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Wan Jei, fondateur d’Artron : « Nous sommes les plus gros vendeurs d’art en ligne en Chine »

Par Pierre Naquin · Le Journal des Arts

Le 10 janvier 2020 - 946 mots

Le tycoon de l’édition d’art en Chine livre – parcimonieusement – quelques informations sur son entreprise Artron encore peu connue en Occident, et sur le marché chinois.

Wei Jei, le fondateur d'Artron. © DR.
Wei Jei, le fondateur d'Artron.
© DR.

Wan Jei est, à moins de soixante ans, à la tête d’une des entreprises les plus importantes du monde de l’art : Artron. Ce Pékinois a d’abord fait ses armes dans diverses fonctions de l’industrie de l’imprimerie, avant de prendre la direction d’une entreprise sino-japonaise du secteur. Fondateur et vice-président de la Fondation pour la protection des reliques culturelles du Musée du palais de Pékin, il est également l’un des 2 158 membres de la CPPCC (Conférence consultative politique du peuple chinois).

Comment se porte le marché de l’art en Chine ?

La baisse constatée du chiffre d’affaires du marché de l’art chinois depuis 2011 [une chute de 34 % selon le rapport UBS Art Basel, pour un chiffre d’affaires de 12,8 milliards de dollars l’année dernière] s’explique au moins en partie par la détérioration des performances économiques de la Chine dans son ensemble. Mais malgré cela, les prix enregistrés pour les pièces d’exception se sont maintenus, ce qui montre que les collectionneurs sont toujours prêts à acheter de l’art et à investir dans cet actif. Avec le développement d’une nouvelle classe sociale, une appétence de plus en plus marquée pour l’art et un niveau d’éducation de plus en plus élevé, je suis vraiment confiant sur le futur de notre marché domestique

Vous présidez l’association des artistes chinois. Pensez-vous que ceux-ci aient profité du développement du marché ?

Dans la très grande majorité des cas, non. Et c’est véritablement un problème. Les artistes ont toujours autant de mal à vivre de leurs créations et l’ouverture, puis l’explosion du marché, après la fin de la révolution culturelle, ne leur ont pas réellement profité. Ils ont encore du mal à faire apprécier la valeur de leur travail auprès du grand public. La démocratisation des pratiques culturelles, telles que les visites des grandes institutions et expositions, devrait permettre à ce public de considérer l’apport des artistes à la société, ce qui est l’étape préalable à toute possibilité de rétribution.

En quoi est-ce si délicat ?

Le public a encore du mal à différencier ce qui est de l’art de ce qui est de l’artisanat, d’une production qui a du sens et d’une création insignifiante, de ce qui est facilement abordable ou – au contraire – qui nécessite des références précises. Les musées font un travail d’éducation, mais ce ne sont pas des connaissances qui s’acquièrent en une visite. C’est une entreprise au long court sur une ou plusieurs générations.

Quels sont les axes de développement de votre entreprise ?

Nous nous dirigeons progressivement vers la production d’œuvres en éditions limitées qui sont un moyen direct de favoriser la diffusion de l’art et son appropriation par un plus large public. Les multiples sont typiquement un produit où le support et la qualité de production apportent directement de la valeur. Nous avons mis en place des standards de qualité élevés pour limiter au maximum les effets néfastes des vulgaires copies. Nous avons également monté des boutiques « en dur » pour que les clients puissent appréhender l’objet physique que produit l’édition d’art.

Cela concerne-t-il uniquement les artistes chinois ?

Il est important pour nous de soutenir en premier l’écosystème de nos artistes. Cela reste notre absolue priorité. Une fois cela posé, nous ne nous interdisons pas de nous étendre et d’aller regarder du côté de l’Occident. C’est un marché porteur.

Vous investissez beaucoup dans les nouvelles technologies. Croyez-vous au développement du commerce de l’art en ligne ?

Artron vient de lancer un nouveau projet pour soutenir les jeunes artistes. On leur met à disposition une plateforme sur laquelle ils peuvent proposer leurs œuvres à la vente [relativement similaire à Saatchi Art]. Cela représente aujourd’hui 120 000 artistes et nous devrions atteindre les 300 000 dans le courant de l’année prochaine. Nous sommes d’ores et déjà les plus gros vendeurs d’art en ligne en Chine.

Cela représente quel chiffre d’affaires ?

Nous ne communiquons pas sur ces données, mais je peux vous dire que nous avons déjà 200 000 clients VIP qui collectionnent et qui nous demandent de les accompagner.

Les entreprises – et notamment les maisons de ventes – occidentales ont encore du mal à opérer en Chine continentale…

Il faut mettre les choses en perspective : la régulation s’est déjà incroyablement assouplie en, à peine, une décennie. Les grands opérateurs se sont installés et de nombreuses galeries ont ouvert des espaces. Je suis sûr qu’avec encore un peu de patience, de nouvelles spécialités – comme les antiquités – seront pleinement accessibles aux entreprises étrangères. Il faut laisser le temps au temps.

Vous travaillez depuis plusieurs années avec la société française Artprice. Quel est l’objet de vos accords ?

Nous avons deux types de partenariats. D’une part, un partenariat de type « métier » dans le cadre duquel nous échangeons des données. Artprice est très performant sur les données du monde occidental et nous pensons l’être aussi sur la Chine ; cela fait sens pour nos deux entreprises de mettre en commun leurs données de résultats de ventes. De l’autre, un partenariat de type « commercial » par lequel nous mettons en avant les produits d’Artprice auprès de nos clients quand, cela est opportun.

Artron se déploie sur plusieurs secteurs du marché  

Employant quelque 3 000 personnes, la société Artron s’est d’abord consacrée à l’édition de livres d’art, avant de se diversifier dans plusieurs activités du secteur : actualités, résultats de ventes, gestion de données, catalogues de ventes et d’exposition, plateforme de ventes directes en ligne, etc. Aujourd’hui, si l’essentiel de l’activité reste lié à l’impression, le traitement des données mobilise déjà la moitié du personnel. C’est l’un des principaux axes de développement de l’entreprise chinoise.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°536 du 3 janvier 2020, avec le titre suivant : Wan Jei, fondateur d’Artron : « Nous sommes les plus gros vendeurs d’art en ligne en Chine »

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