Ventes aux enchères

Records

Les enchères marquantes de 2013 en France

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2014 - 1440 mots

Dans un marché qui fait du surplace, le nombre d’enchères au-delà d’un million d’euros ne dépasse pas 60. Sotheby’s (26), Christie’s (19) et Artcurial (8) concentrent l’essentiel des adjudications millionnaires.

Art d’Asie / Paris

Cortège de l’impératrice Wu Zetian, style du peintre Zhang Xuan (actif vers 714-742), encre et polychromie sur soie, Chine, probablement milieu de la dynastie Tang (618-907). Estimée 1 500 à 2 000 euros, adjugé 4,6 millions (1) d’euros le 19 juin à Drouot chez Thierry de Maigret


Comme les années précédentes, 2013 aura eu son lot d’enchères millionnaires en arts d’Asie. Pourtant, ce marché semble se calmer un peu, devenir moins spéculatif. Un rapport publié par le site Artnet sur le marché global des ventes aux enchères d’art chinois indique une importante baisse en 2012 due à la chute considérable de la demande chinoise, en partie à cause d’une circulation importante de contrefaçons. 2013 semble suivre la même trajectoire.

Malgré tout, la plus haute enchère enregistrée à l’Hôtel Drouot reste, comme l’an passé, celle d’une peinture chinoise. Datée avant la vente du XVIIIe siècle, elle s’est révélée a posteriori être d’époque Tang. C’est l’acheteur, un collectionneur chinois, qui a permis la rectification de la datation. « Ce genre de peinture est très difficile à dater, ce n’est pas comme une peinture impériale du XVIIIe, qui est signée. Ici, elle est anonyme et a en plus été recoupée. Les peintures de cette époque sont très rares et toutes dans des musées. La probabilité d’en rencontrer une est proche de zéro », commente Alice Bulhmann, expert.

Marie Potard

Mobilier ancien / Cheverny

Important coffre, dit « de Mazarin », en cèdre du Japon à décor de laque or sur fond noir du Dit du Genji, des « Huit vues d’Ômi », et du Dit des Soga. Japon, début de l’ère Edo, vers 1640. 63,5 x 144,5 x 73 cm. Mis à prix à 200 000 euros, adjugé 7,3 millions d’euros le 9 juin à Cheverny par la SVV Rouillac

À meuble exceptionnel, enchère exceptionnelle. Découvert fortuitement au cours d’un inventaire dans une demeure du Val de Loire, « transformé » en bar, le coffre en laque japonais acheté par le cardinal Mazarin en 1658 a été acquis pour 7,3 millions d’euros par le Rijksmuseum d’Amsterdam au cours de la 25e vente organisée par la maison Rouillac au château de Cheverny (Loir-et-Cher). Il s’agit de l’enchère la plus élevée de l’année 2013 en France.

Disparu depuis la Seconde Guerre mondiale, le coffre est considéré comme le plus grand et le plus beau meuble en laque du monde et était activement recherché par les plus grands musées. Réalisé vers 1640 dans les ateliers de l’Empereur du Japon à Kyoto sur commande de la Compagnie néerlandaise des Indes, il est acheté en 1658 par l’ambassadeur de France pour le compte du cardinal de Mazarin. Conservé pendant un temps en Angleterre, il est racheté dans les années 1970 par son vendeur. Le coffre fait désormais la fierté du Rijksmuseum. Dans sa cage de verre blindé, couvercle fermé, il est présenté non restauré en attendant que le bois se stabilise.
M. P.



Haute Époque / Paris

Deux Pleurants en albâtre, par Étienne Bobillet (actif entre 1416 et 1453) et Paul Mosselmann (actif entre 1441 et 1467), Bourges, vers 1450. Estimés 500 000 à 800 000 euros, adjugés 4 millions d’euros, le 8 novembre à Paris chez Christie’s

Les arts décoratifs de la haute époque en général, et la sculpture médiévale en particulier, séduisent de nombreux enchérisseurs, surtout lorsque qualité artistique et valeur historique sont réunies. C’est le cas de ces deux Pleurants en albâtre réalisés pour le tombeau de Jean de France (1340-1416), duc de Berry, frère du roi Charles V. Autres atouts : ils appartenaient à la même famille depuis 1807 (collection du baron Denys Cochin) et le marché n’avait pas vu de Pleurants du duc de Berry aux enchères depuis 1972, lorsque le Musée du Louvre en a acquis un.

Le tombeau, achevé vers 1457, est installé dans la partie centrale du chœur de la Sainte-Chapelle de Bourges. Il se compose d’un gisant sur une dalle de marbre et d’un soubassement garni de quarante Pleurants sous arcatures. À la Révolution française, les Pleurants sont détruits ou volés. À ce jour, 27 sont répertoriés : 18 sont conservés dans des collections publiques, un a été perdu, et 8 se trouvent dans des collections privées, tels les deux Pleurants vendus.
M. P.



