Le New museum crée deux parfums qui évoquent les lieux

New York. Dans le hall minimaliste du New Museum sur Bowery Street à New York, quelques touristes arpentent le magasin de souvenirs. Deux flacons de parfum trônent au centre de l’espace sur une étagère blanche, assortie aux murs immaculés du musée d’art contemporain. En soulevant une tige en verre pour sentir le premier, baptisé Aspect n° 1, une pointe musquée nous plonge dans les délices entêtants d’un jardin fleuri. L’arôme voisin, Aspect n° 2, nous accompagne avec plus de douceur vers une sensation de propreté, sur un fond enivrant de peinture fraîche.

Avec des notes de « néon », de « métal » ou de « béton », ces deux fragrances surprenantes ont été créées « exclusivement pour et en réponse au New Museum », peut-on lire sur un écriteau posé à côté. Le but : recréer l’expérience de la visite du New Museum, réputé pour ses expositions surprenantes et osées. Derrière ces créations : le studio Folie à Plusieurs, qui a commissionné l’excentrique Mark Buxton et son associé David Chieze, tous deux basés à Paris.

« On s’est principalement appuyés sur le catalogue du musée, un livre de 300 pages », explique le premier, auteur du parfum Aspect n° 1 qu’il décrit comme « psychédélique ».« C’est un parfum très métallique, avec un sentiment de blancheur froide, quelques éléments boisés pour rappeler les planchers du musée, quelques notes de végétation et de gouache pour la peinture colorée », décrit le nez, qui tient boutique dans le 2e arrondissement. De son côté, David Chieze a insisté non seulement sur l’aspect bétonné du musée à l’architecture compacte et sur une forme d’animalité. « J’ai ajouté un accord de peau pour rappeler l’art nu, la nature et les animaux empaillés », précise le créateur d’Aspect n° 2.

« Quand les visiteurs arrivent à la boutique du musée, ils achètent une carte postale, un poster ou un catalogue pour revivre leur expérience. C’est encore plus efficace avec un parfum, qui les connecte à cette expérience à 360 degrés, en quelque sorte », commente Kaya Sorhaindo (qui se fait appeler « Kaya » tout court), fondateur de Folie à Plusieurs, qu’il aime décrire comme une « galerie olfactive » basée entre New York et Berlin. « On peut regarder l’image d’un Basquiat et activer sa mémoire visuelle, mais l’odorat recrée un moment, une sensation. On se dit : “Je me souviens de cet instant, on était à New York, dans ce musée-là» », poursuit-il.

C’est d’ailleurs le propre de Folie à Plusieurs, dit-il. « Je ne voulais surtout pas créer une parfumerie comme les autres. Je conçois le parfum comme un médium, c’est parfois même à la limite du non portable », insiste ce poète des arômes à la voix douce, qui dit être en discussions avec la Brooklyn Academy of Music, le Lincoln Center à New York et le Musée Isabella Stewart Gardner à Boston pour développer des projets olfactifs. Jessica Chin, directrice des ventes du New Museum porte cependant volontiers Aspect n° 2 lorsque nous la rencontrons sur Bowery Street.

« Il existait une première édition créée à l’inauguration du nouveau bâtiment en 2007, mais ce parfum a été écoulé il y a deux ans », raconte la manager, qui a contacté Folie à Plusieurs pour rééditer le concept. « J’ai reçu les deux propositions et je les ai trouvées tellement uniques que j’ai retenu les deux », se souvient-elle. « Ces deux parfums, ce sont en quelque sorte deux versions du musée, l’une en automne et l’autre au printemps », suggère-t-elle. « Il ne reste qu’à les sentir vous-même et à décider de ce que vous y mettez. » N’est-ce pas là une définition de l’art ?