Italie - Archéologie - Justice

Archéologie

Trafic à la sicilienne

Par Cathryn Drake · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 547 mots

La justice italienne va juger en audience préliminaire les membres d’un vaste réseau coupable de trafic international d’antiquités. L’opération « Ghelas », qui a mené au démantèlement d’un puissant réseau de pillage de pièces archéologiques italiennes s’étendant à toute l’Europe occidentale, est sur le point d’aboutir avec la comparution dans les jours à venir en audience préliminaire de soixante-dix prévenus, à Gela, au sud-ouest de la Sicile.

Sélimonte (Sicile)© Grégoire Jeanblanc

GELA (SICILE) - Menée par l’équipe du service de protection du patrimoine culturel italien (TPC), l’enquête s’est achevée sur le nombre record de quatre-vingt-cinq mises en examen et cinquante-deux arrestations, le plus grand coup jamais porté aux tombaroli (pilleurs de tombes). Des fonctionnaires, enseignants et plombiers figurent parmi les suspects. Quinze d’entre eux ont déjà reconnu des charges diverses. Le carabinier Carmine Maschio, par exemple, a avoué faire passer des objets pillés en voiture de l’Italie vers la Suisse. Selon le procureur Alessandro Sutera Sardo, plus de deux mille pièces archéologiques ont été retrouvées, parmi lesquelles des amphores, des statues et des pièces de monnaie provenant de grands sites archéologiques de Sicile – tels Morgantina, Syracuse, Sélinonte et Gela –, mais aussi d’Apulie et du Latium. Il a précisé que le réseau constitué de quatre cellules internationales écoulait les pièces volées au moyen d’intermédiaires basés en Suisse, en Espagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne, comme la maison de ventes munichoise Gorny & Mosch.

La traque a commencé il y a trois ans, lorsque la police sicilienne a saisi des pièces archéologiques et des détecteurs de métaux chez plusieurs habitants de Gela – parmi lesquels Orazio Pellegrino, âgé de 43 ans, chef de l’une des quatre cellules – et les a placés sous surveillance. « Quand nous avons enregistré leurs conversations téléphoniques, nous avons intercepté de fréquents appels passés à un même numéro en Suisse, et nous avons compris qu’ils étaient peut-être en train de vendre des objets là-bas », a révélé Alessandro Sutera Sardo.

Ces recherches ont orienté les enquêteurs vers Francesco Davoli, un chauffeur de taxi italien vivant à Zurich. Son domicile a été perquisitionné avec l’appui des autorités suisses. Le procureur suisse Ivo Hoppler nous a confié : « Davoli est parti travailler vers 4 h 30 du matin. Nous sommes arrivés à 6 heures et, au bout de deux heures de fouille, nous avons trouvé des pièces de monnaies insérées dans des poches de plastique. » Le chauffeur de taxi, rapidement devenu l’informateur principal, a désigné plusieurs complices et a fini par aiguiller la police vers la galerie barcelonaise de Bea Felix Cervera, antiquaire réputée. « Nous sommes entrés avec les policiers espagnols et nous avons trouvé une porte dérobée. Une fois celle-ci ouverte, nous ne pouvions en croire nos yeux : il y avait des centaines d’objets précieux, pour beaucoup de provenance manifestement illégale », a ajouté Alessandro Sutera Sardo.

La pièce la plus précieuse identifiée par la police sicilienne est un bassin en marbre d’époque romaine volé chez un particulier à Rome. La galeriste est poursuivie par la justice espagnole, et le gouvernement de Zapatero a officiellement invité l’Italie à récupérer la majorité du butin. Par ailleurs, les indices relevés lors de l’opération « Ghelas » ont fourni des pistes pour d’autres enquêtes, qui ont récemment conduit l’équipe sicilienne du TPC jusqu’à Rome.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Trafic à la sicilienne

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