Restauration

Notre-Dame : le tapis de Louis-Philippe sauvé des eaux

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 13 septembre 2019 - 649 mots

PARIS

Quand l'immense tapis richement tissé inauguré sous Louis-Philippe pour Notre-Dame de Paris a été évacué quelques jours après l'incendie, la crainte du Mobilier national était un rapide pourrissement par l'eau. Mais de délicates opérations ont permis de le sauver, avant une restauration qui devra lui rendre tout son lustre.

Cette photo prise le 9 septembre 2019 montre le tapis de la cathédrale Notre-Dame en cours de rénovation exposé au siège du Mobilier National à Paris. © DP / Mobilier national
Cette photo prise le 9 septembre 2019 montre le tapis de la cathédrale Notre-Dame en cours de rénovation exposé au siège du Mobilier National à Paris.
© DP / Mobilier national

"Notre peur était qu'il pourrisse. Après l'incendie, c'était de tous côtés une course contre la montre et il y avait bien d'autres priorités. Six jours après l'incendie, soit un délai incompressible, nos équipes ont reçu l'autorisation et l'ont emmené dans nos réserves au sud de Paris", a raconté à l'AFP Hervé Lemoine, directeur du Mobilier National. Au moment de l'incendie, le 15 avril, il était confiné en deux parties de part et d'autre du choeur dans des caisses qui l'ont protégé du plomb fondu et des bois enflammés.

"Quand on l'a déroulé, notre soulagement a été grand: on pouvait le sauver, il n'avait pas commencé à pourrir" sous les tonnes d'eau projetées par les pompiers, raconte le directeur. Lors des Journées européennes du patrimoine, de vendredi à dimanche prochains, une estrade surélevée permettra aux visiteurs d'en avoir une vue d'ensemble, dans la grande salle des réserves.

La restauration de ce tapis de laine de 25 sur 7,35 mètres prendra plusieurs mois et va commencer après les Journées. Sur ce tapis tissé à la manufacture de la Savonnerie entre 1825 et 1833 d'après un carton de Jacques-Louis de la Hamayde, des cornes d'abondance, des couronnes de fleurs aux couleurs vives s'entremêlent à une croix, une mitre ou encore une crosse. Des symboles royaux, dont on distingue encore les traces noires, avaient été retirés sous la Monarchie de Juillet, changement de régime oblige.

Ici et là des auréoles d'humidité, des déchirures dans la trame, des tâches, des trous provoqués par les mites. "On fait don de cette restauration au diocèse, il était important de montrer que, dans l'effort national, une institution comme la nôtre se mobilisait pour le sauver", explique M. Lemoine.

Bouillon de culture

L'opération a été complexe : trempé, il pesait près de trois tonnes alors qu'il n'en pèse qu'une. L'eau sale avait drainé avec elle poussières, matières grasses, cendres de bois brûlé. "Enroulé, il serait un bouillon de culture, il pouvait pourrir. Une fois déroulé, il a fallu le sécher dans une gigantesque soufflerie, puis le congeler pour éviter la prolifération des moisissures. Le replier a été compliqué, il fallait le faire entrer dans un grand conteneur réfrigéré, dont la température a été abaissée progressivement à -35 degrés. Cette opération-là a duré 24 heures. Après, on l'a emmené ici", raconte le directeur du Mobilier National.

Louis XVIII l'avait commandé, Charles X mis en production en 1825. Terminé sous Louis-Philippe en 1838, il a été présenté une première fois au Louvre. Livré en 1843 à la cathédrale, il a été déployé pour le sacre de Napoléon III, puis au baptême du prince impérial en juin 1856. Il sera ensuite exposé à diverses circonstances, plutôt rarement : une visite du tzar Nicolas II, une première messe retransmise à la télévision en 1948, une visite du pape Jean Paul II...

Le tapis de Notre-Dame sera l'attraction principale pour les visiteurs pour les Journées du patrimoine. Mais une exposition parallèle, "Créer sous Louis XIV, les manufactures de la couronne" à la Galerie des Gobelins, évoquera le savoir-faire français pour la plus grande gloire du Roi Soleil.

Prestigieux mais mal connu, le Mobilier national et ses différentes annexes tentent de mieux se faire connaître : ici sont conservés, restaurés des meubles, tapisseries et tapis précieux, mais sont aussi réalisées de nouvelles créations. L'an dernier, aux Journées du patrimoine, les réserves avaient été ouvertes au public. 20 000 visiteurs étaient venus les visiter, contre 6 000 à 7 000 les années précédentes aux seuls Gobelins. Une des meilleurs scores des Journées parmi les bâtiments parisiens.

Par Jean-Louis de La Vaissière

Cet article a été publié par l'AFP le 13 septembre 2019.

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