Economie - Numérique

Le marché des NFT dans l’œil du cyclone

ÉTATS-UNIS

En plein krach, les cryptomonnaies entraînent le marché des NFT dans leur chute : de nombreuses collections parmi les plus chères ont vu leur prix plancher s’effondrer.

NFT. © Riki32, Pixabay License
NFT.

États-Unis. « Je suis désolé » : l’artiste plasticien Takashi Murakami a tenu à s’excuser sur Twitter auprès de sa solide communauté de fans et d’investisseurs, alors que la valeur de sa collection de NFT « Murakami.Flowers » s’est effondrée. Lancée le mois dernier à 9,89 Ethereum (ETH), la cryptomonnaie sur laquelle s’appuie l’ensemble de l’écosystème des NFT – soit 17 000 euros la pièce –, son prix plancher (le prix de l’œuvre la moins chère sur le marché secondaire) vient de passer en dessous des 2 ETH, avoisinant donc les 2 000 euros. « Ce n’est pas ta faute, c’est le marché », lui répond d’emblée l’un de ses collectionneurs.

L’ensemble du marché des NFT subit, en effet, de plein fouet ce que l’on nomme désormais le « krach des cryptomonnaies », soit la chute brutale, depuis quelques mois, de la valeur des devises virtuelles les plus en vue, Bitcoin en tête. Entre novembre et juin, celui-ci a dévissé de près de 60 %, frôlant aujourd’hui la barre symbolique des 20 000 dollars (19 000 euros) pour un Bitcoin, une première depuis décembre 2020, après avoir dépassé les 60 000 dollars en novembre 2021. Le mois dernier, le marché des NFT tenait encore le coup, mais une bulle spéculative en entraînant une autre, celui-ci est désormais au plus bas.

Fait inédit, Bloomberg rapporte que le prix moyen d’un NFT a chuté de 25 % sur la seule journée du 12 juin. Plusieurs analyses attribuent ce décrochage rapide à l’inflation galopante et à la popularité grandissante du secteur pour les investisseurs ces derniers mois, dans un contexte global de crise du « crypto space ». Certaines des collections les plus chères et les plus connues ont vu leur prix plancher dégringoler de 17 % en quelques jours seulement, comme ce fut par exemple le cas des « Moonbirds ». La série « Bored Ape Yacht Club » de Yuga Labs, celle des désormais célèbres portraits de singes cartoonesques, a vu, elle, son prix plancher chuter spectaculairement de 54 % en trente jours.

Une mécanique de spéculation

Le 30 avril dernier, Yuga Labs avait mis en vente un ensemble de 55 000 NFT baptisés « Otherdeeds » et correspondant à des portions de terrain virtuelles dans « Otherside », le métavers fondé sur l’univers des fameux singes que la start-up est en train de développer. L’ensemble avait rapporté 303 millions d’euros à la jeune société et les NFT en question avaient ensuite généré, en moins de vingt-quatre heures, un volume d’échange de plus de 230 millions d’euros sur le marché secondaire. Dopé par ce tonitruant succès, le « Bored Ape » le plus cher s’échangeait alors pour 152 ETH, soit 429 000 euros.

Près d’un mois plus tard, le prix plancher de la collection frôlait donc les 70 ETH et passait sous la barre symbolique des 100 000 dollars (95 000 euros), ce qui ne s’était pas produit depuis le mois d’août 2021, au moment où le marché des NFT n’était encore qu’à l’orée de son explosion. Dans le même temps, les « ApeCoins », la cryptomonnaie lancée par Yuga Labs, à l’occasion de la vente de ses « Otherdeeds », a perdu 65 % de sa valeur, la chute la plus sévère d’une cryptomonnaie sur la période.

Quelques jours après cette vente historique qui avait mis le secteur en transe, la banque américaine Morgan Stanley alertait pourtant déjà sur la situation précaire des NFT. L’institution expliquait que le déclin des cryptomonnaies n’étant pas imputable au déclin du marché des actions, mais bien à la mécanique de spéculation. L’effondrement des NFT devait suivre puisqu’il répondait à des logiques similaires, même si les profils des investisseurs étaient quelque peu différents. D’autres avaient également lancé l’alerte, comme Bill Gates qui avait dénoncé un marché « fondé à 100 % sur la théorie du plus gros imbécile » ou Pyramide de Ponzi : même les actifs les plus surévalués peuvent rapporter de l’argent tant que l’on trouve un « imbécile » à qui les vendre. Jusqu’au jour où l’on ne trouve plus d’imbécile.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°592 du 24 juin 2022, avec le titre suivant : Le marché des NFT dans l’œil du cyclone

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