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Éditorial

NFT, révolution ou Pyramide de Ponzi ?

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2021 - 411 mots

MONDE

Marché de l’art. Vous ne comprenez rien aux NFT ? C’est normal.

Singe de la série Bored Ape Yacht Club. Sotheby's a vendu un lot de 101 de ces singes en NFT pour 21,5 millions d'euros. © Sotheby's
Singe de la série Bored Ape Yacht Club. Sotheby's a vendu un lot de 101 de ces singes en NFT pour 21,5 millions d'euros.
© Sotheby's

Ses promoteurs font tout pour brouiller les pistes à grand renfort de vocabulaire de science-fiction inspiré par le film Matrix. Et quand des acteurs importants se mettent à en vendre (Sotheby’s), à en fabriquer (Gucci, Damien Hirst) et que le géant Facebook annonce qu’il veut créer un monde virtuel (Metaverse), mélange du film Avatar et de la plateforme Second Life, on ne peut qu’être songeur.

Comme l’a caractérisé un récent colloque sur le sujet organisé par l’association Art et droit, un NFT est un certificat d’authenticité permettant de singulariser un fichier numérique par nature reproductible à l’infini. Ce que confirme un spécialiste du sujet que le JdA a interrogé dans un entretien très didactique et d’autant plus instructif que l’avocat qu’il est, est convaincu du futur des NFT.

Problème : au motif qu’avec un NFT on donne enfin de la valeur à un fichier numérique, en raison de son unicité théorique, on veut faire croire que n’importe quelle image, vidéo ou n’importe quel texte prend de la valeur par l’onction de cette Sainte Ampoule new age.

C’est oublier un peu vite que c’est d’abord la valeur intrinsèque du fichier associé qui compte. C’est particulièrement vrai pour l’art numérique dont on ne peut pas dire qu’il ait vraiment décollé et qui espère trouver un nouveau souffle en se rebaptisant NFT. Sans vouloir être désagréable avec ces artistes numériques, leur production est dans une immense majorité très médiocre, du « sous street art» de salon de province. Et que dire des CryptoPunks et autres Bored Ape Yacht Club, de l’art ou de la monnaie de singe ? Ce n’est pas parce qu’un entrepreneur dans les cryptomonnaies a payé 69 millions de dollars un assemblage d’images conçues par un inconnu (l’artiste américain Beeple) que l’œuvre en question a une valeur esthétique. Et d’ailleurs, a-t-il bien payé ces 69 millions de dollars ? Ne s’est-il pas entendu avec l’artiste pour être remboursé ?

Tout se passe comme si une poignée de geeks, ayant fait fortune dans la spéculation sur le bitcoin ou l’ethereum, avait trouvé dans ce nouvel actif immatériel (les NFT) un moyen d’attirer l’épargne des collectionneurs et d’élargir ainsi le cercle des spéculateurs dans ce qui ressemble à une Pyramide de Ponzi. Un coup d’œil sur les plateformes de NFT où l’on peut suivre minute par minute les transactions, comme sur les sites de bourse en ligne, est à cet égard édifiant.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : NFT, révolution ou Pyramide de Ponzi ?

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