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Sur Instagram, les influenceurs au service de l’art

Par Marianne Rigaux · Le Journal des Arts

Le 11 janvier 2020 - 958 mots

De nombreux musées font appel à des influenceurs sur Instagram pour bénéficier de leur ton décalé et de leur audience.

Partenariat entre la BNF et le compte @la.minute.culture de Camille Jouneaux pour l'exposition Tolkien.
Partenariat entre la BNF et le compte @la.minute.culture de Camille Jouneaux pour l'exposition Tolkien.

À la Bibliothèque nationale de France, la rétrospective «Tolkien, voyage en Terre du Milieu», consacrée à l’œuvre de l’écrivain, bat son plein. Après une communication plutôt classique au lancement de l’événement, en octobre 2019, le musée vient de démarrer une seconde phase plus originale pour relancer l’intérêt. Celle-ci se joue sur Instagram. Aux manettes, Camille Jouneaux, trente-quatre ans, plus connue comme @la.minute.culture sur Instagram.

Depuis mi-décembre, son compte affiche une story sur Tolkien à la Une. Dans un savant mélange de visuels, de textes et d’emojis, elle retrace l’œuvre de l’écrivain à partir des éléments piochés dans le catalogue, le dossier de presse ou les interviews des commissaires. « Je suis très fière de travailler avec une institution reconnue comme la BNF, qui a une vision intelligente de la collaboration avec les influenceurs. Je peux me permettre des choses que la BNF ne pourrait pas dire sur son compte », confie Camille Jouneaux. Sa story fonctionne bien : chaque jour, l’influenceuse passe deux à trois heures à interagir avec sa communauté (45 000 abonnés) au sujet de Tolkien. Outre les stories Instagram, Camille Jouneaux produit également des contenus en marque blanche pour les différents réseaux sociaux de la BNF, avec sa casquette de rédactrice free-lance.

Les stories, une fonction très adaptée

Côté BNF, on se félicite aussi de cette collaboration « on ne peut plus naturelle », d’après Claire Séguret, cheffe de la coordination Internet et réseaux sociaux dans le service communication. « C’est notre première collaboration de grande ampleur avec de la commande de contenus. On avait repéré les stories de @la.minute.culture depuis un moment et l’univers de Tolkien nous a paru pertinent pour tester un ton décalé. Camille réussit très bien ce mélange entre appropriation du contenu scientifique et ponts avec la pop culture. Elle connaît les codes d’Instagram, elle sait trouver le bon emoji et placer de l’humour au bon endroit, ça fait mouche ! »

Pour Camille Jouneaux, il s’agit de sa troisième collaboration, après celle avec la Réunion des musées nationaux pour l’exposition « Alphonse Mucha », puis avec la Fondation Carmignac pour l’exposition « La source ». Lancé en février 2019 comme un projet personnel, son compte @la.minute.culture est vite devenu la vitrine de son activité de free-lance. Avant de créer des contenus pour le secteur culturel, l’influenceuse a travaillé dix ans dans une agence de social media, dont trois sur le dispositif Google Art et Culture, qui lui a permis d’appréhender les enjeux des musées sur le numérique dans le monde. Passionnée d’art et autodidacte, elle complète ses connaissances avec des cours du soir en histoire de l’art au Musée du Louvre. Pendant ce temps-là, Instagram monte en puissance et copie sur Snapchat la fonctionnalité story.

« Au début, j’ai eu une approche un peu réac sur les stories, je ne voyais pas l’intérêt de poster un truc qui disparaissait au bout de 24 heures. Et j’ai finalement compris le grand potentiel de storytelling de cette écriture. » Son compte grossit et les sollicitations se multiplient. « Pour un musée, collaborer avec un influenceur, c’est parler à une audience qualifiée et s’approprier des façons de communiquer plus décalées », analyse-t-elle. Si le montant de ses collaborations restera secret, Camille Jouneaux indique gagner davantage sa vie avec ses activités de free-lance. « Cela me permet de choisir mes collaborations et de produire des contenus de qualité. Je préfère que cela reste ponctuel et clairement indiquer qu’il s’agit de collaborations rémunérées. »

De son côté, le musée Jacquemart-André a sollicité Morgane Ortin, l’influenceuse à l’origine du compte @amours_solitaires. Suivi sur Instagram par 663 000 abonnés, ce compte rassemble des déclarations d’amour 2.0. Un partenariat audacieux pour valoriser l’exposition « Caravage à Rome, amis & ennemis » du musée, en imaginant les messages d’amour qui correspondent à chaque tableau. « Il nous semblait intéressant de porter un regard différent sur sa peinture, en contre-pied avec ce que l’on se représente de lui. Instagram peut être un véritable terrain de jeu pour s’exprimer d’une façon moins conventionnelle et approcher différemment nos visiteurs », témoigne l’équipe de community managers de Culturespaces, en charge des relations presse du musée. Résultat, une story– toujours visible car épinglée à la Une du compte –, dans laquelle on retrouve les tableaux iconiques de Caravage, agrémentés de bulles de SMS romantiques que les personnages auraient pu s’envoyer à l’époque.

Les influenceurs font des émules

Pour le service communication de Culturespaces, la collaboration a porté ses fruits bien au-delà des espérances initiales. « Notre communauté a très bien accueilli cette collaboration. Nous avons été assaillis de retours positifs via des messages privés, pour nous féliciter de la démarche. » Un succès qui est parvenu aux oreilles du Centre Pompidou, qui a reconnu s’en être largement inspiré pour l’expérimenter, de son côté, avec le compte @tendreromeo à l’occasion de la Saint-Valentin…

Si les stories séduisent par leur potentiel narratif, c’est une autre fonctionnalité du réseau social qui a intéressé la Réunion des musées nationaux : Instagram TV (IGTV). Cette plateforme qui permet de publier des vidéos verticales jusqu’à une heure a été utilisée pour promouvoir la rétrospective consacrée à « Toulouse-Lautrec, résolument moderne », visible au Grand Palais jusqu’au 27 janvier. « Les vidéos Instagram sont limitées à une minute, alors que IGTV permet de raconter une vraie histoire. Et comme Toulouse-Lautrec était très moderne, cela a du sens d’investir cette fonctionnalité d’Instagram », détaille Céline Nègre à la direction numérique. Imaginée en collaboration avec l’agence Madame Bovary, la websérie se compose de cinq épisodes diffusés à intervalles réguliers, pour une durée de deux à quatre minutes chacun. Je me présente, je m’appelle Henri affiche, à ce jour, près de 300 000 vues au total. Entre créativité et vulgarisation, Instagram offre un magnifique terrain d’expérimentation pour les institutions culturelles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Sur Instagram, les influenceurs au service de l’art

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