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Le Musée des tissus doit revoir sa copie

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2022 - 1029 mots

LYON

Le grand projet de refonte du Musée des tissus porté par la Région Auvergne-Rhône-Alpes suscite la contestation de riverains. La Ville de Lyon réclame plus de concertation.

Vue d'architecte du projet de rénovation et d'agrandissement du musée des Tissus à Lyon. © Agence Rudy Ricciotti
Vue d'architecte du projet de rénovation et d'agrandissement du musée des Tissus à Lyon.
© Agence Rudy Ricciotti

Lyon. En décembre dernier, les travaux de restauration extérieure de l’hôtel de Lacroix-Laval prenaient fin, révélant une façade blanc crème, rythmée par ses garde-corps dorés à la feuille et ses gouttières toutes neuves en cuivre. Si la restauration de ce rare hôtel particulier lyonnais du XVIIIe siècle s’est faite à l’identique (pour un montant de 4 millions d’euros), le Musée des tissus qu’il abrite fera bientôt l’objet d’une extension architecturale signée par l’agence Rudy Ricciotti et tournée vers la modernité. Les perspectives de l’architecte dessinent un lien entre l’hôtel de Lacroix-Laval et l’hôtel Villeroy, le second hôtel particulier qui compose le musée, entourant ce dernier d’un bâtiment à la façade de verre.

Présenté il y a un an, le projet architectural fait l’objet, à l’instar de nombreux chantiers d’extension de musée, d’une contestation croisée de la part des riverains et des défenseurs du patrimoine. L’originalité de la situation lyonnaise tient à l’identité du maître d’ouvrage, qui n’est ici pas une commune, une métropole ou un Département, mais la Région Auvergne-Rhône-Alpes, une collectivité dont la gestion des musées n’entre traditionnellement pas dans le champ de compétences. C’est pourtant bien son président, Laurent Wauquiez, qui en 2017 a décidé de racheter les deux hôtels particuliers pour un euro symbolique à la chambre de commerce et d’industrie, laquelle ne pouvait plus assumer la charge de ce musée consulaire.

La Ville de Lyon – dirigée alors par Gérard Collomb – délaissant le dossier brûlant d’une institution aux collections reconnues internationalement et menacée pourtant de disparition, la Région avait endossé le rôle de sauveur du Musée des tissus. Quelques années plus tard, les échanges entre la Région et la nouvelle Mairie, dirigée par le maire EELV Grégory Doucet, font apparaître des points de crispation sur ce dossier. Si la municipalité estime que l’arrivée d’un porteur de projet pour le Musée des tissus est une « bonne nouvelle », le projet architectural ne répond pas aux exigences de la charte de qualité urbaine lyonnaise que la Ville entend faire appliquer à toute nouvelle construction, quels que soit son ampleur ou son maître d’ouvrage.

La solution : externaliser tout ou partie des réserves

L’adjoint à l’urbanisme de la Ville, Raphaël Michaud, relève, pour ce projet, un problème de volume et d’insertion urbaine, ainsi que de respect des objectifs de construction bioclimatique, l’une des nouvelles priorités de la charte urbaine depuis sa mise à jour en juin 2021. « La première réunion a été assez désagréable, car la Région est arrivée avec un projet qui ne respectait pas la charte, [ce qui n’est] pas acceptable d’un point de vue social et urbain, en illégalité avec le plan local d’urbanisme [PLU], détaille l’élu. L’idée était de poser un cadre dans lequel ce projet puisse se faire. » Sur la volumétrie, la Ville souhaite voir le projet initial d’une surface de 6 700 m2 diminuer de quelque 1 000 mètres carrés.

La solution la plus évidente pour y parvenir est celle d’une externalisation de tout ou partie des réserves du musée, une concession à faire par rapport à l’esprit du projet qui se veut un pôle d’excellence du tissu concentrant l’ensemble des ressources de l’institution en un seul lieu. Pour la vice-présidente de la Région chargée des questions culturelles, Sophie Rotkopf, l’option n’est pas inenvisageable : « Aujourd’hui on étudie l’impact sur le calendrier et le budget, aucune décision n’est prise, explique-t-elle. Mais effectivement, ça remet en cause tout ou partie de ce qui était prévu. »« Le fait que le musée soit aussi un lieu de recherche, ça me parle, je comprendrai la déception de la Région sur cette concession, admet Raphaël Michaud, mais ça ne rend pas la vie impossible au musée. »

Façade restaurée du Musée des Tissus. © Sylvain Pretto
Façade restaurée du Musée des Tissus.
© Sylvain Pretto
Un mur dressé devant l’immeuble mitoyen

C’est aussi sur la concertation menée avec les différentes parties que la municipalité souhaite voir le projet évoluer, la « transparence dans le processus de conception de la Ville » faisant l’objet d’une des dix priorités de la charte urbaine. Mise à l’écart lors de l’élaboration du programme et du concours architectural, sous le mandat de Gérard Collomb, la Mairie n’est toujours pas associée à la conception du projet. Et, alors que la mobilisation contre le Musée des tissus dans le quartier d’Ainay prend de l’ampleur, la prise en compte des griefs des riverains « est encore devant nous », estime Raphaël Michaud. Réunis en une association, ceux-ci craignent notamment l’impact visuel d’un mur dressé devant une trentaine de fenêtres de l’immeuble mitoyen, au 31, rue Auguste-Comte. Rudy Ricciotti assure de son côté que l’agence a « anticipé » la concertation avec les riverains, en reculant le bâtiment à 4 mètres des fenêtres mitoyennes, ainsi qu’en abaissant d’un niveau le bâtiment placé entre les deux hôtels particuliers. « Il y a clairement eu des avancées depuis les premiers ateliers préalables », concède l’élu à l’urbanisme.

La Région estime pour sa part avoir aussi œuvré à la transparence du projet, faisant valoir une réunion publique en ligne tenue en novembre 2021, ainsi qu’un questionnaire distribué aux riverains, premiers pas d’une concertation engagée. Tenu à l’écart de ces démarches, Raphaël Michaud considère pour l’heure qu’elles ne répondent pas aux exigences portées par la Mairie verte. « Il faut une concertation publique, ouverte à tous. Sur la transparence, nous ne sommes pas encore dans les clous de la charte. »

« On consulte, on réfléchit, on ne reste pas figés, rassure Sophie Rotkopf, on travaille avec la Drac [direction régionale des Affaires culturelles], l’ABF [architecte des Bâtiments de France], les services de la Ville pour avoir un permis de construire qui convienne à tous. Et ce n’est pas simple. » La Ville tend de son côté une main à la Région en engageant la modification du PLU qui rendra possible l’implantation du projet sur cette parcelle, mais attend de sa part un effort sur le plan du dialogue, « pour l’instant pas abouti ». La vice-présidente de la Région fait état de bonnes relations sur ce projet : « Il n’y pas de problème identifié avec la Ville de Lyon sur ce dossier. » Pour les deux collectivités, reste donc à s’accorder sur la définition du mot « concertation ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°581 du 21 janvier 2022, avec le titre suivant : Le Musée des tissus doit revoir sa copie

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