PARIS
De nouvelles levées de fonds doivent être lancées afin d’achever la rénovation extérieure, dont fait partie la sacristie.
Paris. Au lendemain de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame en 2019, la somme promise pour sauver la cathédrale pouvait paraître démesurée, atteignant plus de 840 millions d’euros. Cinq ans plus tard, la généreuse enveloppe se révèle presque trop mince pour achever l’intégralité de la rénovation. La question d’un potentiel reliquat après travaux a pourtant animé des débats, dès 2019, lorsque certains économistes de la construction plafonnaient les besoins de la cathédrale incendiée autour de 600 millions d’euros. Diriger les dons restants vers les collectivités locales, ou vers les petits édifices cultuels ruraux, ces hypothèses alors formulées – périlleuses du point de vue de la législation du mécénat – n’ont aujourd’hui plus lieu d’être.
À l’issue de la seconde phase du chantier, il reste bien un excédent de 140 millions d’euros : une situation anticipée par l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, qui avait dimensionné de façon exacte le budget des chantiers de sécurisation (150 M€) et rénovation (550 M€). Mais cette somme a une destination toute trouvée, dans la continuité des travaux de sauvetage menés depuis cinq ans. La « phase 3 » doit reprendre les chantiers de restauration extérieure interrompus par l’incendie de 2019, parmi lesquels la consolidation urgente du chevet et de ses arcs-boutants. Lorsque le feu ravage la cathédrale, celle-ci est en effet engagée dans un long programme de restauration mené par l’architecte en chef des Monuments historiques Philippe Villeneuve. Portant essentiellement sur l’extérieur du monument, ce chantier devait en faire le tour en une dizaine d’années. En 2017, un accord-cadre liant la Fondation Notre-Dame et l’État permettait d’envisager, pour mener à bien la restauration, un financement régulier de 6 millions d’euros par an, mêlant mécénat et investissement public et laissant espérer un total de 60 millions d’euros sur dix ans. Pour boucler tout à fait ce programme, la somme globale envisagée était alors de 150 millions d’euros sur vingt ans.
Cette somme correspond désormais peu ou prou au financement d’une unique partie de la rénovation extérieure, celle de la consolidation et reconstruction des arcs-boutants du chevet ainsi que de la restauration des sculptures. Absorbant l’intégralité du reliquat de 140 millions d’euros, et programmé de 2025 à 2028, ce troisième chantier a fait l’objet de conventions particulières avec les grands donateurs de la cathédrale, qui sont les uniques financeurs de cette phase. Mais pour achever la rénovation extérieure de Notre-Dame, les organismes collecteurs devront à nouveau solliciter la générosité de leurs donateurs : « À l’échelle d’un monument historique, rien n’est jamais terminé, précise Sylvie Bretones, déléguée générale de la Fondation Notre-Dame, l’une des cinq institutions habilitées à collecter les dons pour la cathédrale. Nous allons d’ailleurs continuer à collecter en 2025, pour financer les travaux de la sacristie et du presbytère. »
Rénovée dans son intérieur, la sacristie présente sur son extérieur un état sanitaire préoccupant, que Philippe Villeneuve qualifiait de « catastrophique » avant l’incendie. Cet édifice du XIXe siècle, œuvre de Viollet-le-Duc, ne pourra toutefois pas bénéficier de la première souscription, dont le reliquat est déjà mobilisé pour le chevet de la cathédrale. Pour les organismes collecteurs (Fondation Notre-Dame, Fondation du patrimoine, Fondation de France, Centre des monuments nationaux, ainsi que l’établissement public Rebâtir Notre-Dame), le 7 décembre ne marque pas la fin du chantier, mais le début d’un nouvel appel à la générosité.
Remobiliser les donateurs constitue un défi. Si la Fondation Notre-Dame n’a eu aucune peine à réunir 358 millions d’euros dans les semaines qui ont suivi l’incendie, cela fut moins facile pour les 7 millions d’euros de sa seconde souscription, portant sur le financement des aménagements intérieurs de la cathédrale (mobilier, son, signalétique, système de réservation…). « C’était une véritable gageure de collecter pour les aménagements intérieurs, il a fallu faire de la pédagogie pour faire comprendre que la cathédrale a encore besoin de dons », rappelle Sylvie Bretones.
Pour les organismes collecteurs, la pédagogie doit également porter sur les limites à l’utilisation de la souscription : les 843 millions levés dans l’urgence de l’après-incendie ne peuvent être affectés qu’à la conservation et restauration de la cathédrale, ainsi que le prévoit la loi de souscription nationale. La création d’un nouveau reliquaire, de mobilier, de vitraux, ou la conception des divers outils d’exploitation du monument ne peuvent bénéficier de cette manne. Tout comme les abords de la cathédrale, un chantier urbain entièrement financé par la Ville de Paris.
Dans son rapport de 2022, la Cour des comptes encourageait également le retour de l’État, sous la forme de l’accord-cadre de 2017 qu’elle jugeait vertueux : l’État s’engageait alors à verser 1 euro pour chaque euro collecté par la Fondation Notre-Dame, dans la limite de 2 millions par an. Le contexte budgétaire n’est toutefois pas favorable à cette hypothèse, et il pourrait même avoir raison du projet de « musée de l’œuvre Notre-Dame », annoncé par le président de la République en décembre 2023. Le financement d’un tel musée ne peut en effet bénéficier de la souscription générale, « et il n’en a jamais été question, dans aucune de nos réunions », assure la déléguée générale de la Fondation. Malgré un rapport de préfiguration présenté au printemps devant l’Assemblée nationale par le directeur de l’Institut national du patrimoine, Charles Personnaz, et le responsable scientifique de Rebâtir Notre-Dame, Jonathan Truillet, ce lieu qui mêlerait centre d’interprétation et présentation des collections afférentes au monument n’est pas une priorité pour le ministère de la Culture. Le destin de ce musée reste également suspendu à celui de son emplacement naturel, au sein de l’hôtel-Dieu jouxtant la cathédrale, pour lequel l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris – son propriétaire actuel – n’a encore rien décidé. À nouveau, la situation pourrait être débloquée en faisant appel aux donateurs, notamment étrangers, qui se sont montrés attentifs lors de la présentation de cet hypothétique musée.
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Les chantiers de Notre-Dame qui restent à mener et à financer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°645 du 13 décembre 2024, avec le titre suivant : Les chantiers qui restent à mener et à financer