Église

À l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, un plan de relance qui tombe à pic

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2022 - 872 mots

ROUEN

Les études préalables lancées juste avant le premier confinement en 2020 ont permis à la ville normande de présenter en 2021 un projet de restauration mûr pour le plan de relance : une aubaine pour ce monument surdimensionné en souffrance.

L'Abbatiale Saint-Ouen de Rouen. © Frédéric Bisson, 2011
L'Abbatiale Saint-Ouen de Rouen.
© Frédéric Bisson, 2011

Rouen. Ce lundi 31 janvier, le chantier de restauration de l’abbatiale Saint-Ouen entrait dans une phase très attendue par les Rouennais, la dépose des 707 pièces de verre qui composent la rose du transept sud. La municipalité n’a pas ménagé ses efforts pour médiatiser l’événement, qui a fait l’objet d’un financement participatif et d’une vente de produits d’artisanat local à son profit. Au total, 110 000 euros ont été réunis pour la rose : une somme qui montre certes l’attachement retrouvé des habitants pour l’abbatiale, longtemps restée dans l’ombre de la cathédrale rouennaise, mais une goutte d’eau dans le budget total de cette restauration hors norme.

« Sur cet édifice, les moindres travaux coûtent très cher, à l’échelle du bâtiment », explique Charlotte Hubert, architecte en chef des Monuments historiques chargée du chantier. Un mètre plus haute que la cathédrale voisine, six de plus que Notre-Dame de Paris, l’abbatiale Saint-Ouen est l’une des églises les plus vastes de France. Un trait qui avait échappé aux Rouennais, faute de mise en valeur dans l’espace urbain. Le montant des travaux, estimé à 24 millions d’euros, devrait leur rappeler l’ampleur des lieux : la somme est comparable à celle de la restauration de l’église de la Sainte-Trinité à Paris, le chantier patrimonial phare de la mandature actuelle dans la capitale.

Un archétype du gothique

Avec l’église parisienne, Saint-Ouen partage également des pathologies propres aux constructions du XIXe siècle, dont l’érosion des pierres est favorisée par les joints en ciment. La restauration du massif occidental de l’abbatiale, élevé en 1852, formera la deuxième phase du chantier, la plus coûteuse. Auparavant, le chantier s’attache à prendre soin de l’édifice archétypal du gothique rayonnant qui se cache derrière cette façade néogothique. « C’est un poncif de l’architecture rayonnante, souligne Charlotte Hubert. Un édifice très unitaire où le projet initial de 1319 a été respecté jusqu’à l’achèvement des travaux au XVIe siècle. »

La remarquable charpente, qui avait pour équivalent seulement celle disparue de Notre-Dame, doit être reprise sur une partie du transept sud, où les sablières « tenaient par la grâce de Dieu ». Le clos et le couvert de ce transept ainsi que la couverture de la tour couronnée relèvent également de la première phase du chantier. L’état de dégradation du portail des marmousets, sur le transept nord, avait quant à lui déclenché le diagnostic de l’édifice en 2019. Ses sculptures raffinées seront également restaurées, et font considérablement grimper la facture : 5 millions d’euros pour préserver ce bijou du gothique rayonnant et ses clefs de voûte pendantes. À cela il faut enfin ajouter une surface de vitraux avoisinant les 5 000 mètres carrés, restaurés dans l’atelier spécialisé de Flavie Vincent-Petit à Troyes.

Le plan de relance a permis le lancement de ce chantier, aux dimensions de l’édifice mais dépassant largement celles du budget d’une ville moyenne. Le projet de restauration a bénéficié d’un calendrier favorable, son diagnostic préalable ayant été achevé peu après le premier confinement, en 2020, ce qui a permis à la municipalité de soumettre sa candidature très tôt : le plan de relance exige que les crédits soient dépensés en 2021 et 2022, et n’est donc ouvert qu’aux chantiers entamés, ou prêts à l’être. Au total, l’État et le ministère de la Culture engagent 10 millions d’euros sur l’abbatiale, une des dotations les plus importantes du soutien apporté au patrimoine dans le cadre du plan de relance. Région, Département et Ville complètent le tour de table de ce chantier qui devrait être livré dès 2024.

Restauration d’un office de tourisme avec vue 

Renaissance. Même si vous n’êtes jamais rentré dans l’office du tourisme de Rouen, vous connaissez la vue sur laquelle donnent les fenêtres de son salon de réception. C’est depuis ces larges baies que Monet a réalisé onze toiles de la série des « Cathédrales de Rouen ». L’accès à ce temporaire mais illustre atelier du peintre impressionniste est une demande régulière de la part des touristes étrangers, américains et japonais. Les travaux de rénovation du bâtiment envisagés par la mairie en ouvriront donc les portes aux visiteurs.Ce chantier ne mettra pas seulement en valeur l’un des plus beaux points de vue sur la cathédrale : il restaurera également l’édifice Renaissance qui abrite l’office de tourisme, éclipsé par sa monumentale voisine. Cet ancien bureau des finances, exemple de l’adaptation du gothique italien dans l’architecture civile, requiert un nettoyage en profondeur de sa façade. En partie détruit par les bombardements alliés de 1944, le bâtiment du début du XVIe siècle a perdu ses précieux décors, mais conserve sa façade originale ainsi qu’une partie de son pavement sur cour d’époque : les deux éléments sont classés depuis 1926. Les pavés Renaissance seront recouverts d’un plancher de verre, pour permettre la circulation tout en les préservant. La rénovation du lieu comporte également l’installation d’une salle d’« introduction à la destination », qui donnera des repères historiques et géographiques aux touristes. La première phase de ces travaux, estimés au total à 4,5 millions d’euros, devrait être terminée en 2023, année de la huitième Armada de Rouen.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°583 du 18 février 2022, avec le titre suivant : À l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, un plan de relance qui tombe à pic

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