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ENTRETIEN

Aurore Bergé : « l’intimidation des lieux culturels persiste alors que la culture est le premier lien social »

Députée, auteur du rapport « Émancipation et inclusion par les arts et la culture »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 9 mars 2020 - 671 mots

PARIS

Députée et porte-parole de La République en marche, Aurore Bergé (34 ans) explique les lignes de force de son rapport sur la démocratisation culturelle qu’elle a remis au Premier ministre, le 17 février dernier.

Aurore Bergé. © Jean-Philippe Baltel.
Aurore Bergé.
© Jean-Philippe Baltel.
Quelle est l’origine de ce rapport ?

Pendant toute l’année dernière, les Français nous ont interpellés sur la visibilité de l’État dans les territoires. Et si la culture n’a pas été directement évoquée, elle est une réponse essentielle.

Par ailleurs, le ministère de la Culture est celui des artistes et des arts, et il doit aussi être celui des publics et des droits humains. C’est de cette discussion avec Matignon qu’est née ma mission.

Vous donnez beaucoup d’importance dans votre rapport aux associations socioculturelles, pourquoi ?

On ne peut pas parler de politique culturelle sans évoquer l’apport des fédérations d’éducation populaire. Tous les acteurs culturels sur les territoires se revendiquent de « l’Éduc pop ».

Il y a eu trop longtemps une distinction entre l’action culturelle et l’action socioculturelle au sein du ministère de la Culture, alors que ces deux approches doivent évidemment se rejoindre au bénéfice des publics. Par exemple, quand on repense les espaces dans les bibliothèques et médiathèques, qui deviennent les premiers « tiers lieux » de notre pays, ça ne peut exister qu’avec le concours des acteurs socioculturels.

Vous affirmez qu’il n’y a pas de « zones blanches culturelles »…

Quand on parle de zones blanches culturelles, on dénie l’existence des acteurs culturels sur les territoires. J’en ai rencontré beaucoup à l’occasion des 450 rendez-vous en 5 mois que j’ai réalisés. Il y a peut-être des manques en matière d’équipements culturels – même si notre maillage reste exceptionnel par rapport à des pays de taille comparable –, mais tant dans l’ultra-ruralité que dans les quartiers populaires urbains, il y a des équipes artistiques, du « hors les murs », des festivals, des associations socioculturelles, du patrimoine de proximité, lesquels sont souvent les premières portes d’entrée vers la culture. Il y a une déformation parisienne dans la présentation de la situation dans les territoires qui ne rend pas service aux acteurs culturels.

Quelles ont été vos premières impressions au cours de ces 450 rendez-vous ?

Deux principales se dégagent : l’intimidation des lieux culturels qui persiste alors que la culture est le premier lien social, le premier espace de cohésion sociale ; et l’obligation constante pour les acteurs culturels de se justifier.

À l’Assemblée nationale, c’est le budget qu’on va le plus questionner au moment du projet de loi de finances. Sur le terrain, les élus me disent tous qu’ils prennent beaucoup de risques à investir dans la culture, ce qui n’est pas toujours bien compris. Par exemple, on soutient plus évidemment l’investissement dans une piscine municipale, même si 100 % des habitants ne s’y rendent pas, alors qu’on attend que tout le monde se rende dans un équipement culturel pour légitimer son investissement.

L’éducation artistique et culturelle pour laquelle vous formulez de nombreuses propositions ne souffre-t-elle pas d’un problème de définition ?

Il y a effectivement un problème de définition. L’ÉAC, ce n’est pas uniquement remplir un auditorium avec 1 000 élèves face à un artiste, c’est d’abord une logique de parcours sur la durée. Quand il y a un artiste en résidence, un orchestre à l’école, là, c’est de l’ÉAC.

Et pour que cela ait tout son sens, l’ÉAC doit intégrer les programmes scolaires, ce qui n’est pas la même chose que les arts plastiques ou l’éducation musicale. L’ÉAC part toujours aujourd’hui d’une démarche individuelle, un enseignant, un directeur d’établissement, un élu…, mais ces derniers sont souvent laissés très seuls.

Voilà pourquoi je recommande que l’on désigne un interlocuteur ÉAC dans chaque Drac chargé de faciliter la vie des établissements. Ce qui d’ailleurs me fait dire qu’il faut augmenter les moyens des Drac, qui ont été pénalisées par la réforme de la loi NOTRe.

Quel va être l’avenir de ce rapport ?

Je vais évidemment le porter en tant que députée, membre de la commission des affaires culturelles. Un examen attentif et interministériel de mes propositions est par ailleurs en cours.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Aurore Bergé : « l’intimidation des lieux culturels persiste alors que la culture est le premier lien social »

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