Commémoration

Aux États-Unis, la commémoration du 11 Septembre sur fond de crise 

Par Barthélemy Glama, correspondant à New York · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 2021 - 635 mots

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Après deux années de revenus en berne, le Musée-Mémorial du 11 Septembre à New York est contraint d’annuler ses projets d’exposition pour le vingtième anniversaire des attentats.

Les tours du World Trade Center (Twin Towers) en feu, le 11 septembre 2001. © Michael Foran, CC BY 2.0
Les tours du World Trade Center en feu, le 11 septembre 2001.

New York. Il n’y aura pas de grande exposition événement au Musée-Mémorial du 11 Septembre à New York pour célébrer le vingtième anniversaire des attentats qui ont frappé le World Trade Center en 2001. Le projet a été annulé pour raisons budgétaires. À l’origine, les conservateurs avaient imaginé une exposition sur le rôle joué par la musique dans le rassemblement des Américains après la tragédie. Mais lorsqu’au début de la crise sanitaire 60 % des employés du musée ont été licenciés, dont la moitié des équipes du département chargé des expositions, les dirigeants de l’institution ont décidé d’abandonner l’idée.

Une porte-parole du Musée-Mémorial, Lee Cochran, explique que cette décision est motivée par une « volonté de se concentrer sur l’expérience centrale du musée », à savoir les collections permanentes, qui attirent le public. Le musée, inauguré en 2014, complète un ensemble qui comprend un grand parc et le mémorial lui-même. Conçu par l’architecte israélo-américain Michael Arad, celui-ci se compose de deux bassins carrés situés à l’emplacement des deux tours détruites, entourés de parapets portant le nom des 3 000 victimes des attentats. C’est là que chaque 11 septembre sont lus leurs noms, au cours d’une cérémonie qui se tiendra de nouveau physiquement cette année.

Les licenciements comme l’abandon du projet d’exposition ont été approuvés par le président de l’institution, l’ancien maire et candidat malheureux à la dernière primaire démocrate, Michael R. Bloomberg. « Le conseil d’administration du Musée-Mémorial soutient ces décisions nécessaires pour éviter que cette institution à l’importance vitale ne s’enfonce dans la crise et qu’elle puisse continuer à mener à bien sa mission d’honorer et rendre hommage aux victimes du 11-Septembre », commente Marc La Vorgna, un représentant du milliardaire. « Nous n’avons pas besoin de fanfare », ajoute Anthoula Katsimatides, membre du conseil d’administration qui a perdu son frère John lors de l’attaque terroriste, « on se rend dans ce musée pour se recueillir à la mémoire de ceux qui sont morts. C’est un sujet sérieux. »

Pour le premier directeur artistique du musée, Michael Shulan, c’est une occasion manquée de réfléchir aux conséquences de l’événement, à l’heure où les troupes américaines se retirent, dans des conditions dramatiques, d’un Afghanistan retombé aux mains des talibans : « Vingt ans, c’est un jalon, un moment où l’on peut commencer à regarder les choses avec un peu de recul. Ne pas se poser de questions, c’est aller vers d’autres crises. » L’engagement militaire des États-Unis en Afghanistan au lendemain du 11 Septembre répondait à la protection qu’offrait le régime taliban à l’Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden.

L’hommage (refusé) de Maurizio Cattelan

Les institutions artistiques new-yorkaises se montrent encore frileuses lorsqu’il s’agit de remettre en cause le récit national développé ces vingt dernières années et craignent toujours de heurter les familles de victimes. Au début de l’été, c’est à la Fondation Pirelli HangarBicocca de Milan que Maurizio Cattelan a ainsi dévoilé son monument hommage célébrant le vingtième anniversaire des attentats : un monolithe de basalte transpercé par un avion, intitulé Blind. Il avait approché le Musée Guggenheim en 2017 avec son projet, mais Nancy Spector, alors conservatrice en chef, avait décliné la proposition de l’artiste italien : « Une manifestation visuelle du traumatisme que représente le 11 Septembre semblait trop lourde d’émotions, peut-être même toxique », explique-t-elle.

Le 11 septembre prochain, c’est donc d’abord en musique que les commémorations culturelles auront lieu. Au Metropolitan Opera de New York, dont ce sera le premier concert physique en plus d’un an et demi, Yannick Nézet-Séguin, dirigera le Requiem de Verdi. À Washington, le National Symphony Orchestra présentera pour sa part un « concert du souvenir » au Kennedy Center, qui rendra hommage à la fois aux victimes des attentats de 2001 et à celles du Covid-19.

Le Musée-Mémorial du 11 Septembre à New York. Le Mémorial est constitué de deux bassins situés à l'emplacement même des deux tours détruites : vue du bassin sud. Photo NormanB, 2012 - CC BY-SA 3.0
Le Musée-Mémorial du 11 Septembre à New York. Le Mémorial est constitué de deux bassins situés à l'emplacement même des deux tours détruites : vue du bassin sud.
Photo NormanB, 2012

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : 11/09 : célébrations sur fond de crise

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