Livre - Photographie

Lectures croisées

Les silences d’Atget inspirent

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 27 juin 2016 - 321 mots

Eugène Atget (1857-1927) n’a laissé aucun écrit. Seule la lettre du 12 novembre 1920 envoyée au directeur des Beaux-Arts Paul Léon témoigne de son inquiétude sur l’avenir de sa « belle collection de clichés » du vieux Paris.

« Le silence d’Atget n’a pas pour autant découragé des figures majeures de la vie intellectuelle et artistique de commenter, raconter et interroger le photographe et son corpus. Bien au contraire, ce vide a généré une immense productivité ouvrant la voie à de nombreuses interprétations et appropriations », note Luce Lebart [Les Silences d’Atget, une anthologie de textes, éditions Textuel, 320 p., 29 €]. Forte de ce constat, l’historienne de la photographie, responsable des collections de la Société française de photographie, a opéré une sélection resserrée de quarante-deux textes. De Man Ray, Robert Desnos, Walter Benjamin ou Rosalind Krauss à Berenice Abbott, Walker Evans, Julien Levy, John Szarkowski ou encore Jean-Claude Lemagny : son anthologie balaie les différentes lectures et relectures produites entre 1928 et 2007. Leur ventilation en trois parties distinguant les textes des poètes, écrivains et journalistes de ceux des photographes et des marchands, conservateurs et historiens renforce la limpidité, la fluidité de l’ouvrage. Leur articulation reflète les différentes approches de la vie et de l’œuvre du photographe, montre également leur évolution au cours du temps et leurs enjeux indissociables de l’histoire des perceptions du médium, que Luce Lubart raconte et analyse dans un texte introductif d’une grande clarté, comblant à son tour un vide en ce domaine. Ce n’est donc pas sans un certain délice que l’on prolonge la lecture en suivant Baudouin de Bodinat dans sa relecture poétique et métaphysique de ce si évocateur silence « atgétien » [Atget, poète matérialiste, éditions Fario, 54 p., 13,50 €]. Se glisser dans ce temps écoulé immerge dans un autre éclairage à la lumière d’une écriture fine aux battements épurés, concis, pour coller au plus près du positionnement d’un homme « mélancolique et enragé » à sauver ce qui fut.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : Les silences d’Atget inspirent

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