Mexique - Fondation

Jumex sous le feu des projecteurs

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 10 décembre 2013 - 713 mots

Avec l’ouverture de son musée, la Fondation Jumex se dote d’un outil à la hauteur de sa réputation aujourd’hui internationale.

Le bâtiment du Museo Jumex, Mexico. © Photo : René Castelán / Fudación Jumex.
Le Museo Jumex à Mexico.
© René Castelán / Fudación Jumex

MEXICO - Bien que le Mexique soit déjà fort bien pourvu en musées et institutions culturelles, l’ouverture du « Museo Jumex » n’est pas passée inaperçue. Cela s’explique en partie par la personnalité flamboyante de son bailleur de fonds, Eugenio López Alonso, héritier de l’empire des jus de fruits Jumex, qui depuis une quinzaine d’années affole la planète arty en achetant massivement. Sa collection compte aujourd’hui 2 700 œuvres, dont un bon tiers sont signées d’artistes mexicains qu’il a contribué à faire connaître en organisant des expositions partout dans le monde. Concomitant à l’émergence de nouvelles générations de galeries, son engagement eut pour effet de placer Mexico sur la carte des destinations de l’art contemporain.

En s’installant dans le quartier de Polanco, certes dénué de charme car envahi de centres commerciaux et immeubles de bureaux, Eugenio López Alonso donne à sa fondation une localisation centrale et bien plus accessible que l’espace situé à Ecatepec, dans la banlieue nord de la ville, à côté des usines de production – un espace qui continuera pourtant à accueillir des présentations.

Pour un coût global – hors acquisition du terrain – qui tournerait autour de 40 millions de dollars (29,5 millions d’euros), l’architecte britannique David Chipperfield a conçu, sur une parcelle de 2 500 mètres carrés, un édifice adoptant un profil en pignons d’une belle et discrète élégance, et s’élevant sur trois niveaux au-dessus du sol. Deux d’entre eux, totalisant 1 600 mètres carrés de surface, sont réservés aux expositions. Entièrement recouvert de plaques de travertin de Veracruz, l’immeuble contraste avec l’ostentation prétentieuse du Museo Soumaya voisin et sa façade en miroirs, inauguré en 2011 pour abriter la collection de la première fortune mondiale, Carlos Slim Helú.

À l’intérieur, c’est peu dire que tous les espaces ont été mis à contribution. Au sous-sol, qui abrite une librairie, un sol fait de 84 bandes de marbres de coloris tous différents se révèle être une œuvre de Martin Creed jamais montrée depuis son acquisition et installée là de manière pérenne. Même le parking s’est vu coloniser par l’art contemporain, via la proposition de Patricia Marshall, l’une des conseillères d’Eugenio López. Assez bien jouée au vu de la nature peu commode de l’espace, « Confusion in the Vault » regroupe des travaux de Mike Kelley, Richard Jackson, Thomas Glassford, Iñaki Bonillas ou Tobias Rehberger ; dans une ambiance presque onirique, elle laisse dériver le visiteur un peu perdu dans un monde hésitant entre ordre et chaos.

Accrochages historiques
Les festivités inaugurales ont été l’occasion de constater quel type de programmation plurielle sera proposé par le musée : des accrochages de la collection bien entendu, mais aussi des expositions plus historiques, comme celle consacrée, au deuxième étage, à James Lee Byars, réalisée en coproduction avec le MoMA PS1 et orchestrée par Magali Arriola et Peter Eleey. S’il est très documenté, révélant notamment de nombreux documents et de la correspondance, l’ensemble reste cependant un peu sec.

La déception est venue de l’exposition imaginée par Patrick Charpenel, le directeur de la fondation, au troisième et dernier niveau de l’édifice, dans une salle culminant à 9 mètres au point le plus haut, où remarquable est le traitement de la lumière tant artificielle que naturelle. « A Place in Two Dimensions », qui réunit les travaux d’une cinquantaine d’artistes, ressemble plus à un lâcher de ballons qu’à la réflexion attendue sur ce qu’est cette collection aujourd’hui, ses chefs-d’œuvre ou ses chemins de traverse. Jouant en divers emplacements avec les lieux, des œuvres en fils de laine de Fred Sandback ne viennent pas masquer le fait que l’accrochage, bien trop approximatif par endroits, manque de coffre. Les noms – Robert Gober, Tatiana Trouvé, John McCracken, Francis Alÿs, Jorge Méndez Blake, Carol Bove, Abraham Cruzvillegas… – s’enchaînent mais se parlent peu.

Avec les attentes qu’il a fait naître et la manière dont il renforce encore l’attractivité du Mexique sur la scène internationale, le Museo Jumex s’impose déjà comme un acteur incontournable dont les prochaines expositions seront immanquablement scrutées avec gourmandise et attention.

MUSEO JUMEX,

Miguel de Cervantes Saavedra 333, Colonia Ampliación Granada, Mexico, tél. 52 55 5395 2615, www.fundacionjumex.org, tlj sauf lundi 11h-20h, samedi 10h-20h, dimanche 10h-19h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°403 du 13 décembre 2013, avec le titre suivant : Jumex sous le feu des projecteurs

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