Dans L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier, architecture et cinéma se mêlent pour raconter de la construction d’un emblème de la Défense.
Les cinéastes adorent les architectes. Dès 1949, dans Le Rebelle de King Vidor, Gary Cooper campait un personnage inspiré de l’architecte américain Frank Lloyd Wright (1867-1959). L’an passé, on a vu Adrien Brody dans le rôle d’un architecte fictif dans The Brutalist de Brady Corbet. Les metteurs en scène se reconnaissent-ils dans ces artistes, chefs d’équipe, sans cesse confrontés à des considérations techniques ou économiques et poussés au compromis ? Avec L’Inconnu de la Grande Arche, Stéphane Demoustier (né en 1977) poursuit ce sillon. Le scénario, adapté d’un livre de Laurence Cossé, raconte la construction du cube gigantesque qui surplombe le quartier de La Défense, à l’ouest de Paris. En 1982, François Mitterrand lance un concours d’architecture. Il veut prolonger l’axe qui relie d’un trait de flèche le Louvre à l’Arc de Triomphe. Les plus grands architectes envoient leurs projets à l’Élysée. Et, contre toute attente, le choix se porte sur la maquette de Johan Otto Von Spreckelsen, un professeur danois de 53 ans, jusqu’alors inconnu. Le film retrace ce chantier colossal et cette spirale de contraintes, d’enjeux et de défis, qui finira par emporter le créateur. À mesure que passent les années, les fictions se déroulant au siècle dernier deviennent des reconstitutions historiques. L’Inconnu de la Grande Arche est bien le récit d’une époque révolue, celle de la fin d’un millénaire marquée par de grandes commandes d’État et des ambitions démesurées pour la France. Ce monde, ces costumes, ces voitures, ces téléphones semblent très lointains. Le choix du format carré épouse, bien sûr, la silhouette de la Grande Arche, mais cette image inhabituelle transforme aussi le film de Demoustier en une petite boîte à souvenirs d’un temps désormais clos. Somme tout, le cœur de l’intrigue pose une question toujours valable : à qui appartient une œuvre, à l’artiste ou à son commanditaire ? Johan Otto Von Spreckelsen, interprété par Claes Bang, s’avère aussi doué dans son art que perdu dans le labyrinthe des intérêts politiques. Face à lui, Swann Arlaud campe l’architecte français Paul Andreu, rodé aux détours et aux secrets. Ce dernier sait imposer ses idées en contrebande, en slalomant entre les affaires et les hautes sphères de l’État. Le Danois, lui, périra d’avoir trop ressemblé à sa création : une harmonie de lignes pures, un bloc blanc, frontal, sans défaut et pourtant trop fragile.
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Architecture d’une tragédie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°790 du 1 novembre 2025, avec le titre suivant : Architecture d’une tragédie





