Finlande - Musée

Un nouveau musée d’art pour la ville d’Helsinki

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 28 septembre 2018 - 985 mots

HELSINKI / FINLANDE

Le nouvel « Amos Rex », qui a ouvert ses portes à Helsinki le 30 août, enrichit le réseau muséal de la capitale finlandaise tout en remettant sur le devant de la scène l’un des fleurons de son patrimoine : le Lasipalatsi.

Le Musée Amos Rex à Helsinki
Vue extérieure du Musée Amos Rex. Des puits de lumière, au cœur d’une place publique, éclairent les espaces situés en sous-sol et rendent le musée perceptible dans le tissu urbain.
Photo Mika Huisman

Helsinki. Comment un musée peut-il affronter les défis de demain ? Telle a été la question que s’est posée Kai Kartio en ce début de XXIe siècle, alors qu’il prenait les rênes de l’Amos Anderson Art Museum, à Helsinki (Finlande). Ladite institution est cornaquée par une fondation, la Föreningen Konstsamfundet, créée en 1940 par l’entrepreneur et philanthrope Amos Anderson (1878-1961). « Amos Anderson était un milliardaire qui a fait sa fortune dans l’immobilier, souligne Kai Kartio. S’il n’était pas ce que l’on appelle un collectionneur compulsif, il a, en revanche, fortement soutenu la culture sous toutes ses formes : les arts, le journalisme, l’éducation, etc. » Clou post mortem de cet engagement, l’ouverture en 1965 de ce musée à son nom, logé dans un immeuble lui ayant appartenu et datant de 1913. Son premier directeur commence à enrichir la collection, axée d’abord sur l’art finlandais du XXe siècle avant de s’ouvrir à l’art européen ; elle compte aujourd’hui quelque 6 000 pièces – dessins, peintures, sculptures, photographies, objets, textiles, meubles… « Lorsque je lui ai succédé, en 2001, je me suis dit qu’il devait très certainement y avoir une manière de montrer ce fonds autre que [dans le cadre du] classicisme désuet d’un ancien appartement des années 1910, raconte Kai Kartio. En clair, je rêvais d’un nouveau lieu qui soit, en outre, plus facile d’accès, donc situé en plein centre. Or, trouver une parcelle libre à construire au cœur d’Helsinki était illusoire. Mais nous avons appris que la municipalité réfléchissait au devenir d’un édifice phare du patrimoine helsinkien : le Lasipalatsi ou “palais des glaces”, petit joyau fonctionnaliste érigé en 1936. » Débute alors en 2013 une réflexion autour de ce bâtiment implanté en centre-ville. Et la fondation, pour pouvoir fixer une enveloppe de travaux, commande une première esquisse à l’agence d’architecture finlandaise JKMM. La Ville voit la proposition d’un bon œil, d’autant qu’elle sera entièrement financée par cette institution privée. « Nous souhaitions proposer un nouveau type de musée d’art pour Helsinki, avec des espaces les plus ouverts et les plus flexibles possible, afin de pouvoir y présenter toutes sortes d’art : depuis le plus classique jusqu’à celui, actuel, usant des technologies numériques, en passant par les installations, explique Kai Kartio. Comme il nous fallait ajouter des mètres carrés supplémentaires, mais que le règlement d’urbanisme n’autorisait pas la construction d’une extension nouvelle en aérien, la seule solution était de creuser en souterrain. »

Confirmée dans son rôle de maître d’œuvre, l’agence JKMM finalise alors un projet qui investit une partie du fameux Lasipalatsi. Celle-ci abrite, entre autres, un auditorium de 590 sièges – utilisé, notamment, pour des projections régies par un groupe spécialisé dans la gestion de cinéma –, et se prolonge, en sous-sol, sous une place publique, par 2 200 mètres carrés d’espaces d’exposition tout neufs et dépourvus de tout poteau. Le nouveau musée, baptisé « Amos Rex », est né. Surface totale : environ 8 000 m2. Coût des travaux : 50 millions d’euros, incluant la rénovation du bâtiment des années 1930 et la construction de la partie neuve.

Le lieu a été inauguré, le 30 août, après deux années de chantier, avec une vaste exposition du groupe japonais TeamLab. La programmation future promet d’être éclectique, comme l’annonce Kai Kartio : « Après la présentation inaugurale, qui court jusqu’au 6 janvier, nous préparons, pour le premier semestre 2019, la première grande rétrospective en Finlande sur Magritte, ainsi qu’une exposition du collectif expérimental néerlandais Studio Drift. Puis, l’été prochain, nous ferons place à l’art contemporain nordique. Enfin, à l’automne, nous montrerons le travail de l’un des pionniers finlandais de l’art moderne, Birger Carlstedt [1907-1975]. »

En parallèle, le fonds continuera à être enrichi. « Le budget d’acquisition d’œuvres varie entre 50 000 et 100 000 euros par an », précise le directeur. La collection devrait être présentée, à partir de l’année prochaine, dans les locaux de l’ex-Amos Anderson Art Museum, toujours propriété de la fondation. Quant au budget de fonctionnement du nouvel Amos Rex, « il s’élève à environ 5 millions d’euros par an, un chiffre qui inclut, entre autres, la conception des expositions et le service éducatif ».

UNE ARCHITECTURE HYBRIDE  

Réhabilitation. Le nouveau musée d’art Amos Rex est un projet qui a, semble-t-il, suivi un chemin assez direct de sa conception à sa sortie de terre. « Nous avons véritablement commencé à y penser en 2012, raconte Kai Kartio, son directeur. L’année suivante, nous avons demandé au cabinet JKMM de fournir une esquisse. La Ville a donné son accord pour la réalisation en 2014. Les architectes ont ensuite élaboré le projet final et la construction a commencé en 2016. » L’initiative, entièrement privée, a permis la rénovation de l’un des bâtiments emblématiques de la capitale finlandaise, le Lasipalatsi.
Ainsi l’Amos Rex est-il un édifice à double facette. D’une part, il vient se loger dans un fragment du Lasipalatsi, lequel comprend, au rez-de-chaussée, la billetterie et une boutique, et, à l’étage, un splendide hall fonctionnaliste conduisant à un auditorium. D’autre part, il bénéficie, en sous-sol, outre de réserves, de vastes espaces d’exposition (hauteur : 10 mètres) qui, grâce à une grille technique de 2,70 m x 2,70 m, au sol comme au plafond, peuvent voir leurs surfaces se moduler en fonction des présentations. Surprise : ces derniers sont éclairés naturellement par une série de puits de lumière qui, extérieurement, animent la place publique située au cœur de la parcelle. « Ceux-ci permettent, y compris depuis les salles d’exposition situées en sous-sol, de faire l’expérience de la ville, explique Asmo Jaaksi, architecte et membre fondateur de l’agence JKMM. Les faire ressortir ainsi en aérien fut surtout, pour nous, une manière de résoudre le principal défi de ce bâtiment invisible, car souterrain : le rendre perceptible ! »

 

Christian Simenc

Amos Rex,
Mannerheimintie 22-24, Helsinki, www.amosrex.fi

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Un nouveau musée d’art pour la ville d’Helsinki

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