Conflits internationaux - Patrimoine

BANDE DE GAZA

Gaza, que reste-t-il de son patrimoine ?

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 21 octobre 2025 - 524 mots

Alors qu’un espoir se lève enfin dans l’enclave palestinienne, il est à craindre que ses sites historiques soient une victime collatérale des destructions.

État des destructions à Gaza City en octobre 2023, durant le conflit contre Israël. © WAFA, CC BY-SA 3.0
État des destructions à Gaza City en octobre 2023, durant le conflit contre Israël.
Photo WAFA

Palestine. Le 13 octobre dernier, le Hamas a libéré les derniers otages vivants et l’armée israélienne a entamé son retrait partiel de la bande de Gaza (mais elle contrôle encore plus de 50 % de l’enclave). Après deux ans de bombardements indiscriminés, et entre 60 000 et 100 000 morts selon le Hamas, l’ampleur des destructions à Gaza est immense. D’après une estimation de l’Université hébraïque reprise dans le journal Haaretz à l’été 2025, entre 70 et 80 % des bâtiments de la bande de Gaza auraient été entièrement détruits depuis octobre 2023, y compris des bâtiments historiques et des lieux de culte. Les Nations unies estiment qu’il faudrait au moins quinze ans pour évacuer les gravats et reconstruire, pour un coût de 30 milliards de dollars.

Au milieu des ruines, que reste-t-il du riche patrimoine de Gaza ? Une des particularités du sous-sol de Gaza est la superposition de couches archéologiques sur plusieurs mètres en milieu urbain, avec un effet de « mille-feuille » stratigraphique comme le précise le père Jean-Baptiste Humbert, archéologue de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (EBAF). Plusieurs sites ont été occupés du Néolithique jusqu’à aujourd’hui, en passant par les périodes hellénistique, romaine, byzantine, arabe et ottomane. Gaza compte les premiers monastères chrétiens du Proche-Orient, dont le monastère Saint-Hilarion (Ve-VIe siècles) inscrit sur la liste du patrimoine mondial en danger en juillet 2024, ainsi que de nombreuses mosaïques romaines et byzantines aux décors exceptionnels. Il faut également signaler la forte densité de sanctuaires et nécropoles antiques sur l’ensemble du territoire.

Sol en mosaïque à l'intérieur du Monastère de Saint Hilarion, dans la bande de Gaza, photographié en 2022. © Unesco Ramallah Office
Sol en mosaïque à l'intérieur du Monastère de Saint Hilarion, dans la bande de Gaza, photographié en 2022.
© Unesco Ramallah Office
Des vestiges révélés

Peu fouillés jusqu’aux années 1990, ces sites ont été étudiés progressivement, malgré les difficultés structurelles. Le père Jean-Baptiste Humbert signale ainsi que l’activité de construction des années 1990 et 2000 a révélé de nombreux sites par hasard. En parallèle, l’extension des camps de réfugiés et la forte croissance démographique ont constamment grignoté les abords des sites archéologiques déjà connus. Depuis qu’il a pris le pouvoir à Gaza en 2005, le Hamas n’a pas montré d’intérêt pour la sauvegarde du patrimoine, sans s’y montrer non plus hostile. À partir d’octobre 2023, plusieurs sites ont été touchés par les bombardements, malgré les signalements des archéologues et le monitoring par satellite de l’Unesco. Peu d’informations récentes ont filtré. La dernière en date, fin septembre, concerne l’entrepôt que loue l’EBAF à Gaza pour y stocker les pièces archéologiques de ses fouilles. Menacé de destruction imminente par l’armée israélienne, le dépôt a été évacué en urgence vers un lieu resté confidentiel. D’après les archéologues palestiniens, parmi les sites partiellement détruits en 2024 se trouvent le port grec antique d’Anthédon, le monastère Saint Hilarion, l’église Saint-Porphyre et plusieurs mosquées médiévales ou ottomanes. Des centaines de bâtiments historiques ottomans classés ont également été détruits dans les centres urbains, parfois avec des bulldozers, et les rares musées de Gaza ont été pillés ou détruits. Si les deux parties respectent la feuille de route, l’accès à Gaza devrait être autorisé prochainement aux médias et aux ONG, ce qui permettra un état des lieux plus précis.

Fouilles archéologiques au Monastère de Saint Hilarion, dans la bande de Gaza, en mars 2023. © Rizek Abdeljawad, CC BY-SA 4.0
Fouilles archéologiques au Monastère de Saint Hilarion, dans la bande de Gaza, en mars 2023.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : Gaza, que reste-t-il de son patrimoine ?

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