États-Unis - Société

Le MoMA et la Harvard Graduate School of Design pressés de retirer le nom de Philip Johnson de leurs murs

Par Lorraine Lebrun · lejournaldesarts.fr

Le 22 décembre 2020 - 583 mots

NEW YORK - ÉTATS-UNIS

Le célèbre architecte américain, décédé en 2005, avait des sympathies marquées pour le fascisme et le suprématisme blanc.

L'entrée du MoMa, à New York.
L'entrée du MoMa, à New York.

Le 27 novembre dernier, plus d’une trentaine de personnalités issues du monde de l’art, de l’architecture et du design, signataires d’une lettre du collectif « Johnson Study Group » ont appelé l’université de Harvard et le Museum of Modern Art de New York à cesser d’utiliser le nom de l’architecte Philip Johnson pour toutes titulatures de postes et d’espaces. 

Ce dernier, très lié à chacune des deux institutions, fut étudiant à la Harvard Graduate School of Design, fondateur et directeur du département d’architecture et de design du MoMA (entre 1930 et 1936, puis entre 1946 et 1954) ainsi que l’auteur de plusieurs agrandissements (dont l’East Wing) du musée new-yorkais, ce qui lui vaut aujourd’hui d’avoir une galerie à son nom. La titulature du conservateur en chef de l’architecture et du design comporte également son nom (« The Philip Johnson Chief Curator of Architecture and Design »). 

Le célèbre architecte américain, disparu à l’âge de 98 ans en 2005, réputé pour ses buildings new-yorkais et sa « Glass House » (Connecticut), est moins connu pour avoir un temps adhéré à l’idéologie suprémaciste blanche, ses activités fascistes et sa collaboration avec le parti nazi. 

Dans la lettre, les membres du Johnson Study Group dénoncent que « les vues et activités suprémacistes blanches, largement documentées, de Philip Johnson, en font un éponyme inapproprié pour toute institution éducative ou culturelle », soulignant par la même les conséquences de l’utilisation du nom d’une personne dans les institutions publiques.

Ne niant pas l’importance de ses travaux, dont ils soulignent la nécessaire conservation, les signataires pointent néanmoins le fait que donner son nom à des titulatures de postes et à des espaces suggèrent « inévitablement que la personne ainsi honorée est un modèle pour les conservateurs, administrateurs, étudiants et toutes autres personnes prenant part à ces institutions. »

La doyenne de la Harvard Graduate School of Design, Sarah Whiting, n’a pas tardé à réagir dans une lettre datée du 5 décembre, dans laquelle elle affirme adhérer « complètement à l’argument du pouvoir de l’appellation institutionnelle, et l’intégrité et la légitimité ainsi conférées. » Elle annonce ainsi que l’université ne se réfèrerait plus à un de ses bâtiments, jusqu’ici connu sous le nom de « Philip Johnson Thesis House » (dessiné et habité par l’architecte) que par son adresse physique (« 9 Ash Street »). « Son racisme, son fascisme et son soutien sans relâche au suprémaciste blanc n’ont pas sa place dans le design », a-t-elle ajouté.

Mais alors que la réponse d’Harvard ne s’est pas faite attendre, le MoMA n’a quant à lui toujours pas pris de décision. L’une de ses porte-paroles a affirmé que le musée n’avait pas reçu de communication directe du Johnson Study Group mais être informé des études récentes sur les possibles liens de Johnson avec l’idéologie et des personnalités affiliées aux mouvances nazies et fascistes. « Le musée prend cette affaire très au sérieux et recherche toutes les informations disponibles »

Pourtant, comme le rappelle Mark Lamster, auteur d’une biographie de Philip Johnson en 2018, cité par le Guardian, même si celui-ci renonça à l’idéologie fasciste, son passé sulfureux n’est un secret pour personne. Il aurait même fait l’objet, sans être inquiété, d’une enquête du FBI. Dans sa lettre, le Johnson Study Group affirme que l’architecte utilisait même son bureau au MoMA et son travail de conservateur pour collaborer avec le parti nazi et ségréguer les collections d’architecture, notant que sous sa direction, aucune œuvre d’un architecte noir n’intégra les collections du MoMA. 

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