L’INP et l’INET forment les conservateurs territoriaux aux postes de direction en leur apportant les bases du management et de la gestion. Leur savoir-faire s’acquiert cependant par des stages et des premières expériences.

France. Monter un budget, diriger une équipe, négocier avec des élus et répondre à la presse, voilà autant de facettes d’un poste de directeur de musée qui dépasse la simple conservation des collections. Pour les conservateurs territoriaux formés à l’Institut national du patrimoine (INP), c’est un bagage à acquérir, par la théorie et la pratique, pour se projeter dans un poste à responsabilité… et ce, le plus tôt possible. Car les collectivités se tournent de plus en plus vers des profils de conservateurs pour professionnaliser leurs structures muséales, et jettent souvent leur dévolu sur de jeunes diplômés : « Après avoir réussi le concours, on se rend compte que la majorité des postes disponibles sont des directions, et on se projette dans cette perspective-là », fait savoir Rémi de Raphélis, directeur des musées de Boulogne-Billancourt.
Au sein de l’INP, cette problématique concerne essentiellement les futurs conservateurs territoriaux. Les élèves formés pour les musées d’État ne sont, généralement, confrontés à des postes à responsabilité managériale que bien plus tard dans leur carrière. « Nous sommes uniques dans la fonction publique, car nous sommes le seul cadre d’emploi qui forme conjointement les hauts fonctionnaires de l’État et ceux des collectivités territoriales, note Charles Personnaz, directeur de l’INP. Le socle du métier est le même, mais nous tenons compte des différences d’exercice du métier entre les deux filières, notamment pour que les territoriaux puissent acquérir cette culture des collectivités locales. »
Les conservateurs territoriaux sont formés en alternance à l’INP et à l’Institut national des études territoriales (INET), dont le campus est à Strasbourg. Au rythme d’une semaine par mois, ils sont confrontés aux problématiques spécifiques des postes qui les attendent en collectivité. Une formation plébiscitée par les élèves, à l’image de Juliette Chevée, diplômée en 2022 et aujourd’hui directrice du Musée Bartholdi de Colmar : « Je vois la formation à l’INET vraiment comme un plus par rapport au parcours des conservateurs de l’État. On y rencontre d’autres filières, ingénieurs culturels, bibliothécaires, administrateurs. On sort un peu de l’entre-soi culturel. C’est aussi un parcours qui nous amène à réfléchir à notre métier : dans la territoriale, on est confronté au “reste du monde”, au politique, au sens du service public. »
Plutôt qu’un enseignement théorique, la formation de l’INET repose beaucoup sur le retour d’expérience pour mettre en situation les futurs conservateurs-managers. « C’est là où cette formation est efficace. Elle prend en compte le fait qu’il y a des élèves issus de concours externes et internes à la fonction publique, ce qui permet de valoriser le retour d’expérience de ces derniers sous la forme d’ateliers, d’échange de bonnes pratiques », poursuit la directrice du Musée Bartholdi. « On y est sensibilisé au management et à la psychologie des équipes, aux sanctions et leur mise en application, énumère Fanny Girard, directrice du Musée Toulouse-Lautrec. À l’INP aussi, nous avions des modules sur la construction d’un budget, mais aussi sur la prise de parole et la communication. »
Pour ces aspirants directeurs, parfois dénués d’une première expérience professionnelle, la question du management d’une équipe est certainement celle qui suscite le plus d’interrogation, et d’appréhension. « Mais ce n’est pas quelque chose qui s’apprend en 100 heures de cours, estime Jean-Roch Dumont Saint Priest, directeur du Musée de Céret. On peut apprendre à réagir à des situations, mais il faut continuer à se former tout au long de son parcours. » « Ça reste de la théorie, abonde Manon Lecaplain, directrice du Musée de Poitiers, même si c’est une formation de qualité, ce n’est pas la même chose que de voir les situations en cours, assis sur une chaise, que de les expérimenter en vrai. »

Avant de prendre leur premier poste, les élèves de l’INP ont l’occasion de se jeter dans le grand bain lors d’un stage de spécialité, souvent auprès du directeur d’un établissement. « Le statut de stagiaire permet d’aller à la rencontre de tout le monde, de sympathiser avec les agents les moins hauts dans la hiérarchie, et de comprendre les dynamiques, ce qui est reproché aux directeurs, les plaintes des agents techniques, administratifs », explique Rémi de Raphélis. Le directeur de l’INP défend également ce modèle d’aller-retour entre la théorie et la pratique. « Je vois des jeunes conservateurs qui ne se sentent pas prêts pour embrasser une fonction de direction en entrant à l’INP. Le stage de spécialité est souvent le déclencheur, qui leur permet de se sentir armés, légitimes et de franchir le pas », souligne-t-il.
Ce pan gestionnaire et managérial du métier est testé dès le concours, lors des oraux, où l’INET met l’accent sur la réalité d’une fonction de directeur à travers des mises en situation. La filière État étant la plus prestigieuse, la territoriale reste souvent un second choix, dont les enjeux doivent être intégrés rapidement par les élèves : « L’INET est attaché à nous préparer à cela, même si on choisit la territoriale par défaut, estime Juliette Chevée. À l’INP, la formation est parfois un peu trop “État”, les cours étant dispensés surtout par des conservateurs de musées nationaux. »
Pour préparer au mieux les conservateurs à devenir directeurs, l’INP a ouvert il y a peu une formation continue d’une vingtaine de jours dédiée à la prise en main d’un poste de direction. « On a senti un besoin, l’exercice de ces métiers de direction est exigeant. Il y a quelques années, certains postes se sont retrouvés avec très peu de candidats, les fiches de postes étaient si exigeantes que les gens hésitaient à postuler », retrace Charles Personnaz. Une occasion de renforcement de compétences qui est saisie par des anciens élèves en poste de direction depuis quelques années.
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La formation au management des futurs directeurs de musée
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : La formation au management des futurs directeurs de musée







