Arabie Saoudite - Archéologie

Al-Ula promeut ses fouilles

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2021 - 792 mots

RIYAD / ARABIE SAOUDITE

Après dix-huit mois d’incertitude dus à la crise sanitaire, le site antique accélère son développement et prépare une saison touristique axée sur la culture.

Relevé de fresques pariétales sur le site d'Al-Ula en Arabie saoudite  © Royal Commission for Al-Ula / RCU
Relevé de fresques pariétales sur le site d'Al-Ula en Arabie saoudite.
© Royal Commission for Al-Ula / RCU

Riyad (Arabie saoudite). Fouilles archéologiques, musées d’art et de sciences, festivals de musique : le programme de développement du site d’Al-Ula poursuit un but précis. « Il s’agit de repositionner Al-Ula sur les cartes de géographie », comme l’explique le docteur Abdulrahman Alsuhaibani, professeur d’archéologie à la King Saud University, et consultant auprès de la Commission royale pour Al-Ula (RCU en anglais). Al-Ula joue en effet un rôle central dans le programme « Vision 2030 » du prince héritier Mohammed ben Salmane, programme censé sortir l’Arabie saoudite de sa dépendance aux hydrocarbures. La culture y occupe une large place avec le site d’Al-Ula et ses caractéristiques exceptionnelles (lire le JdA no 532, 1ernov. 2019), et les récentes découvertes archéologiques tombent à point nommé pour attirer les touristes après une année 2020 mitigée.

Occupé presque continuellement de la préhistoire à la période contemporaine, le site n’a pour l’instant été fouillé que sur moins de 10 % de sa surface (environ 23 000 km2). Plusieurs pays participent aux différents chantiers de fouille, dont la France par le biais du CNRS, et les dernières découvertes sont issues d’une mission de la University of Western Australia. Abdulrahman Alsuhaibani explique le processus : « Il y a eu une prospection générale du site en 2018, toutes périodes confondues, puis des fouilles ciblées », notamment sur des structures en pierre appelées « mustatils » en arabe (ou « rectangles »), récemment mises au jour. Ces longues structures datent du néolithique, vers 5000 avant l’ère chrétienne, et elles étaient connues depuis les années 1970. Pourquoi les avoir fouillées en 2019 et 2020 ? « Il y a un nouvel intérêt depuis quelques années pour l’âge de pierre », rappelle le professeur, qui précise qu’il n’y avait pas, jusqu’à la constitution du Kingdoms Institute en Arabie saoudite, « de grand centre de recherche ni de laboratoire pour l’archéologie », d’où la nécessité d’un tel centre et de partenariats étrangers.

Repérage de mustatils (« rectangles ») sur le site d'Al-Ula. © Royal Commission for Al-Ula / RCU
Repérage de mustatils (« rectangles »,) sur le site d'Al-Ula.
© Royal Commission for Al-Ula / RCU

Le principal intérêt de ces fouilles réside dans la découverte sur plusieurs sites de restes d’animaux à cornes, ce qui montre, selon Abdulrahman Alsuhaibani« qu’il y avait une activité cultuelle dans la région dès le néolithique ». Cela fait reculer de plusieurs siècles la date estimée pour ce type d’activité dans la région. Il y a donc matière pour la RCU à communiquer sur ces découvertes, car elles donnent une visibilité internationale au site : c’est ainsi que la communication officielle insiste sur l’ancienneté des mustatils, « plus anciens que Stonehenge »… Les découvertes sont accompagnées de publications scientifiques systématiques : « Chaque équipe qui vient fouiller à Al-Ula doit s’engager à publier au moins un article dans une revue internationale », souligne Abdulrahman Alsuhaibani. Il ajoute que, « jusqu’en 2015, la plupart des publications sur Al-Ula se faisaient en arabe », ce qui limitait leur diffusion. Désormais l’Arabie saoudite cherche à se faire connaître à l’étranger pour ses recherches en archéologie, d’où le projet d’un grand musée à Al-Ula pour exposer les artefacts, adossé à un centre de recherche et un laboratoire. La construction du « Kingdoms Institute » fera l’objet d’un concours international d’architecture en 2022, annonce la RCU, pour une ouverture prévue en 2025. Il s’agit d’attirer des chercheurs du monde entier. Il y aura déjà cet hiver, précise le consultant, « treize équipes archéologiques pour accélérer les fouilles et travailler à la préservation du site », avant que d’autres équipes ne rejoignent le projet.

2 millions de touristes par an à partir de 2035

L’archéologie et la culture sous-tendent le développement du site d’Al-Ula, le tout dans l’optique de faire venir sur place des milliers de touristes étrangers. L’Arabie saoudite avait déjà entamé une opération séduction en France à l’automne 2019 grâce à l’exposition « AlUla, merveille d’Arabie » présentée à l’Institut du monde arabe (Paris). La France est très présente dans le pays depuis de nombreuses années, et l’agence Afalula est désormais chargée d’apporter l’expertise française aux projets de développement du site (lire le JdA no 532).

Au-delà de la France, la RCU vise à attirer les touristes, avec des objectifs ambitieux : Abdulrahman Alsuhaibani rappelle que l’objectif officiel est de « 2 millions de touristes par an en 2035 », date de la dernière étape du projet de développement. Pour l’instant, les touristes viennent surtout des pays voisins, mais la RCU et le gouvernement parient sur la saison touristique 2021-2022 pour tourner la page du Covid-19. Le festival hivernal « Winter at Tantora » devrait comporter une programmation consacrée aux découvertes archéologiques récentes, en plus des habituels concerts et spectacles. Ce tourisme culturel est vital pour le développement économique de la région, et devrait créer à terme 67 000 emplois selon la RCU : la moitié des emplois concernerait le secteur du tourisme, d’où l’impératif d’accélérer le développement d’Al-Ula et sa visibilité à l’international.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°573 du 17 septembre 2021, avec le titre suivant : Al-Ula promeut ses fouilles

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