Intelligence artificielle (IA)

Deux intelligences artificielles s’affrontent autour d’un tableau de Raphaël

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 15 septembre 2023 - 528 mots

NOTTINGHAM / ROYAUME-UNI

Une première IA avait attribué un tondo au peintre de la Renaissance avant qu’une autre IA ne dise le contraire.

Le Tondo de Brécy (détail) attribué à Raphaël et sa Madone Sixtine (détail) - Photos Nottingham University / Wikimédia / Montage LeJournaldesArts.fr
Le Tondo de Brécy (détail) attribué à Raphaël et sa Madone Sixtine (détail). Montage LeJournaldesArts.fr.

Si l’intelligence artificielle (IA) commence à s’imposer dans de nombreux domaines dont l’art, son utilisation soulève de nombreuses questions notamment s’agissant de sa fiabilité. Récemment, la société Art Recognition, basée près de Zurich, a conclu qu’un tableau connu sous le nom de Tondo de Brécy n’était pas l’œuvre du peintre de la Renaissance italienne, Raphaël (1483-1520). 

Tondo de Brécy attribué à Raphaël par des chercheurs des universités de Nottingham et de Bradford, diam. 95 cm. © Nottingham University
Tondo de Brécy attribué à Raphaël par des chercheurs des universités de Nottingham et de Bradford, diam. 95 cm.
© Nottingham University

Pourtant, en janvier dernier, des chercheurs des universités britanniques de Bradford et de Nottingham avaient au contraire affirmé que le tableau était de la main de Raphaël, en utilisant une technologie de reconnaissance faciale. Grâce à un logiciel développé par Hassan Ugail, professeur à l’université de Bradford, l’IA avait comparé les visages peints sur le Tondo de Brécy et sur la Madone Sixtine de Raphaël. L’étude avait conclu à une similarité de 97 % entre les deux madones et de 86 % pour l’enfant Jésus. Les chercheurs affirment qu’une similarité de 75 % ou plus est considéré comme identique.

Raphaël (1483-1520), Madone Sixtine, 1513-1514, 265 x 193 cm, huile sur toile, collection Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde © Wikimédia, domaine Public
Raphaël (1483-1520), Madone Sixtine, 1513/1514, 265 x 193 cm, huile sur toile, collection Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde.

Le système de reconnaissance faciale utilisé par l’IA du professeur Hassan Ugail s’appuie sur plus de vingt ans de développement informatique et des millions d’images et de vidéos assimilées pour reconnaître et comparer les traits du visage. « En regardant les visages avec l’œil humain, on constate une similitude évidente, mais l’ordinateur peut voir beaucoup plus profondément que nous, dans des milliers de dimensions, au niveau pixel », expliquait le professeur dans un communiqué

Mais, selon la dernière étude réalisée par le docteur Carina Popovici, scientifique chez Art Recognition, il y aurait une probabilité de 85 % que le tableau ne soit pas de la main de Raphaël.

A la lumière de ces études contradictoires, Sir Timothy Clifford, spécialiste de la Renaissance italienne et ancien directeur général des National Galleries d’Ecosse, a exprimé son scepticisme quant à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’analyse de l’art. Il a également souligné que de nombreuses copies fidèles des tableaux les plus célèbres existent, ce qui peut engendrer des confusions quant à leur authenticité.  

Selon Michael Daley, directeur d’ArtWatch UK, une ONG qui observe les politiques de conservation dans les musées, si le visage du Tondo de Brécy ressemble parfaitement à celui de la Madone Sixtine, il est peu probable que Raphaël a créé une version identique. « Si Raphaël lui-même avait fait une autre version, il aurait presque sans aucun doute introduit des modifications de son propre chef dans le tableau », explique-t-il au Guardian, avant de conclure : « C’est certainement une copie du XIXe siècle. »

En décembre dernier, Art Recognition avait en revanche attribué à Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), Portrait de femme (Gabrielle), grâce à un algorithme capable d’étudier le style, la forme des coups de pinceaux et les combinaisons de couleurs supplémentaires de 206 peintures authentifiées de l’artiste. Cette réattribution a été confirmée par les experts de Dauberville & Archives Bernheim-Jeune, qui publie un catalogue raisonné des œuvres attestées de Renoir.

De nombreux experts soulignent que l'IA ne fournit qu'une lecture partielle de l'objet artistique analysé. Ils insistent sur le fait que les résultats peuvent être influencés par des facteurs tels que la qualité de la toile, son encrassement ou des restaurations ultérieures. 
 

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