Le Grand Palais, Saint des Saints contemporain

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 22 septembre 2009 - 998 mots

Au Grand Palais, 105 galeries d’art moderne et contemporain ont concocté une majorité d’expositions collectives et quelques « solo shows » pour une superproduction d’histoire de l’art.

La scission entre le Grand Palais majestueux et la concentration plus hirsute de la Cour Carrée [lire p. 32] reste plus que jamais en vigueur, et le site des Champs-Élysées demeure un must, voire une consécration pour certaines galeries plus jeunes. Quelques transfuges sont d’ailleurs notables comme ceux de Jocelyn Wolff, gb agency, Gabrielle Maubrie ou encore Martine et Thibault de la Châtre qui accèdent au Saint des Saints. Reste effectivement que la déambulation y est plus agréable spatialement, compte tenu de la superficie du « paquebot » et que l’apport de lumière naturelle est ce qu’il y a de mieux. Le Grand Palais incarne le standing de la foire et toutes les grandes galeries internationales et françaises se doivent de s’y disputer une place.

Poids lourds et poids plume, le mélange des générations
Côté art, difficile de dégager une tendance d’ensemble. Certes, la qualité semble se profiler comme à Bâle avec des pièces importantes, des valeurs assurées. La seule véritable tendance lisible est la constance du choix des galeristes à privilégier le panorama des artistes de la maison avec des pièces récentes ou inédites. Ce que l’on remarque cette année dans les effets d’annonce, c’est une volonté de panacher jeunes artistes prometteurs et valeurs sûres comme chez le Belge Xavier Hufkens qui mise sur la jeune coqueluche Sterling Ruby et le classique Robert Mapplethorpe avec trois tirages des années 1982 et 1983. Même principe chez Jocelyn Wolff, galerie nouvellement arrivée au Grand Palais, qui orchestre un dialogue entre une production récente de Guillaume Leblon et une œuvre de 1969-1972 de Franz Erhard Walter. Daniel Templon panache une vingtaine d’artistes d’Araki à Tunga tandis qu’Emmanuel Perrotin assortit Xavier Veilhan à Duane Hanson ou encore Sophie Calle. Chez nombre de galeristes, on profite des actualités pour exposer ses poulains comme Ulla von Brandenburg, plébiscitée à Venise et présentée par Art : concept. Pietro Sparta et Almine Rech se disputent Ida Tursic et Wilfried Mille, deux jeunes peintres dijonnais sélectionnés dans le prix Ricard. La galerie 108 relaie, de son côté, le prix prince Pierre de Monaco décerné à la Luxembourgeoise Sue-Mei Tse. Et Kamel Mennour joue la carte Claude Lévêque et Latifa Echakhch, exposée cet été. La foire s’annonce-t-elle aussi ambitieuse que Bâle qui a, cette année, brillé par la qualité des pièces exposées ? On croise les doigts, la visite n’en sera que plus alléchante. On retiendra surtout trois expositions collectives thématiques, un genre peu plébiscité par les marchands pourtant mis en scène chaque année par la galerie Noirmont. Autour du désir, comme un appel du pied aux collectionneurs, une vingtaine d’œuvres dressent un portrait hétéroclite mais impeccable de ce thème large. Avec, en vedette américaine, deux œuvres historiques de Koons, issues de la série Luxury and Degradation de 1986 autour de l’alcool. Chez Chantal Crousel, l’exercice, plus intellectuel, aborde l’écrit comme image sous le titre « Sémiocirque ». Là aussi une vingtaine d’artistes de Jean-Luc Moulène à Paul Thek, de Marcel Broodthaers à Polke en passant par Warhol. Du beau monde. Enfin, chez Xippas, un chassé-croisé de générations forgera un stand énigmatique construit d’ondes invisibles, de machines-sculptures elliptiques, de circulation de flux. Avec une prédilection pour les photographies de Vera Lutter en impression directe et une nouvelle œuvre de Philippe Ramette. Quant aux « solo shows », certains s’annoncent comme remarquables, tel celui dédié à John Armleder par Catherine Issert pour sceller vingt-trois années de collaboration. Ou encore la minirétrospective en quatre œuvres de 1961 à 2008 du nouveau réaliste Gérard Deschamps chez les époux de la Châtre. Chez Luhring Augustine, on affiche fièrement des œuvres de la Britannique Rachel Whiteread, une valeur sûre, dont on découvrira une pièce de gomme de 1991 (Untitled, Black Bed), vendue plus de 400 000 $ en 2005 chez Christie’s, ou encore des moulages de bibliothèques de 2000. L’association de la New-Yorkaise Bortolami et de l’Anglaise The Approach – un microphénomène étonnant qui se répète avec un gigaconsortium entre Jan Mot, Johan König et Kamel Mennour, et le tandem Jocelyn Wolff, gb agency pour la première fois au Grand Palais – se scelle autour de l’Anglais Gary Webb. Ses œuvres récentes, d’une sculpture formaliste hybride improbable et ultra-plébiscitée il y a encore quelques années, sauront-elles séduire un marché en mutation ? Simon Lee surfe de son côté sur l’exposition George Condo programmée au musée Maillol jusqu’en août dernier, et Claude Bernard s’offre le pop anglais historique Peter Blake.

Choisir un ou plusieurs artistes, le dilemme des galeristes
Plus étonnant, le choix du photographe James Welling opéré par les Parisiens Nelson-Freeman. Autour d’une série exclusivement consacrée au joyau moderniste de Pierre Chareau, la Maison de verre à Paris, le stand propose des grands tirages calmes et ultra-détaillés qui se jouent des transparences et des jeux de lumière de l’architecture complexe. Si on connaît peu Welling en France, il est reconnu aux États-Unis, du LACMA de Los Angeles au Whitney de New York. Le Frac Bourgogne ne s’y était pas trompé il y a quelques années, en achetant plusieurs tirages de cet artiste rare. La galerie Vallois reconnaît l’impact de la monographie, même si elle a choisi de programmer plusieurs artistes, de Gilles Barbier, Vincent Lamouroux à Alain Bublex ou encore de Richard Jackson à Pilar Albarracin, « Une exposition monographique donne une meilleure lisibilité à un stand et un artiste. Mais, pour notre part, il serait bien trop difficile de choisir un seul de nos artistes pour la Fiac ! » Suivons donc le conseil des experts et les expositions personnelles constitueront des moments de clarté au fil des expositions collectives qui seront donc légion. Et si la Fiac devrait être moins prescriptrice au Grand Palais, laissant ce rôle à la Cour Carrée, elle préférera jouer, sous la coupole, les confirmations et un brio certain autour de rendez-vous exceptionnels avec l’histoire de l’art. Une superexposition collective inratable.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°617 du 1 octobre 2009, avec le titre suivant : Le Grand Palais, Saint des Saints contemporain

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