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PLU de Versailles : l’État pointé du doigt

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 février 2012 - 679 mots

VERSAILLES

VERSAILLES [17.02.12] - Le plan local d’urbanisme du domaine national de Versailles n’a pas fini d’être chahuté. La municipalité de Versailles propose à l’État de lui racheter les terrains autrefois affectés au ministère de la Défense, au prix auquel ils lui ont été cédés en décembre dernier.PAR SOPHIE FLOUQUET

La sortie est habile. Alors qu’un recours gracieux a été engagé, le 24 janvier, contre le nouveau plan local d’urbanisme (PLU) par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF), le maire de Versailles place l’État face à ses responsabilités. Dans un communiqué daté du 27 janvier et destiné à « apporter des précisions sur les modifications portées à son plan local d’urbanisme », François de Mazières jette un pavé dans la mare au sujet du devenir de l’ancienne caserne de Pion. « Bien entendu, la Ville serait entièrement ouverte à revendre ce terrain à l’État, au prix où celui-ci lui a été cédé, si ce dernier voulait conduire un projet culturel ou d’extension du parc actuel du château », conclut ainsi le communiqué. Soit une manière de préciser que, si son projet consistant à bâtir 60 000 mètres carrés de surfaces d’activités et 13 000 mètres carrés de logements aux portes de l’ancien domaine royal a pu être possible, c’est parce que l’État l’a bien voulu en lui proposant ces terrains à la vente.

L’acte de cession des 21 hectares de ces terrains jusque-là affectés au ministère de la Défense a été signé le 16 décembre 2011 au profit de l’Établissement public foncier des Yvelines (Epfy), pour le compte de la Ville. Montant de la transaction : 5 millions d’euros, assortis d’une condition de dépollution chiffrée à 6 millions d’euros. Soit un investissement global de 11 millions pour la collectivité qui a fait là une bonne affaire, avec un terrain acheté à un peu plus de 500 euros le mètre carré, dépollution comprise, quand les prix moyens tournent autour de 1 000 euros le mètre carré.

« Inaliénable et imprescriptible »
Une fois encore, cette cession révèle les errements, après l’affaire de l’hôtel de la Marine, de la politique menée en autiste par France Domaine, l’opérateur du ministère du Budget pour les cessions immobilières de l’État. Le terrain en question est en effet stratégique pour la pérennité du domaine de Versailles. Situé entre le parc actuel et la plaine de Versailles, laquelle est classée au titre des sites depuis le 7 juillet 2000, il appartient à l’« étoile royale » de Le Nôtre, pièce maîtresse de la composition du paysagiste concepteur du domaine royal. Cette volonté d’aliénation n’est pourtant pas la première. En 1997, Maryvonne de Saint-Pulgent, alors directrice du Patrimoine au ministère de la Culture, s’était opposée avec fermeté à un premier projet de cession de terrains sur le plateau de Satory, considérant qu’ils relevaient du domaine national de Versailles, « inaliénable et imprescriptible ». L’enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que l’urbanisation progresse. Le terrain de Pion est en effet bordé par l’enceinte historique du parc, élevée en 1685, qui contient tant bien que mal l’urbanisation de Saint-Cyr-l’École. « Mais pour combien de temps encore ? », s’interroge Julien Lacaze, juriste spécialiste de l’histoire du droit du patrimoine, qui a étudié dans le détail le PLU de Versailles. « Le risque de contagion est réel, d’autant que le maire prévoit de créer sur toute la longueur des terrains de Pion une nouvelle route départementale aboutissant aux Matelots et aux Mortemets… » Ces autres terrains, qui appartiennent toujours à l’État, sont aussi concernés par le nouveau PLU.

Un moratoire
Alors que 2013 sera marquée par la célébration du quatrième centenaire de la naissance d’André Le Nôtre, grand ordonnateur du domaine, le meilleur des hommages serait donc d’obtenir un moratoire sur l’avenir des terrains du domaine historique de Versailles, plus que jamais menacé par l’urbanisation. Inspiré par les méthodes de la « grande muette », le ministère de la Culture s’est toutefois refusé à nous indiquer s’il comptait racheter ces terrains vendus il y a deux mois par… le ministère de la Défense.

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Hameau de la Reine - Château de Versailles - © photo Daderot - 2005 - Licence CC BY-SA 3.0

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : PLU de Versailles : l’État pointé du doigt

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