Boulogne : capitale des années 30

Le Musée des années 30 devrait ouvrir ses portes en 1998

Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 906 mots

Ancienne capitale du cinéma, de l’automobile et de l’industrie aéronautique, Boulogne-Billancourt fut également un des hauts lieux de l’architecture et de la vie artistique des années trente. La municipalité a donc tout naturellement décidé, en 1992, de se doter d’un grand Musée des années 30, mais dont les 800 sculptures et 400 peintures ne devraient être accessibles au public qu’au printemps 1998.

Situé juste à côté de l’hôtel de ville de Boulogne-Billancourt, le bâtiment qui doit abriter le futur Musée des années 30 et la médiathèque attend ses premiers visiteurs depuis 1995… La mise en minorité de l’ancien maire Paul Graziani, au printemps 1995, et un changement de majorité aux élections municipales expliquent en partie ces retards. Mais« ces équipements ont également souffert du fait que les conservateurs n’ont pas été associés à sa réalisation », déplore Gérard de Vassal, maire-adjoint délégué aux Affaires culturelles auprès de Jean-Pierre Fourcade, le nouveau maire. De fait, « la muséographie ne faisait pas partie de notre mission », déclare de son côté l’architecte du bâtiment, Yovan Josic, qui regrette amèrement cette « absence de synergie ». Une étude de faisabilité de l’aménagement des espaces d’exposition a finalement été confiée en 1996 à Jean-François Bodin, qui ajoute là une réalisation supplémentaire à la longue liste des musées français où il est intervenu (Centre Pompidou, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Musée Matisse, Musée Calvet...). Toutes ces vicissitudes ont conduit l’actuelle équipe municipale à « agir sans précipitation pour ouvrir le bâtiment au public au printemps 1998 », bâtiment qui devrait coûter au total environ 250 millions de francs, y compris les aménagements intérieurs du musée et de la médiathèque.

Deux tiers de donations
Lorsqu’il a été nommé conservateur des musées municipaux de Boulogne, en 1983, Emmanuel Bréon a hérité d’un « musée » ouvert un seul jour par semaine, dont les collections se résumaient à une série de cartes postales exposées dans une salle du quatrième étage de la mairie ! Quatorze ans plus tard, et après avoir installé provisoirement le Musée des années 30 dans l’annexe de l’hôtel de ville, lui et son équipe peuvent s’enorgueillir d’avoir constitué un des fonds les plus riches de France sur la période, soit environ 800 sculptures (Joseph Bernard, Canto Da Maya, Despiau, Landowski, Martel, Pompon…), 400 peintures (Émile Bernard, Boutet de Monvel, Eugène Carrière, Juan Gris, Lambert-Rucki, Lipchitz, Masson…), 2 000 dessins, 1 500 estampes, 30 pièces de mobilier (Ruhlmann, Leleu, Süe et Mare…) et 100 céramiques. Soixante-dix pour cent de ces pièces ont été acquises par donation, 20 % sont des affectations et des prêts de l’État, et 10 % ont été achetées par le musée, dont les crédits d’acquisition atteignent aujourd’hui 1 million de francs par an. La majorité de ces œuvres devraient se déployer sur 2 000 m2 de surface d’exposition dans le nouveau bâtiment, dont la superficie totale atteint 12 000 m2. Le futur musée comprendra également 600 m2 de surfaces d’expositions temporaires, des réserves et un centre de documentation riche de 16 000 dossiers et quelques 2 500 livres. S’y ajoute la médiathèque, dont les crédits d’acquisition pour les ouvrages portant sur les années 30 ont été augmentés.

Mouvement réaliste
Au nombre des acquisitions de premier plan, celle du fonds d’archives Jacques-Émile Ruhlmann, acheté 150 000 francs en 1992. Arrêté en douane à Monte-Carlo, l’ensemble se compose d’environ 5 000 plans et dessins. Le musée a également acquis une partie du fonds Abel Gance, pour 200 000 francs, dont le manuscrit du film Bonaparte et la Révolution, plusieurs photographies de plateau de Raymond Voinquel et la propre colleuse du cinéaste. Françoise Siriex a offert un important fonds d’archives de l’ébéniste Jules Leleu, dont elle était la collaboratrice, qui comprend environ 6 000 documents et photographies. De même, le peintre Henri de Waroquier a légué 900 dessins et une trentaine de peintures, qui devraient faire l’objet d’une exposition temporaire en 1998, après celle consacrée aux « Anglais des années 30 ». L’État a mis en dépôt quelques toiles, comme le portrait de Thadeus de Lempicki par Tamara de Lempicka, ainsi que des œuvres de Paul Jouve, Robert Poughéon, Léon Drivier… Le mouvement réaliste de l’entre-deux-guerres est particulièrement bien représenté, car « le Musée des années 30 ne sera ni un musée du Surréalisme, ni des avant-gardes, même si certains de leurs protagonistes y ont leur place », conclut Emmanuel Bréon, impatient de déployer des collections… qui attendent en bon ordre dans les sous-sols de l’annexe de la mairie.

Parcours années trente
À l’initiative des élus locaux, d’industriels ou de particuliers, les plus grands architectes des années 30 ont construit à Boulogne, au point que le musée a fléché un « Parcours des Années 30 » pour permettre aux flâneurs de découvrir plusieurs résidences-ateliers, hôtels particuliers et immeubles de rapport signés Le Corbusier, Pierre Jeanneret, André Lurçat, Robert Mallet-Stevens, Auguste Perret, Pierre Patout, Georges-Henri Pingusson, Léon Compoint… Sans omettre la découverte du grand hall de l’hôtel de ville, construit par Tony Garnier en 1934, ainsi que le Musée-jardin Paul Landowski et le Musée-atelier Joseph Bernard, tant il est vrai que Boulogne fut aussi la ville des sculpteurs. Toute visite du futur Musée des années 30 se devra également d’être précédée de la lecture du livre qu’Emmanuel Bréon vient de consacrer à L’art des années 30 (Somogy Éditions d’art, 160 p., 150 ill. en coul., 245 F) dans lequel tous les aspects de l’art de cette période sont largement développés.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Boulogne : capitale des années 30

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