L’attribution du Joueur de luth de Badminton à Caravage par l’IA Art Recognition remet en cause le consensus des experts.

L’IA meilleure que les experts en art ? C’est la question posée récemment par une intelligence artificielle qui aurait authentifié Le Joueur de luth de Badminton comme étant un original du Caravage. Elle a également remis en cause l’authenticité d’une autre version du tableau, celle de la collection Wildenstein, longtemps considérée comme autographe.
Trois versions de l’œuvre du Caravage existent : celle de l’Ermitage, unanimement reconnue comme authentique, celle de Badminton et celle de Wildenstein. La version de Badminton avait été étudiée par Sotheby’s et des experts du Metropolitan Museum of Art lors d’une vente en 1969, et décrite comme une copie, probablement réalisée par Carlo Magnone, qui avait exécuté en 1642 une réplique pour le cardinal Francesco Maria del Monte. Cette peinture fut adjugée 860 euros, avant d’être acquise en 2001 par l’historien de l’art et marchand Clovis Whitfield pour 80 000 euros, alors cataloguée comme une copie du cercle du Caravage.

Le modèle d’IA, développé par la société suisse Art Recognition en collaboration avec l’université de Liverpool, a attribué un taux de probabilité de 85,7 % en faveur de l’authenticité, résultat jugé « très élevé » par sa fondatrice Carina Popovici. Entraîné sur plus de 200 œuvres du Caravage, l’algorithme analyse coups de pinceau, palette, composition, technique et clair-obscur. Cette expertise est renforcée par une source textuelle : la biographie du Caravage par Giovanni Baglione (1642), décrit un Joueur de luth plus proche de la version de Badminton que de celle de Wildenstein. L’itinéraire de l’œuvre a aussi été en partie retracée, peinte pour le cardinal del Monte, passée ensuite dans la collection Barberini dans les années 1620, puis vendue au duc de Beaufort au XVIIIᵉ siècle, avant de demeurer plusieurs siècles à Badminton House, en Angleterre.

Plusieurs spécialistes se sont exprimés. Le luthier David Van Edwards, président de la Lute Society, souligne des incohérences dans l’instrument représenté dans la version Wildenstein, absentes des deux autres tableaux. L’avocat et amateur d’art William Audland KC estime de son côté qu’« il serait injuste de considérer la version Wildenstein comme autographe et celle de Badminton comme une copie de mauvaise qualité ».
Ces conclusions sont toutefois discutées. George Gordon, coprésident de Sotheby’s Worldwide Old Master Paintings, rappelle que la notice du catalogue de 1969 était « réfléchie et complète » et qu’aucune recherche récente n’a, selon lui, modifié de façon décisive le consensus de 2001. La fiabilité même des modèles d’IA demeure en débat : en 2023, deux algorithmes avaient livré des résultats contradictoires sur l’authenticité d’un Raphaël.
Clovis Whitfield souhaite confier le tableau à une institution britannique, l’œuvre est actuellement exposée à Londres. Le collectionneur prévoit par ailleurs de consacrer un podcast, un article académique et un documentaire au sujet de l’authentification.
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Un tableau du Caravage authentifié par l’IA
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