Le château du XVIIe siècle dans les Yvelines a terminé les travaux d’aménagement de son jardin à la française.

Dampierre (78). À quelques jours de « l’inauguration » des nouveaux aménagements du parc du château de Dampierre dans les Yvelines, les travaux vont encore bon train. En vérité tout va très vite à Dampierre depuis que « Franky » Mulliez, le propriétaire de Kiloutou, a racheté le château en 2018 à la famille de Luynes qui le possédait depuis 350 ans et n’avait plus les moyens de l’entretenir. Dès 2019, il a rouvert les portes du parc, puis aménagé en 2024 un parking, un bâtiment d’accueil et une boutique pour le public.
Restaurer le jardin à la française, dans le parterre sud du château, faisait partie de ses priorités. Le Nôtre ou Jules Hardouin-Mansart ? Les spécialistes ne sont pas d’accord sur l’auteur des jardins. Christophe Bottineau, l’architecte en chef des monuments historiques qui suit les travaux, penche pour Hardouin-Mansart qui a construit le château. Quel que soit le nom du jardinier, celui-ci a su habilement exploiter la topographie des lieux : le château est situé dans un vallon traversé par une rivière et bordé de deux coteaux. Il a conçu une double perspective – nord/sud entre les deux coteaux et est/ouest le long de l’étang –, jouant des dénivelés pour créer des points de vue différents en fonction de l’endroit où l’on se trouve.
Avec le temps ne subsistait plus qu’un grand bassin, dit de la Belle Hélène. L’architecte a reconstitué les sept autres bassins agrémentés de jets d’eau et dessiné de nouvelles allées bordées de topiaires d’ifs et de charmilles. En revanche pas de haies de buis, et ce pour une question de coût, et surtout de maladies car à moins d’être traités régulièrement les buis sont tous malades en Île-de-France. La statue d’Hélène de Troie qui surplombe le bassin principal a dû être entièrement reconstruite, l’original était dans un piteux état, selon Séverin des Mazery, le directeur du domaine, qui explique que les Allemands qui résidaient dans le château pendant l’Occupation avaient pris l’habitude de tirer sur le groupe sculpté.
L’autre grande nouveauté pour ceux qui sont déjà venus dans le parc est la restauration du pavillon sur l’île au bout de l’étang, unique vestige d’un ensemble de pavillons du XVIIIe siècle. L’île ayant quasiment disparu avec l’envasement progressif de l’étang, il est possible d’y aller à pied. Le directeur aime à dire que Marie Leszczynska, Louis XV et Marie-Antoinette y sont venus. Versailles est à trois heures de carrosse de Dampierre.
Les nouveaux visiteurs peuvent surtout faire le tour du château et des communs, et en particulier arpenter les trois cours restaurées au nord. Le bâtiment principal a lui aussi été rénové dans des délais records. En moins de quatre ans – Covid compris ! – , un échafaudage gigantesque et un parapluie de protection de la charpente ont été mis en place, celle-ci et la toiture restaurées, les pierres du soubassement et des murs des douves reprises et nettoyées, les huisseries restaurées (230 portes et fenêtres) ainsi que les briques de la façade. Sans compter tous les réseaux qui ont dû être mis aux normes. Rachida Dati qui était venue en avril 2024 inaugurer la pose de la grille d’honneur avait en quelque sorte marqué de sa présence la fin des travaux extérieurs du logis principal. C’est à cette occasion qu’elle avait prononcé sa fameuse phrase : « Il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir… »
Les visiteurs ne pourront cependant pas entrer dans le château et ce, pas avant plusieurs années. Séverin des Mazery hésite à donner une date. Dans le hall d’accueil, un panneau indique 2026, lui parle plutôt de 2027. Tout reste à faire : restaurer les planchers et les décors intérieurs qui datent pour la plupart du XIXe siècle (dont le grand tableau mural inachevé d’Ingres), aménager les espaces pour exposer la collection d’art décoratif de la Renaissance au XIXe siècle de Franky Mulliez, et surtout trouver le financement.
Car après avoir dépensé une centaine de millions pour l’acquisition et les premiers travaux, il faut dépenser au moins 60 millions de plus pour restaurer l’intérieur du bâtiment principal, le clos et le couvert des deux ailes dont l’état très dégradé donne une bonne idée de l’état du logis principal, les communs qui s’étendent de part et d’autre… Le fondateur de Kiloutou n’est plus très désireux de continuer à financer de sa poche les travaux à venir ni même l’exploitation du site. Car avec environ quarante mille visiteurs payants par an (10 € pour les adultes), les recettes de la billetterie et des options (boutiques, cafétéria, promenades en calèche) ne permettent pas de couvrir les coûts d’entretien. Déjà le propriétaire a mis au rancart son projet de potager botanique et d’école d’attelage qu’il évoquait en 2019 lors d’une visite sur le site. Le magazine Challenges estime sa fortune à 330 millions d’euros, moins ce qu’il a déjà dépensé. Si tous ces chiffres sont toujours à user avec précaution, les ordres de grandeur sont éloquents. Et contrairement au reste de la famille Mulliez qui a mis en commun son patrimoine, Franky est resté en marge. Compte tenu de l’état des finances publiques, on ne voit pas comment l’État va apporter en subvention les dizaines de millions qui manquent. La physionomie du domaine en juin 2025 risque de perdurer pendant de nombreuses années.
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Dampierre ouvre en grand son domaine mais pas encore son château
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Dampierre ouvre en grand son domaine mais pas encore son château