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Au Breuer, les musées se succèdent et ne se ressemblent pas

NEW YORK / ÉTATS-UNIS

Le célèbre bâtiment de Marcel Breuer sur Madison Avenue a rouvert ses portes en mars. Il accueille la Frick Collection, son troisième musée en cinq ans.

Le bâtiment de Manuel Breuer abritant temporairement la collection Frick à New York . © Gryffindor, 2010, CC BY-SA 3.0
Le bâtiment de Manuel Breuer abritant temporairement la collection Frick à New York .
Photo Gryffindor, 2010

New York. Sa façade en pyramide inversée recouverte de tuiles en granit en fait l’une des icônes architecturales les plus appréciées de l’Upper East Side, le quartier huppé de Manhattan. Conçu en 1966 par l’architecte hongrois Marcel Breuer pour abriter le Whitney Museum of American Art, le « Breuer Building » est au centre d’un jeu de chaises musicales entre musées new-yorkais. Rouvert le 18 mars après un an de fermeture, il héberge désormais la Frick Collection. L’institution sous-loue le bâtiment au Metropolitan Museum of Art (Met), lequel l’occupait encore avant le début de la crise sanitaire, tandis que le Whitney Museum of American Art en est toujours propriétaire. La Frick a prévu d’y rester jusqu’en 2023, le temps que s’achèvent les travaux de rénovation de son bâtiment historique sur la 5e Avenue. Le futur du Breuer après cette date reste encore très incertain.

En 2015, le Whitney Museum, à la recherche d’espace pour étendre ses immenses collections d’art américain contemporain, quitte l’immeuble emblématique situé au croisement de Madison Avenue et de la 75e Rue. Les projets d’agrandissement avaient été nombreux mais aucun n’avait trouvé les faveurs du musée. Le conseil d’administration s’était finalement résolu à commander un nouvel édifice à Renzo Piano dans le Meatpacking District, ancien quartier industriel du sud de Manhattan.

Thomas P. Campbell, directeur du Met, y voit alors l’opportunité d’un ambitieux programme d’expansion et propose de louer l’immeuble au Whitney. En mars 2016, le « Met Breuer » est inauguré comme antenne du musée consacrée à l’art moderne et contemporain : « Notre idée, explique Thomas Campbell, consistait à faire au Breuer ce que nos pairs n’avaient pas les moyens de faire chez eux : mettre en perspective l’art moderne et contemporain dans une continuité historique beaucoup plus longue que celle que proposent le MoMA, le Guggenheim ou le Whitney, tous trois centrés sur le XXe siècle ».

L’échec du Met Breuer

Avec un coût opérationnel de 17 millions de dollars par an, un succès critique mitigé et des expositions de moins en moins visitées, le Met Breuer ne parvient cependant pas à transformer l’essai. Nommé directeur en 2018, alors que le musée traverse l’une des plus graves crises financières de son histoire, Max Hollein décide d’abandonner le projet de son prédécesseur : « L’avenir du Met passe aujourd’hui par le retour de l’art moderne et contemporain à l’intérieur de notre bâtiment principal. »

Depuis le 18 mars, on découvre avec étonnement dans les vastes galeries aux murs en béton brut du Breuer l’impressionnante collection de l’industriel Henry Frick, essentiellement composée de peintures de grands maîtres européens.

L’institution a profité du fait « que le Met avait des difficultés financières et du mal à gérer cet espace », explique Ian Wardropper, directeur de la Frick Collection, pour négocier une sous-location et continuer à présenter ses œuvres au public avant qu’elles ne réintègrent la demeure historique, qui sera rénovée d’ici deux ans. Elles ne l’avaient jusque-là jamais quittée et y étaient encore exposées comme en 1919, à la mort du collectionneur. Au Breuer, pas de cordons ni de vitres protectrices, ni de cartels. Les œuvres sont classées chronologiquement par école et accrochées à hauteur d’œil : « On fait ici l’inverse de ce qu’on faisait dans la maison », commente Xavier F. Salomon, directeur adjoint.

Pour Barry Bergdoll, professeur d’histoire de l’architecture à l’université Columbia et ancien directeur du département d’architecture et design du MoMA, le bâtiment est magnifié et l’opération, un véritable succès : « L’installation fait magistralement dialoguer les peintures anciennes et l’architecture de Breuer, que l’on paraît redécouvrir. » Mais nul ne sait ce qui adviendra du Breuer après le départ de la Frick en 2023. Le Whitney n’a pas le projet d’y revenir, le Met non plus et certains craignent le pire. Barry Bergdoll a bien une idée : « Transformer cet extraordinaire bâtiment en un centre d’architecture et d’urbanisme, croisement entre les galeries d’architecture et design du MoMA et le Pavillon de l’Arsenal à Paris. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°565 du 16 avril 2021, avec le titre suivant : Au Breuer, les musées se succèdent et ne se ressemblent pas

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