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Les riverains retoquent le projet de rénovation du Musée des tissus à Lyon

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 7 octobre 2022 - 801 mots

LYON

L’ambitieux projet porté par la Région Auvergne-Rhône-Alpes a été largement rejeté par les riverains. En conséquence, l’équipe de pilotage a été remaniée durant l’été, en vue d’une nouvelle proposition.

Vue d'architecte du projet de rénovation et d'agrandissement du musée des Tissus à Lyon. © Agence Rudy Ricciotti
Vue d'architecte du projet de rénovation et d'agrandissement du musée des Tissus à Lyon.
© Agence Rudy Ricciotti

Lyon. Annoncés pendant l’été, les résultats de l’enquête publique portant sur la modification du PLU-H de la métropole de Lyon ont révélé la défiance soulevée par le projet architectural du Musée des tissus. À lui seul, le point 361 de la modification – qui prévoit une exemption des règles de hauteur sur la parcelle de l’édifice, afin que le projet de l’architecte Rudy Ricciotti puisse voir le jour – a récolté 250 contributions. Des riverains y font part de leurs inquiétudes quant à la densification du bâti dans ce quartier déjà très chargé de Lyon. Entre la gare de Perrache et la place Bellecour, ce morceau de la Presqu’île lyonnaise faisait partie des îlots de chaleur particulièrement touchés par la canicule cet été.

La question du climat dans ce quartier s’invite dans les quelque deux cents contributions défavorables au projet. « Les températures s’envolent et il ne faut pas aggraver les choses », note un riverain ; un autre souligne « l’impact dommageable sur la chaleur et les flux d’air ». En janvier dernier, déjà, l’adjoint au maire chargé de l’urbanisme, Raphaël Michaud, invitait la Région Auvergne-Rhône-Alpes – porteuse du projet – à prendre en compte l’objectif climatique, l’un des dix points imposés par la nouvelle municipalité Europe Écologie-Les Verts à tous les projets de construction à Lyon.

Les riverains montent au créneau

Les réponses à l’enquête publique font aussi état de l’ampleur des conflits de voisinage, qui ont émergé peu après que la Région a montré les premières images du futur musée, fin 2021. En cause, le projet d’élévation de murs juste en face et près des fenêtres des riverains du 31, rue Auguste-Comte. Deux d’entre eux ont fait d’ailleurs irruption dans le dernier conseil du 2e arrondissement de Lyon, interpellant à ce sujet le maire et l’ancienne vice-présidente régionale déléguée à la culture, Florence Verney-Carron, élue de la majorité. Norbert Dentressangle, lui, fondateur de la multinationale du transport XPO Logistics, redoute l’impact du nouveau musée sur son hôtel particulier et son jardin voisins, dont la coûteuse rénovation a été faite dans le respect des prescriptions patrimoniales propres au quartier, inclus dans le périmètre Unesco lyonnais.

Si l’architecte Rudy Ricciotti confiait au Journal des Arts, en janvier dernier, avoir pris en compte les doléances de ces riverains, les résultats de l’enquête publique le contredisent et contraignent désormais la Région à revoir sa copie, en tenant compte de leurs remarques. Les commissaires enquêteurs ont rendu un avis négatif sur le point de modification 361, justifié par la densification, la disproportion, mais aussi le manque de concertation du projet régional. Au micro de France 3, la vice-présidente de la métropole chargée de l’urbanisme, Béatrice Vessiller, confirmait que ce point serait retiré du projet et retravaillé. La Ville et la métropole, conquise par Europe écologie-Les Verts en 2020, avaient inscrit au PLU-H ce « polygone » exemptant le musée des prescriptions habituelles, comme gage de bonne volonté envers un projet culturel majeur porté par un adversaire politique, Laurent Wauquiez, président de la Région. « On n’a sans doute pas mesuré ensemble – la Région et nous – que l’acceptabilité du projet, tel qu’il était à ce moment-là, serait aussi difficile. Mais c’est bien le but des enquêtes publiques », justifiait Béatrice Vessiller.

Remaniements stratégiques

Signe d’un dossier très politique, la cinquantaine d’avis favorables concernant le point 361 dans l’enquête publique étaient, pour la plupart, signés d’élus ou de membres du parti Les Républicains, à qui est acquise la mairie du 2e arrondissement, tout comme l’hôtel de Région. Des changements stratégiques pour remanier l’organigramme du Groupement d’intérêt public qui porte le projet – dont l’assemblée générale réunit la Région, la chambre de commerce et d’industrie lyonnaise, ainsi qu’Unitex, fédération des industriels du textile de la région – ont eu lieu tout l’été. Ainsi, sa présidence est revenue à Florence Verney-Carron – la vice-présidente chargée de la culture de la Région lorsque les premières bases du projet ont été posées, en 2018 –, à la place de Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement. Arrivée du Musée de la toile de Jouy en 2018 pour piloter le nouveau projet, la conservatrice Esclarmonde Monteil a finalement quitté le musée en juillet dernier pour rejoindre le ministère de la Culture, accompagnée de l’administrateur général, Éric Gennari, non remplacé. C’est la présidente du Musée de l’impression sur étoffes, Aziza Gril-Mariotte, qui dirige désormais le musée. Cette chercheuse en histoire de l’art dispose d’une solide expertise dans le domaine textile, et a également déjà un pied dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes : elle était responsable du parcours muséographique du Lieu de mémoire consacré aux « Justes » du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), commune dirigée de 2008 à 2020 par la mère de Laurent Wauquiez.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°596 du 7 octobre 2022, avec le titre suivant : Les riverains retoquent le projet de rénovation du Musée des tissus à Lyon

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