Décentralisation

Le Mucem change de cap

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2009 - 574 mots

La ministre a nommé un administrateur à la tête de la mission de préfiguration du musée.

MARSEILLE - Bruno Suzzarelli, inspecteur général de l’administration des affaires culturelles et ancien directeur de l’administration générale du ministère de la Culture et de la Communication, sera donc cet « homme-orchestre aux compétences les plus diversifiées » dont Christine Albanel avait annoncé la venue à la tête du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), à Marseille, en janvier (lire le JdA no 297, 20 février 2009, p. 8). Sa nomination a été annoncée dans un simple communiqué publié le 19 mai par la Rue de Valois. Ce texte laconique explicite clairement les missions de la structure de préfiguration qu’il va désormais diriger : préparer la création de l’établissement public qui gérera le musée – dont l’ouverture est prévue avant les festivités de « Marseille 2013 » ; se présenter comme l’interlocuteur des collectivités locales, cofinanceurs du projet ; mais aussi définir les axes de la programmation culturelle du musée et la préparation des expositions inaugurales. En d’autres termes, Bruno Suzzarelli, auteur par ailleurs d’un rapport récent sur le centre de réserves des musées parisiens, aura donc les coudées franches en matière tant administrative que scientifique. En filigrane, son arrivée peut être interprétée comme une mise à l’écart de l’actuel directeur du Mucem, Michel Colardelle.
Ce dernier, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, est pourtant à l’origine du projet de décentralisation du Musée national des arts et traditions populaires (MNATP) de Paris vers la cité phocéenne. « Le Mucem est une aventure extraordinaire qui doit tout à Michel Colardelle », rappelle ainsi Alain Bourdy, président de l’Association des amis du Mucem. Depuis juillet 2007, les services de la Rue de Valois n’ont pourtant cessé de jeter le discrédit sur la validité de son projet scientifique et culturel. À la fin 2007, Christine Albanel commandait à Stéphane Martin, président du Musée du quai Branly, un rapport sur le sujet. Pensant ainsi provoquer la démission du directeur du Mucem ? Remis discrètement en juillet 2008, alors que Marseille n’avait pas encore été désignée au titre de « Capitale européenne de la culture » pour 2013, le rapport Martin a donné un satisfecit global au projet Colardelle – jugé néanmoins très ambitieux –, regrettant que son directeur ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre la programmation culturelle du futur musée.

Lobby anti-Mucem
Le rapport insiste par ailleurs sur l’importance de la construction du centre de réserves à la Belle-de-Mai, un choix un temps mis en doute. Or ce rapport n’a jamais été rendu public et la ministre n’en a évoqué qu’un point : l’idée de réserver les espaces du fort Saint-Jean à l’organisation d’activités festives, soit des privatisations pourvoyeuses de recettes. Pour Alain Bourdy, qui déplore n’avoir obtenu de la part de la direction des Musées de France aucune réponse à ses interrogations, la situation est claire. « Il existe Rue de Valois un lobby anti-Mucem et anti-Colardelle », estime-t-il. Selon nos informations, une enquête sur la gestion du musée aurait été diligentée par l’inspection générale de l’administration. Or le temps presse pour ce projet qui doit être achevé impérativement avant 2013. Quitte à en sacrifier le fondement scientifique ? Cette première expérience de décentralisation d’un musée national risquerait alors de laisser un goût amer aux équipes qui ont porté le projet à bout de bras depuis près de dix ans.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°304 du 29 mai 2009, avec le titre suivant : Le Mucem change de cap

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