PARIS
Un an après la remise du rapport, le projet semble oublié par le ministère. Le promoteur immobilier du site se dit ouvert à la négociation.

Paris. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » : telle est la réaction de Jean-Michel Leniaud lorsqu’on lui rappelle l’annonce, le 8 décembre 2023 à l’occasion d’une visite du chantier de la cathédrale, par Emmanuel Macron, de la création d’un musée consacré à Notre-Dame de Paris. Le président de la Société des amis de Notre-Dame serait-il défaitiste ? Il est, en tout cas, refroidi par la non-publication du rapport de préfiguration du musée, pourtant remis au ministère de la Culture par ses deux auteurs en… juin 2024. « Alors on parle de faire payer l’entrée de la cathédrale, ça évite de parler de la création du musée… », cingle-t-il.
L’idée de la création de ce musée est soutenue depuis 1939 par la Société des amis, qui a cru voir son rêve se réaliser avec l’annonce du président de la République, un an avant la réouverture de la cathédrale. Plusieurs éléments militent en sa faveur : l’existence de collections (celle de la Société des amis, les vestiges archéologiques/actualites/des-fouilles-au-gout-dinacheve-175695 découverts durant le chantier) ; le succès public remporté par de grandes expositions sur la cathédrale (au Mobilier national, au Musée de Cluny et au Louvre) ; et les données massives exploitées par le chantier scientifique de Notre-Dame, piloté par le conservateur Pascal Liévaud, qui n’attendent qu’un écrin pour être mises à disposition du public.
« Cela ne doit pas être une exposition de chefs-d’œuvre, défend alors Jean-Michel Leniaud. Il faut créer un musée moderne, à la scandinave. » Ce serait l’orientation retenue par les deux rapporteurs de la mission de préfiguration, Charles Personnaz (directeur de l’Institut national du patrimoine) et Jonathan Truillet (conservateur du patrimoine détaché au sein de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame). Dans leur rapport, encore frappé du sceau de la confidentialité, les rapporteurs envisageraient un parcours artistique et historique, valorisant les métiers du patrimoine.
En dépit de ce projet mûr, le « musée Notre-Dame » doit prendre son ticket dans la longue file des promesses muséales du président de la République : musée-mémorial du terrorisme, maison du dessin de presse, Maison des mondes africains (MansA), sans compter la « Nouvelle Renaissance » du Musée du Louvre. Au ministère de la Culture, le musée de la cathédrale serait désormais en bas de cette pile de projets, la non-publication du rapport attestant d’une relégation sine die. « C’est une erreur, car il fait partie des rares projets capables de susciter une levée de fonds », estime un acteur du dossier souhaitant conserver son anonymat.
L’intérêt des grands mécènes de Notre-Dame pour la création d’un musée s’est en effet manifesté lors de la réouverture de la cathédrale et avant cela lors de la mission de préfiguration. Les donateurs américains sont particulièrement ouverts, voire proactifs, à l’idée de financer un tel équipement. En outre, selon une projection économique figurant dans le rapport, un tel établissement serait susceptible d’atteindre l’équilibre financier, profitant du flux de visiteurs important dans la cathédrale.
Deux difficultés bloquent toutefois l’avancée de ce projet, dont la première est le recrutement d’une équipe de préfiguration, dans un contexte budgétaire où chaque ministère réduit ses effectifs.
L’autre problème, à caractère foncier, pourrait se dénouer. L’implantation naturelle du musée est envisagée au sein de l’Hôtel-Dieu, donnant sur le parvis de la cathédrale. Lauréat d’un appel à projet lancé en 2019 par l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), propriétaire du site et qui entend en conserver les activités hospitalières sur une partie, le promoteur immobilier Novaxia est l’occupant des lieux pour un bail de quatre-vingts ans, avec un programme mixte mêlant commerces, incubateur d’entreprises et logements. Dans le cadre de leur mission, les rapporteurs ont entamé un dialogue avec le promoteur immobilier afin de négocier un emplacement pour le musée au sein de cette vaste emprise immobilière. Soucieux de travailler la dimension culturelle de son programme, Novaxia se montre réceptif, mais pas aux conditions initiales. Ainsi, si les premières études de programmation indiquent un équipement offrant une surface de 7 000 à 8 000 m2, ce sont aujourd’hui plutôt 5 000 mètres carrés qui sont évoqués dans les discussions entamées avec le promoteur.
L’emplacement au sein de l’Hôtel-Dieu requiert également quelques concessions, car Novaxia ne semble pas disposé à renoncer aux mètres carrés donnant sur le parvis, et sur la cathédrale, ceux-là mêmes que convoitent les architectes du projet muséal. Une solution s’esquisserait cependant, avec un accès par le parvis menant à des bâtiments situés en fond de cour.
Si ce compromis redonne de l’espoir à certains, il est rejeté par d’autres défenseurs du musée. À l’instar de Jean-Michel Leniaud, dont le projet de musée défendu depuis près d’un siècle par son association était tout autre. « C’est une solution sans ambition, on n’entre pas dans un musée par un trou à rat », juge-t-il ce projet. Mais même si cet arrangement parvenait à mettre tout le monde d’accord, resterait la question de la compensation financière destinée au promoteur Novaxia. La Rue de Valois ne pourra alors pas se dispenser de mettre la main à la poche pour que le musée Notre-Dame se concrétise.
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Le Musée Notre-Dame à l’arrêt
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : Le Musée Notre-Dame à l’arrêt







