Musée

Céret retrouve son musée

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 15 avril 2022 - 928 mots

CÉRET

La « Mecque du cubisme », ainsi qu’est surnommée la ville, attendait avec impatience la réouverture du musée qui, aujourd’hui agrandi, peut mieux raconter son histoire picturale.

Musée d’art moderne de Céret avec l'extension réalisée par Pierre-Louis Faloci. © Manolo Mylonas
Musée d’art moderne de Céret avec l'extension réalisée par Pierre-Louis Faloci.
© Manolo Mylonas

Céret (Pyrénées-Orientales). Rares sont les musées à faire office à ce point de locomotive pour toute une ville. Le Musée d’art moderne de Céret est de ceux-là. Il vient de rouvrir après un peu plus de deux ans de travaux, au grand soulagement des commerçants qui en ont été privés pendant deux étés. Céret est un charmant village de 7 000 habitants situé entre les Pyrénées et la Méditerranée, accueillant de nombreux touristes en saison attirés par la localité et son musée. Et lorsque l’exposition estivale comprend des noms connus, la fréquentation peut facilement dépasser 70 000 visiteurs.

C’est d’ailleurs en raison de son succès que se posait depuis longtemps la question de son agrandissement. Créé en 1950 dans un ancien couvent devenu un poste de gendarmerie, le musée a pris son envol avec une première extension en 1993. « Les expositions temporaires prenant de l’ampleur, il fallait à chaque fois leur faire de la place au détriment des salles d’exposition permanente », explique la directrice, Nathalie Gallissot. Or le musée détient une collection à nulle autre pareille : des œuvres d’art moderne en résonance avec l’histoire de la ville car réalisées en grande partie à Céret même. Une histoire qui démarre en 1911, lorsque Picasso, rejoint par Braque, vient à Céret, à un moment où le cubisme, dans une phase critique, s’éloigne de plus en plus de la réalité. Picasso revient seul dans le village en 1912 et 1913.

Céret, une colonie d’artistes

À sa suite, de nombreux artistes séjournent à Céret et peignent le village et les montagnes environnantes : Soutine, Pinkus Krémègne, Chagall, André Masson, Maurice Loutreuil, Auguste Herbin, Juan Gris, Raoul Dufy, Jean Dubuffet… Pierre Brune et Frank Burty Haviland, tous deux peintres, accueillent ces artistes chez eux, leur achètent des œuvres et en font don plus tard au musée qu’ils créent. L’ironie de l’histoire est que le musée ne détient aucun tableau cubiste de Braque et Picasso. Ce dernier, à la générosité toujours calculée, fait cependant don à son ami Pierre Brune dans les années 1950, pour le musée, d’un ensemble de coupelles ornées de scènes tauromachiques réalisées à Vallauris.

Un parcours permanent judicieux

C’est cette histoire que l’extension du musée et l’agrandissement des salles permanentes permettent de raconter dans une scénographie astucieuse (des cimaises en épi pour mettre en valeur les œuvres phares dans les premières salles) et classiquement chronologique. Un prêt de la succession Picasso a permis, finalement, d’offrir aux visiteurs un témoignage de la période cubiste du peintre à Céret. De même, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme a prêté un paysage de Céret peint par Soutine : le musée en est dépourvu alors que Soutine a peint plus de 200 paysages. Le parcours se termine par l’évocation du séjour de Dalí à Céret en 1965, venu en voisin et accueilli littéralement comme un roi.

L’aventure artistique ne s’est pas arrêtée avec l’école de Paris. Séduits par les lieux et l’esprit de leurs aînés qui y plane encore, de nombreux artistes contemporains sont venus y travailler ou y exposer. De nouvelles salles construites au dernier étage couvrent la période des années 1970 à aujourd’hui avec des œuvres d’Antoni Tàpies, Claude Viallat, Vincent Bioulès, Miquel Barceló…, le tout dans une ambiance très lumineuse. Là aussi, l’ensemble ne prétend pas être représentatif de l’art contemporain, mais il offre, par le grand nombre d’artistes venus à Céret et la diversité de leurs productions, une sélection cohérente et solide – effectuée par l’artiste Alain Clément.

L’extension d’une surface de 1 300 m², signée Pierre-Louis Faloci (architecte des musées de Bibracte, de Valmy…), a dû composer avec les contraintes urbanistiques et les particularités locales. Si le musée a pu récupérer du foncier attenant, une partie de ce foncier est occupée par une supérette. La solution la plus logique eût été de déplacer le magasin, mais « c’était difficile, plaide Nathalie Gallissot, c’est le seul magasin d’alimentation dans le centre ». Aussi, dans un compromis qui oublie l’esthétique, l’extension rejoint la ruelle en se plaçant au-dessus de la supérette. La grande façade aveugle du musée voisine ainsi avec un Intermarché et même les locaux de la police municipale (lesquels doivent être prochainement déplacés).

Le coût global des travaux de 7,5 millions d’euros (HT) a été financé par toutes les collectivités locales et l’État. Le bâtiment appartient à la Ville, qui le met à disposition du musée sous un statut d’établissement public à caractère commercial. Ce statut sied bien à un lieu qui, avec un budget de 2,4 millions d’euros, ne peut pas fonctionner avec les seules subventions de la Ville et qui, grâce à son nombre élevé de visiteurs, parvient à s’autofinancer à hauteur de 26 %. Et en ce mois de mars inhabituellement nuageux pour la région, les salles étaient pleines.

Jaume Plensa inaugure les lieux  

L’agrandissement du musée a permis de réaménager des salles d’exposition temporaire de belle facture (550 m²) avec un éclairage zénithal. C’est l’artiste catalan espagnol Jaume Plensa, déjà venu à Céret, qui inaugure les salles avec un ensemble récent de douze sculptures et une vingtaine de dessins autour du thème du visage. La hauteur des salles permet d’accueillir les pièces de grand format d’un artiste œuvrant souvent pour l’espace public : deux immenses têtes se font face, constituées d’une forme de grillage. L’exposition estivale sera consacrée à l’école de Paris avec des prêts du Centre Pompidou et bien sûr des œuvres de la collection du musée cérétan.
 

Musée d’art moderne de Céret,
8, bd Maréchal-Joffre, 66400 Céret. Jusqu’au 6 juin, Jaume Plensa.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : Céret retrouve son musée

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