Livre - Photographie

BIOGRAPHIE

Eugène Atget raconté sous une autre focale

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2025 - 486 mots

Dans son dernier ouvrage, l’historien Yannick Le Marec retrace les fragments de la vie discrète du photographe Eugène Atget.

« De la vie du grand photographe Eugène Atget, né le 12 février 1857 à Libourne, département de la Gironde, et mort à Paris le 4 août 1927, enterré brièvement au cimetière de Bagneux avant de finir dans la fosse commune, nous ne connaissons que des bribes […]. La biographie de cet homme, devenu au lendemain de sa mort une référence dans le monde de l’art, est, hormis quelques faits incontestables, une suite d’hypothèses et de conjectures », rappelle Yannick Le Marec, en introduction de son livre sur ce précurseur de la modernité photographique dont le mutisme sur son travail a offert une page blanche à toutes les interprétations. L’historien et écrivain, professeur émérite des universités en histoire contemporaine à l’université de Rouen Normandie, n’est pas le premier à s’être confronté aux énigmes multiples que suscitent à la fois l’œuvre d’Atget et les origines de sa passion pour le théâtre.

Avant d’être photographe, Atget fut comédien tout comme sa compagne, Valentine, qui embrassa cette carrière jusqu’en 1902. Yannick Le Marec appuie d’ailleurs son enquête minutieuse sur les livres de référence publiés sur l’homme, le photographe et l’œuvre comme sur ceux relatifs aux chiffonniers de Paris au XIXe siècle et à la « zone » – terme donné au territoire ceinturant les fortifications de Paris, avant et après leur destruction, sur lequel s’installèrent les exclus de Paris et des banlieues ouvrières. Car il s’agit pour l’historien, spécialiste également de l’histoire urbaine et industrielle, d’explorer à la fois des aspects moins connus, négligés ou relativisés de la vie du photographe, mais aussi de comprendre les enjeux et les débats de l’époque sur le devenir cette périphérie parisienne et les projets d’aménagement qui faisaient peu de cas de ses habitants.

« Pour Atget, le chiffonnier figure la vie en marge, autonome, digne et réfractaire aux conditions imposées par la modernité. Notre homme n’en dira pourtant jamais rien : aucune note, pas d’entretien avec un critique ou un journaliste, seulement des indices qu’il nous revient de relier. » L’entreprise menée en ce sens par Yannick Le Marec, à partir des photographies de l’album Zoniers acheté par la Bibliothèque nationale en 1915, et de sources photographiques différentes, aboutit à un portrait subtil d’Atget, élargissant et renouvelant les regards posés sur lui.

La reconstitution de l’histoire de cet album, l’attention accordée au moindre détail contenu dans chaque photographie (dont certaines sont reproduites dans les livres) ainsi qu’à celles montrant l’intérieur de son appartement et de sa bibliothèque s’entrecroisent avec les recherches menées dans les archives de journaux de l’époque, notamment révolutionnaires, et à l’intérêt porté au programme des conférences et soirées d’étude des universités populaires parisiennes, qui révèle un Atget un temps aussi conférencier. Progressivement se dessine, à travers une écriture fluide et limpide, « un homme de mots », engagé et libre, sensible aux discriminations causées par la modernité.

Eugène Atget. La photographie des hommes libres, Yannick Le Marec,
Éditions Loco, 142 p., 22 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°662 du 3 octobre 2025, avec le titre suivant : Eugène Atget raconté sous une autre focale

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