. Elle critique le coût élevé des restaurations qui décourage les administrations, les incitant à remiser les meubles. Elle regrette que l’Atelier de recherche et de création (ARC) créé en 1964 par André Malraux soit peu utilisé par les designers à qui il est destiné. Elle pointe l’autofinancement insuffisant et le faible rayonnement des expositions aux Gobelins à Paris.

Un management laxiste

La juridiction est particulièrement agacée par le laxisme dans la gestion du personnel : des horaires réduits (30 heures effectives par semaine) ; un absentéisme élevé (entre 16,9 et 18,4 jours d’absence pour raisons de santé en moyenne par agent entre 2014 et 2017) ; un recrutement traditionnel ; un nombre trop élevé de chefs ; la possibilité pour les ouvriers d’utiliser les machines pour leur production personnelle (la « perruque »), et même la présence d’alcool en grande quantité. Tout cela malgré un salaire brut mensuel moyen de 2 900 euros (auxquelles s’ajoutent diverses dotations) pour un technicien d’art.

Ce « service à compétence nationale » (SCN) a des circonstances atténuantes. D’abord le fait précisément d’être un SCN, ce qui ne lui laisse pas beaucoup d’autonomie de gestion contrairement aux établissements publics, alors que ses 350 agents au total sont répartis sur six sites. Ensuite le Mobilier national intéresse peu la direction générale de la Création artistique dont elle dépend au ministère. Celle-ci lui commande peu de meubles et textiles et n’a pas suffisamment anticipé les mouvements à la tête du SCN : pas moins de cinq directeurs se sont succédé depuis 2013.

Pour remédier à une « situation qui ne saurait perdurer », la Cour recommande de déménager hors de Paris les ateliers de la rue des Gobelins, de recourir plus souvent à la sous-traitance, d’interdire la « perruque » et de contraindre les agents à pointer. Mais ce ne sont là que des mesures temporaires. Est évoqué ouvertement ni plus ni moins qu’un démembrement du service : rattacher les activités de production à Sèvres ; confier les collections de qualité qui figurent parmi ces 100 000 objets à des musées, pour au final ne garder que la mission d’ameublement, et encore en circonscrivant celle-ci aux « besoins avérés ».

Un scénario que, sans surprise, son directeur actuel (depuis janvier 2018) Hervé Lemoine refuse dans une longue lettre très détaillée. Si celui-ci est bien obligé d’admettre certaines vérités du rapport, il se doit d’endosser le rôle du patron qui défend ses troupes et met en avant des réalisations récentes positives (par exemple la nouvelle application de gestion des collections). Tout en souscrivant une police d’assurance : demander le soutien de sa tutelle.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : Le réquisitoire de la Cour des comptes contre le Mobilier national

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