Art moderne / Paris

Amedeo Modigliani, Portrait de Roger Dutilleul (1919), huile sur toile (100,4 x 60 cm). Estimée 7 à 10 millions d’euros, adjugée 6,5 millions d’euros le 4 décembre, à Paris par Sotheby’s

Le pari était osé, mais Sotheby’s a fini par tirer son épingle du jeu, sans grande gloire pourtant. Le 4 décembre, la maison proposait à la vente le Portrait de Roger Dutilleul d’Amedeo Modigliani, entre 7 et 10 millions d’euros. L’homme représenté est l’un des premiers collectionneurs des artistes cubistes, au premier rang desquels figurent Picasso, Braque ou Léger ; dès la fin de la Première Guerre, il jette son dévolu sur Modigliani. En juin 1919, un an avant la mort de l’artiste, il pose pour lui. Cette œuvre de la maturité, de grand format, emprunte à la fois au cubisme et particulièrement à Picasso, à Cézanne et à la statuaire africaine. Sa provenance était un « plus » : les descendants du collectionneurs en avaient hérité. Mais sa fraîcheur sur le marché était plus discutable, le tableau ayant été ravalé chez Christie’s New York en 2004. Bien que les acheteurs ne se soient pas rués sur l’œuvre, elle a tout de même atteint 6,5 millions d’euros. Si le prix est en deçà de l’estimation, quelque peu gonflée par la maison pour remporter le marché, il établit un record pour un tableau en France cette année, devançant l’art contemporain.

 

 

 

 

Éléonore Théry

 

 

 


Art impressionniste / Paris

Gustave Caillebotte, Le Pont de l’Europe (1976), huile sur toile (73 x 60 cm). Estimée 3 à 4 millions d’euros, adjugée 1,5 million d’euros le 2 décembre à Paris, chez Artcurial

Si Artcurial s’est distinguée en décembre avec la vente du Pont de l’Europe de Gustave Caillebotte, œuvre impressionniste la plus chère vendue en France en 2013, la maison ne s’en est pourtant pas sortie avec les honneurs. Estimée entre 3 et 4 millions d’euros, l’huile était annoncée à grand renfort de communication. Mais elle n’a atteint que 1,5 million d’euros, après avoir vu son estimation ramenée par le commissaire-priseur Francis Briest pendant la vente à 1,8-2,2 million(s) d’euros. Si le prix proposé initialement était manifestement trop ambitieux, l’œuvre avait pourtant des atouts : sa conservation en main privée depuis soixante ans et la rareté de Caillebotte sur le marché français. Ce paysage urbain est une étude pour une version exposée au musée du Petit Palais à Genève, dont une autre étude avait été vendue 4,4 millions d’euros par Christie’s à New York en 2002. Aussi faut-il espérer que la déception suscitée par la vente de l’œuvre à Paris n’incite pas les collectionneurs à présenter leurs fleurons de l’impressionnisme à New York ou Londres, où le marché est plus dynamique.
É. Th.



Art d’après guerre et contemporain / Paris

Jean-Michel Basquiat, Crown Hotel (Mona Lisa Black Background) (1982), acrylique et collage de papier sur toile montée sur châssis en croix (124 x 216 cm). Estimée de 5 à 7 millions d’euros, adjugée 5,7 millions d’euros le 5 juin, à Paris chez Sotheby’s

Si Paris reste bien loin des résultats exceptionnels de New York, ou même de Londres dans le domaine de l’art contemporain, la capitale a incontestablement gagné du terrain en 2013. En témoignent la progression de Christie’s, Sotheby’s et Artcurial sur ce créneau, mais aussi la présence d’œuvres traditionnellement présentées aux États-Unis ou en Angleterre. Crown Hotel (Mona Lisa Black Background), de Basquiat, proposée en juin chez Sotheby’s, est de cette trempe. Estimée de 5 à 7 millions d’euros, la fourmillante toile a été exécutée en 1982, l’une des meilleures années de l’artiste. La qualité de l’œuvre, double référence à la Mona Lisa de Léonard de Vinci et à L’Olympia de Manet, est indéniable. Il en va de même pour sa provenance : le tableau appartenait à Viviane de Witt, ex-commissaire-priseur à Drouot. Mais les enchères ont atteint seulement 5,7 millions d’euros, le ras de l’estimation basse. La maison est cependant parvenue à établir un double record : celui de l’artiste en France et celui de la meilleure enchère en art contemporain pour l’Hexagone.
É. Th.

 

 

 

 

 

(1) Les estimations sont annoncées hors frais et les adjudications, frais compris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°405 du 17 janvier 2014, avec le titre suivant : Les enchères marquantes de 2013 en France

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