Auteuil : des serres sous la menace

Le projet d’extension du stade de Roland-Garros porte atteinte au site paysager

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2012 - 547 mots

PARIS - Citant la célèbre phrase de l’architecte de la Renaissance Leon Battista Alberti, « le beau est un ensemble auquel on ne peut rien enlever ou ajouter, sinon pour le pire », la dernière résolution adoptée courageusement par l’Icomos (Conseil international des monuments et sites) le 2 décembre 2011 avait le mérite d’être claire. PAR SOPHIE FLOUQUET

Elle dénonçait le fait que le site des serres d’Auteuil soit ainsi « gravement menacé dans son intégration paysagère et botanique par ce projet d’annexion par la Fédération française de tennis [FFT] d’une partie du jardin pour y construire un stade de 4 950 places (construction de 8 mètres de haut soit deux étages et demi […]), et privatiser cet espace public pendant cinq semaines ». Malgré cette prise de position assez rare, soutenue implicitement par le ministère de la Culture, mais aussi l’existence d’une pétition ayant réuni près de 47 000 signatures depuis l’annonce, le 13 février 2011, du choix du site de la porte d’Auteuil pour accueillir l’agrandissement du complexe sportif, la FFT et la Ville de Paris campent sur leurs positions. Si ces derniers affirment, de manière fallacieuse, que le projet ne portera pas atteinte au site, les premières images de la copie révisée restent inquiétantes. Bien que les flux soient allégés à proximité des serres historiques, rien n’a en effet changé sur le fond du problème.

Une unité entre bâtiments et espaces ouverts rompue
Mitoyennes du célèbre site du tournoi de tennis, les serres d’Auteuil, inscrites au titre des monuments historiques, ont été conçues en 1898 par l’architecte Jean-Camille Formigé et agrandies plus récemment par des structures, les serres chaudes, bâties en 2003 sur fonds publics et abritant des collections de plantes. Faute de pouvoir araser les bâtiments historiques, qui seront néanmoins englobés dans les nouveaux aménagements, c’est sur les serres les plus récentes que la FFT a jeté son dévolu pour élever son nouveau stade. Au risque, dénoncé par l’Icomos, de rompre « l’unité parfaite entre bâtiments et espaces ouverts ». Une partie des bâtiments techniques construits en pierre meulière sera également annexée par Roland Garros.

Alors que la phase d’enquête publique s’achève le 16 mars et que seize associations sont prêtes à porter le fer contre le futur permis de construire, le projet n’a donc été que très modestement revu. Ce qui ne surprend guère. La FFT ne dispose en effet que de peu de solutions pour augmenter l’emprise de Roland-Garros de 8,5 à 14 hectares, comme elle le souhaite. Et la Ville s’obstine à refuser, en avançant des questions de coût, d’entreprendre des travaux de couverture du périphérique pour augmenter la superficie du site sans porter atteinte aux espaces verts. Elle n’hésite toutefois pas à compenser la perte d’équipements sportifs publics, sur l’espace du Fond des Princes lui aussi bientôt privatisé, par la construction de nouveaux équipements ex nihilo sur la pelouse de l’hippodrome d’Auteuil. Et qu’importe si de nouveaux espaces verts de la capitale sont encore ainsi grignotés. Car c’est bien la question du choix de maintenir Roland-Garros à Paris qui pose problème. « Les sponsors de la FFT veulent pouvoir continuer à envoyer facilement leurs clients et leur personnel du Triangle d’or vers la porte d’Auteuil, relève un fin connaisseur du dossier. Mais dans quelques années, la question d’un agrandissement du site se posera à nouveau. »  

Légende photo :

Les serres d'Auteuil - © Photo : Liné1 - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : Auteuil : des serres sous la menace

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