La réglementation liée à la pratique de la détection de loisir est imprécise, ouvrant la voie à des interprétations divergentes et entraînant des dommages sur le patrimoine archéologique.

France. Il n’est pas rare de croiser un promeneur qui arpente une plage ou un champ muni d’un détecteur de métaux. De plus en plus répandue, la détection pratiquée en tant que loisir divise. Alors que certains conçoivent l’activité comme ludique et inoffensive lorsqu’elle est exercée de bonne foi, d’autres s’inquiètent des possibles dommages archéologiques qu’elle causerait.
Mais qu’en est-il au regard de la loi ? Un amateur a-t-il le droit d’utiliser un détecteur de métaux ? En France, un seul texte législatif réglemente son usage : l’article L. 542-1, inscrit dans le code du patrimoine depuis 2016 et issu d’une loi de 1989 qui stipule que « nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative ». Seule son utilisation à vocation archéologique est donc encadrée, rien ne mentionne explicitement la détection de loisir. « Puisque la loi ne l’interdit pas expressément, elle est donc réglementairement autorisée », soutient Me Antoine Béguin, avocat au barreau d’Angers. Il est ainsi autorisé d’acheter un détecteur, de l’utiliser, mais pas pour des recherches archéologiques sans accord préalable. C’est là que le bât blesse puisque pour certains, utiliser un détecteur équivaut, implicitement, à faire de la recherche. Un argument que Marc Méreaux, président de la Fédération française de détection de métaux (FFDM), réfute catégoriquement : « Lorsqu’on utilise un détecteur pour le loisir, ce n’est pas pour faire de la recherche. On prend l’air, on retrouve des objets perdus, on dépollue. »
Il est toutefois fréquent qu’un utilisateur de détecteur de métaux (UDM), même animé de bonnes intentions, trouve un objet ancien. Advient alors un autre point d’achoppement : la définition d’un bien ayant un intérêt historique ou archéologique. Car là aussi le flou règne, l’article L. 542-1 ne le précisant pas. Généralement, on accepte la définition adoptée dans une circulaire du ministère de la Justice de 2017, qui y regroupe « tout objet datant d’avant 1875 ou afférant aux deux conflits mondiaux ». L’acception est large, incluant aussi bien la pointe de flèche néolithique que la plaque d’identité d’un soldat de la Seconde Guerre mondiale. « C’est absurde, estime Marc Méreaux. On peut être poursuivi pour avoir déterré une pièce en cuivre de Napoléon III, alors qu’on en trouve des millions d’exemplaires partout. »
Ce manque de cadre légal laisse la porte ouverte aux interprétations. « C’est un flou juridique qui est entretenu, puisqu’il n’est pas possible d’empêcher la détection, affirme Me Antoine Béguin. Il y a d’un côté la position des prospecteurs, de l’autre celle d’archéologues, et les deux sont quasi inconciliables depuis plus de trente ans.» De fait, de nombreux historiens et archéologues s’alarment des répercussions d’une telle pratique, arguant que tout site recèle potentiellement des richesses archéologiques. Ainsi, même si certaines zones sont interdites à la détection – les sites archéologiques répertoriés, sites classés ou inscrits, parcs nationaux, propriétés militaires… –, le fait même de détecter comporterait des risques inhérents. Sans méthode scientifique, l’objet trouvé pourrait être détérioré voire détruit, tout en étant isolé de son contexte archéologique. Son extraction perfore également la stratigraphie du terrain, riche en données. Une position soutenue par le ministère de la Culture, qui reconfirmait en novembre 2024 (dans une réponse à la question écrite d’un parlementaire) qu’au nom de « la protection du patrimoine archéologique » notamment, « la modification ou l’assouplissement de la législation en vigueur visant à inscrire une distinction entre la détection archéologique et la recherche récréative […] n’est pas envisageable ».
En pratique, la situation est complexe. Si un détectoriste trouve un objet archéologique, il doit obligatoirement le déclarer à la mairie ou à la Drac (direction régionale des Affaires culturelles), conformément à l’article L. 531-14. Or, il s’expose ce faisant à des poursuites. Selon Me Antoine Béguin, « même si ce n’est pas ce que dit la loi, les autorités ont conclu qu’il fallait, à chaque fois, une autorisation administrative pour utiliser un détecteur de métaux ». L’objet est d’abord saisi pour une étude menée par les services archéologiques, à la suite de quoi peut avoir lieu une perquisition au domicile du détectoriste. Évidemment, plus l’objet trouvé est intéressant sur le plan archéologique, plus les répercussions seront importantes. La personne encourt une convocation devant le tribunal correctionnel, avec à la clé une amende (souvent de l’ordre de quelques centaines d’euros) et la confiscation de son matériel (sachant que le prix d’un détecteur varie entre 200 et 2 000 euros en moyenne). « La plupart des gens vont donc choisir de ne pas déclarer l’objet ou d’omettre le fait qu’il ait été trouvé avec un détecteur », conclut l’avocat. Ces affaires, traitées au cas par cas, dépendent aussi de la sensibilité des conservateurs régionaux, des préfets ou des procureurs. Certaines régions – à l’instar de la Provence-Alpes-Côte d’Azur – vont condamner plus sévèrement que d’autres la détection de métaux.
Ce manque d’équité dans l’application de la loi se ressent à l’échelle nationale, mais aussi plus largement en Europe. Car si certains pays comme l’Italie ou l’Espagne adoptent une position semblable à celle de la France vis-à-vis de la détection de loisir, d’autres n’ont pas la même approche. Dans plusieurs pays du Nord et plus récemment en Région flamande de Belgique, par exemple, la législation est bien plus tolérante : s’il veut récupérer l’objet, l’État offre une compensation financière aux UDM, sur le modèle du « Treasure Act » anglais. Les trouvailles s’y sont multipliées : en 2021, vingt-deux objets en or ont été découverts par un amateur au Danemark (aujourd’hui conservés aux musées de Vejle), puis en 2023, c’est un Norvégien qui a trouvé de rares bijoux d’or datant d’environ 500 apr. J.-C. Inévitablement, ce modèle plus permissif fait lui aussi débat : si certains saluent les bénéfices d’une collaboration entre scientifiques et amateurs, d’autres s’inquiètent d’une augmentation des dégradations patrimoniales.
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Détection de métaux : le grand flou juridique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°647 du 17 janvier 2025, avec le titre suivant : Détection de métaux : le grand flou juridique