Droit

Un acheteur d’une table de Prouvé débouté de sa demande d’annulation de la vente

Par Éléonore Marcilhac, avocate à la cour · Le Journal des Arts

Le 16 février 2021 - 579 mots

PARIS

Au détour d’un contentieux sur une table compas de Jean Prouvé, la Cour de cassation est revenue sur la détermination de l’erreur sur les qualités substantielles d’une œuvre d’art.

Éléonore Marcilhac, Avocat à la Cour
Éléonore Marcilhac, Avocat à la Cour
© D.R.

Paris. L’inexactitude des mentions au catalogue de ventes a de nouveau donné l’occasion à la Cour de cassation de revenir sur sa jurisprudence relative au vice du consentement pour erreur des qualités substantielles d’une œuvre.

En l’occurrence, il s’agissait d’une table compas de Jean Prouvé (1901-1984), œuvre emblématique du designer, décrite comme étant en chêne, estimée entre 35 000-45 000 euros et acquise par un collectionneur au prix de 80 000 euros en 2007, parmi d’autres lots, lors d’une vente aux enchères de l’étude Damien Leclere. N’ayant pas réglé l’intégralité de ses achats, l’étude assigna le collectionneur afin d’obtenir notamment sa condamnation au paiement des sommes dues. Reconventionnellement, l’acquéreur demandait la résolution et l’annulation des ventes, outre la restitution des sommes versées.

Saisie une première fois de ce litige, la Cour de cassation a déclaré en 2014 que la vente des lots était parfaite, à l’exception de la table compas qui a dû faire l’objet d’une expertise avant dire droit sur son authenticité. Pour l’expert, la table était bien authentique, toutefois il a aussi relevé dans son rapport que le plateau était en bois plaqué chêne et non en chêne, comme indiqué au catalogue, mais aussi que, selon lui, la table aurait été restaurée ou modifiée à plus de 60 %.

Fort de ces nouveaux éléments, l’acquéreur demanda la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles résultant de l’inexactitude des mentions au catalogue. Il fut débouté par la cour d’appel de Versailles qui le condamna à verser au vendeur le solde du prix de vente de la table.

Le collectionneur saisit alors la Cour de cassation qui, retenant l’appréciation souveraine des juges du fonds, a rejeté son pourvoi le 21 octobre 2020.

« Il souhaitait acheter une table Jean Prouvé »

Visant les dispositions de l’ancien article 1110 du code civil selon lesquelles l’erreur n’est une cause de nullité que lorsqu’elle porte sur la substance même de la chose, la Cour a rappelé que « si les mentions figurant au catalogue revêtent une importance particulière, leur caractère déterminant s’apprécie au regard des qualités substantielles de la chose attendues par l’acquéreur ». Or, ici, l’acquéreur n’a pas apporté la preuve de ce que « l’erreur sur le bois constituant le plateau aurait déterminé [son] consentement et que les restaurations avérées ou non auraient altéré, dans son esprit, la substance de l’objet ». Bien au contraire, la Cour retient qu’il ne « souhaitait pas essentiellement acheter une table avec un plateau en chêne mais une table Jean Prouvé », privilégiant ainsi l’authenticité de la table et de son piètement compas comme élément déterminant de son consentement. Le plateau étant quant à lui « purement contingent et dissociable » de l’œuvre.

La Cour a aussi confirmé la cour d’appel qui avait rejeté les demandes d’indemnisation dirigées contre l’étude et le vendeur. Retenant notamment pour les demandes contre ce dernier que l’acquéreur n’apportait pas la preuve de ce que s’il avait eu connaissance des éventuelles restaurations, il n’aurait pas porté les enchères à un prix proche du double de l’estimation catalogue. Au contraire, elle retient que ce faisant « l’acquéreur a, de manière certaine, privilégié le fait qu’il s’agissait d’une table issue des ateliers de Jean Prouvé ».

En conséquence, les mentions erronées du catalogue non déterminantes du consentement de l’acquéreur ne suffisent pas à caractériser une erreur sur les qualités substantielles de l’œuvre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : Un acheteur d’une table de Prouvé débouté de sa demande d’annulation de la vente

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