Spécialistes de la sculptrice de La Valse, Anne Rivière et Bruno Gaudichon signent une élégante et érudite monographie de Camille Claudel qui s’annonce comme la référence en la matière.
Bruno gaudichon - C’est la première fois que nous avons l’occasion d’écrire un texte aussi long sur son œuvre. Cela nous a permis de prendre davantage d’altitude sur le sujet et de nous reposer certaines questions différemment. Et, à nos âges respectables, c’était aussi une façon de faire un point sur plus de quarante ans de complicité de travail.
anne rivière - Quand nous avions organisé l’exposition au Musée de Roubaix, en 2014, nous avions déjà senti qu’il fallait approfondir et reconsidérer la question de la réutilisation des formes. Claudel a souvent réemployé des éléments de figures antérieures pour en faire des œuvres nouvelles. C’est une chose qui a pu être analysée comme une stérilisation de sa création, comme la fin de son inspiration. Aujourd’hui, nous pensons qu’il s’agit d’une démarche volontaire, d’une véritable recherche formelle. Nous voulions aussi montrer qu’elle est une sculptrice totalement singulière qui peut en remontrer à beaucoup d’artistes, tant dans ses thèmes que dans leur traitement. Elle fait preuve d’une grande originalité ; les sculpteurs de sa génération sont rarement aussi inventifs et autobiographiques qu’elle.
b. g. - C’est une des idées-forces de notre texte. Il y a quelque chose qui tient de la littérature chez Claudel : son regard sur elle-même, la manière de nourrir son œuvre de sa vie. Ce principe d’autofiction crée des échos avec Virginia Woolf, par exemple. Et les « croquis d’après nature » ont bien des correspondances avec Charles Baudelaire. Cette dimension littéraire est très forte dans la construction de son œuvre. C’est vraiment quelque chose de totalement unique et cela explique sans doute beaucoup son succès, car cette singularité touche le public qui appréhende cette œuvre comme un grand livre de sculptures.
a. r. - Il y a une forte attraction pour Camille Claudel qui s’explique par son œuvre, bien sûr, mais aussi par cette image d’Épinal d’artiste maudite qui lui est attachée. Il faut arriver à s’écarter de ce mythe de l’artiste victime, maltraitée par sa famille et son amant, et totalement inconnue en son temps. Cela est faux et porte une ombre injuste sur cette grande artiste qui, quatre décennies après sa redécouverte, fait désormais pleinement partie de l’histoire de la sculpture.
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« Il faut arriver à s’écarter du mythe de l’artiste victime »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°789 du 1 octobre 2025, avec le titre suivant : « Il faut arriver à s’écarter du mythe de l’artiste victime »





